L’Encyclopédie/1re édition/NISMES

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NISMES, (Géog.) en latin Nemausus, ville de France dans le bas-Languedoc. Elle est fort ancienne, & doit vraissemblablement son origine aux Phocéens d’Ionie, qui fonderent Marseille. Leur colonie s’étant trouvée trop resserrée dans le territoire de Marseille, fut obligée de se répandre à Orange, à Nice, à Antibes, à Turin, à Tarragone & à Nîmes. Les anciennes armoiries de cette ville, & les épitaphes grecques qui y ont été trouvées, semblent confirmer cette opinion.

Nîmes resta environ 400 ans dans l’état où les Phocéens la mirent, jusqu’au tems qu’elle tomba avec le reste des Volsques, dont elle étoit capitale, sous la puissance des Romains. Les Volsques habitoient le long du Rhône ; ils avoient assujetti cette ville, ou avoient été conquis par elle. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’au tems où Fabius Maximus la soumit aux Romains, elle étoit appellée Nemausus, urbs Volscorum Arecomicorum. Apparemment qu’elle sut dans la suite se soustraire de cette nouvelle domination ; car on observe qu’elle fut du nombre des 837 villes que Pompée conquit dans ses exploits, depuis les Alpes jusqu’aux derniers confins de l’Espagne.

Plusieurs marbres que l’on a trouvés dans les débris de Nîmes avec des inscriptions latines, font voir que les Romains y ont envoyé des colonies ; qu’elle a été gouvernée par des consuls & des decemvirs ; qu’il y avoit des édiles comme à Rome, un sénat, une compagnie de décurions, un questeur ; enfin qu’il y avoit un college de prêtres, & un temple dédié à Auguste.

Quand l’empire s’écroula sous Honorius & Arcadius, la ville de Nîmes tomba entre les mains des Goths, après avoir été environ 500 ans sous la puissance des Romains. On conjecture avec vraissemblance que la plûpart des monumens dont on voit encore aujourd’hui de superbes restes, ont été ordonnés par les deux Antonins, pour marquer leur bienveillance à une ville dont ils étoient originaires.

Nîmes vint dans le sixieme siecle au pouvoir des Visigots, & dans le huitieme elle succomba sous celui des Sarrasins, avec quelques autres places du Languedoc, qu’ils conserverent environ 20 ans, & jusqu’à ce que Pepin reconquit ce pays. Nîmes fut dans la suite gouvernée par des vicomtes, sous l’autorité des ducs de Septimanie. Ces vicomtes de Nîmes s’en rendirent propriétaires dans le x. siecle. Rémond, comte de Toulouse, en usurpa le haut domaine. Les rois d’Arragon s’attribuerent ensuite le même droit sur cette ville & sur son territoire appellé le Nemosez ; mais Jacques, roi d’Arragon, y renonça en faveur de S. Louis, par une transaction de l’an 1258.

En 1417, Nîmes qui appartenoit à Charles VI. roi de France, fut prise par le prince d’Orange, qui étoit à la tête des Anglois ; & ce fut alors que le château des Arenes fut ruiné. Les massacres qui se commirent dans cette ville pendant les cruelles guerres de religion du xvj. siecle, y multiplierent le Calvinisme ; la plus grande partie des magistrats & du peuple se déclarerent pour la réforme, & firent bâtir en 1565 un grand temple qui dura jusqu’en 1685, qu’il fut abbatu par ordre de Louis XIV.

Il s’est tenu à Nîmes quatre conciles particuliers : le premier en 389, le second en 886, le troisieme en 997 & le quatrieme convoqué par le pape Urbain II. en 1096.

Je ne décrirai point les restes des monumens antiques qui se trouvent dans cette ville, ou dans ses environs : on peut en lire les détails dans l’histoire de cette ville par M. Gautier, & dans l’ouvrage des grands chemins de l’empire romain par M. Bergier. Il n’est pas douteux que Nîmes se distinguoit autrefois par son amphithéâtre nommé les Arenes, par la maison-quarrée, qui paroît avoir été un temple ; par l’étendue de ses murs qui avoient un circuit de 4640 toises ; enfin par ses neufs tours qui défendoient les anciens murs, dont la plus grande, appellée pour cette raison la tour-magne, subsiste encore en partie. Ajoutez à toutes ces raretés le Pont-du-Gard, qui servoit d’aqueduc, & qui pouvoit se comparer à tout ce que les Romains ont fait en ce genre de plus hardi. Voyez Pont-du-Gard.

Il reste encore des vestiges de quelques anciens temples qui donnent pareillement une grande idée de la puissance de ceux qui les ont fait bâtir, & de l’état où les arts étoient alors. Celui qu’on croit avoir été dédié à Diane, ou, si l’on veut, à Vesta, offroit une structure très-belle & très industrieuse. Il étoit entierement bâti de grosses pierres sans ciment ni mortier, avec plusieurs niches dans les intercolonnes. Il avoit dix-neuf toises de long, sept & demi de large, & six de hauteur dans œuvre ; on y voyoit seize colonnes d’ordre corinthien, qui supportoient une corniche sur laquelle reposoit la voûte avec des arcs doubles. On croit que la cathédrale de Nîmes est le temple qui avoit été dédié à Auguste, soit par flatterie, soit par les bienfaits qu’elle en avoit reçus.

La ville de Nîmes n’est plus ce qu’elle a été autrefois, & est même considérablement déchue depuis la révocation de l’édit de Nantes. On n’y compte pas aujourd’hui 20 mille ames, & son commerce se borne à quelques soiries, comme serges & bas de soie. Il y a un évêché suffragant de Narbonne, un présidial, une élection, une sénéchaussée, & une académie fondée en 1682.

Cette ville jouit d’un ciel pur & serein pendant presque toute l’année, & se trouve située dans un des plus agréables pays du monde. Une belle plaine fait une partie de son terroir, l’autre est composée de vallons couverts de vignes & d’oliviers, & de côteaux nommés Guarigues couverts de bois taillis, où croissent le thin, le romarin, la sarriette & le serpolet. Ces Guarigues produisent aussi des yeux, sur lesquels croît l’insecte qui fournit le kermès.

Nîmes est située à 5 lieues N. O. d’Arles, 8 S. O. d’Avignon, 8 N. E. de Montpellier, 30 N. E. de Narbonne, 147. S. E. de Paris. Long. selon Cassini, 21. 32. 30. lat. 43. 50. 25.

Parlons des gens de lettres de Nîmes, en passant sous silence Domitius Afer, parce qu’il trouvera son article entre les orateurs qui brillerent à Rome sous Tibere ; il s’agit à présent des modernes.

Brousson, (Jacques) né à Nîmes en 1647, suivit aussi la profession du barreau, & devint dans son pays le plus célebre avocat des Protestans dont il défendit la religion & les intérêts, par son éloquence, par sa plume & par ses veilles. Les plaies de sa mort saignent encore aux yeux des Réfugiés ; & certainement l’idée de son supplice ne peut qu’arracher des larmes de tous ceux qui ont des sentimens d’humanité, & la plus légere teinture des principes du christianisme. Il fut condamné pour sa religion le 4 Novembre 1698 à être rompu vif sur la roue. L’intendant du Languedoc, dont la postérité n’a pas succé les maximes, avoit publié une ordonnance par laquelle il promettoit cinq mille livres (c’est dix mille livres actuelles), à qui livreroit morts ou vifs MM. Brousson & de Vivens. Le premier fut arrêté à Orléans le 19 Septembre 1698, conduit à Pau, & exécuté à Montpellier le 4 Novembre suivant sur un échafaud entouré de deux bataillons du régiment d’Auvergne, & de vingt tambours qui battoient la caisse ; mais enfin les esprits se sont adoucis en s’éclairant davantage.

L’abbé Cassaigne, docteur en Théologie, né & élevé à Nîmes, où son pere étoit trésorier du domaine, devint garde de la bibliotheque du roi. Il fut reçu à l’académie françoise à l’âge de 27 ans, & M. Colbert le nomma l’un des quatre premiers membres dont on composa d’abord l’académie des Inscriptions. On sait par cœur le trait piquant de Despréaux :

Si l’on est plus à l’aise assis en un festin,
Qu’aux sermons de Cassaigne, ou de l’abbé Cotin.

L’abbé Cotin fut désespéré d’une ironie où la fatale nécessité de la rime plaça son nom à côté de celui de Cassaigne. L’hémistiche manquoit à M. Despréaux : vous voilà bien embarrassé, lui dit Furtiere, que ne mettez-vous-là l’abbé Cotin ? L’abbé Cassaigne n’en fut pas moins affligé intérieurement ; il étoit sur le point de prêcher à la cour, & ce trait satyrique le fit renoncer à la chaire. Enfin l’étude & le chagrin lui dérangerent tellement la tête, que ses parens le firent enfermer à S. Lazare, où il mourut en 1679, à 46 ans. Il a publié entr’autres ouvrages une assez bonne traduction de Saluste, & des trois livres de Ciceron de Oratore ; outre une préface aux œuvres de Balzac, qui n’est pas mauvaise.

Cotelier. (Jean-Baptiste) de la société de Sorbonne, profond dans la connoissance de la langue greque, étoit de Nîmes. Il s’est distingué, 1°. par son recueil des monumens des Peres dans les tems apostoliques, Paris 1672, & Holl. 1698, 2. vol. in-fol. 2°. par ses monumens de l’église greque ; 3°. par sa traduction des homélies de S. Chrysostome ; 4°. par le catalogue des manuscrits grecs de la bibliotheque du roi, qu’il a dressé avec M. du Cange. Il mourut à Paris en 1684, à 58 ans.

Nicot, (Jean) natif de Nîmes, devint maître des requêtes de l’hôtel du roi, fut envoyé ambassadeur en Portugal en 1559, & en rapporta le premier dans ce royaume la plante qui de son nom fut appellée nicotiane, aujourd’hui si connue sous le nom de tabac. Il mourut en 1600. On a de lui un dictionnaire françois-latin in-fol. qu’il ne faut pas mépriser.

Petit, (Samuel) un des plus savans ministres calvinistes du xvij. siecle, fit encore plus d’honneur à la ville de Nîmes sa patrie. Nous avons de lui plusieurs ouvrages excellens, & tout remplis d’érudition. Les principaux sont, leges atticæ ; miscellaneorum libri novem ; ecclogæ chronologicæ variarum lectionum libri quatuor ; observationum libri tres, &c. Il mourut en 1648, âgé de 54 ans.

Finissons par M. Saurin, (Jacques) ministre protestant de ce siecle. Il avoit d’abord pris le parti des armes, mais il le quitta pour étudier à Genève la Théologie. Il passoit pour le prédicateur le plus éloquent des refugiés françois de Hollande. On créa en sa faveur une place de ministre de la noblesse à la Haye, où il mourut en 1630, à 53 ans. Ses sermons qui forment 11 vol. in 8°. ne sont pas tous également bons. Ses discours sur l’ancien & le nouveau Testament brillent davantage par les planches & la beauté de l’édition, que par le savoir & la solidité des principes. (D. J.)

Nismes, Maison quarrée de, (Architect. antiq. & rom. Inscript.) Le bâtiment que les habitans de Nîmes appellent la maison quarrée, est un édifice des Romains, qui forme la plus belle des antiquités de cette ville & la plus conservée. Le rapport de convenance de toutes les parties de l’édifice, la proportion des colonnes, la délicatesse des chapiteaux & des ornemens le font admirer des personnes de goût.

Le péristile qui y donne entrée, présente une façade ornée de six colonnes d’ordre corinthien, dont l’entablement & la corniche rampante du fronton sont décorés de tout ce que l’Architecture a de plus recherché. La frise de cette façade est toute lisse ; elle n’a point de bas-reliefs ni aucun de ces ornemens qui sont aux autres côtés : de petits trous qui paroissent mis au hasard, la percent dans toute son étendue, & ces mêmes trous se remarquent encore sur une partie de l’architecture.

La forme de l’édifice lui a fait donner le nom qu’il porte : c’est un carré-long, isolé. La tradition ne nous a point transmis son nom primitif : de là naissent les doutes & les conjectures des savans qui en ont parlé ; mais ce qu’on en a dit a plutôt servi à le faire méconnoître qu’à nous fournir des éclaircissemens sur son véritable usage. C’étoit, prétendoit-on, un capitole, une maison consulaire, un prétoire, un palais, pour rendre la justice, une basilique, un temple consacré à Adrien. Enfin, M. Séguier, dans une savante dissertation imprimée à Paris en 1759, in-8°. a détruit toutes ces fausses idées, & a rendu à ce magnifique édifice son ancien nom, (le nom primitif qu’il portoit il y a plus de dix-sept siecles.) Il a plus fait ; il a prouvé quel étoit le véritable usage de la maison quarrée.

Elle passoit pour un temple auprès de ceux qui jugeoient sans prévention : elle en a la forme & l’ordonnance ; mais il n’étoit pas facile de se décider sur la divinité ou le héros qui y étoient vénérés. Il ne paroissoit aucun vestige de l’inscription qui pouvoit l’indiquer : l’on étoit persuadé, que, s’il y en avoit eu, les révolutions des tems & les Barbares qui les ont occasionnées, l’avoient fait disparoître, & en avoient effacé jusqu’à la moindre trace.

Malgré ces préventions, il y eut au commencement du siecle dernier, un homme, qui par la supériorité de son génie, & la pénétration de son esprit, entrevit des traces de l’ancienne inscription dans les trous qui restent à la façade. C’est le savant Peiresc, qui, au moyen de semblables indices, avoit deviné à Assise l’inscription d’un temple dédié à Jupiter, & à Paris le nom grec d’un ouvrier, attaché par de petites pointes à une améthyste, où il ne restoit que l’empreinte des trous. Gassendi, l’écrivain de sa vie, rapporte qu’il se flattoit de pouvoir interpréter de même la suite des trous de la basilique de Nîmes, qu’on nomme la maison quarrée, aussi-tôt qu’il en auroit une copie exacte. Voici les propres paroles de M. Gassendi : Sic se interpretatum dixit foramina quædam quæ visebantur Assisii in antiquo nescio quo templo. Cùm enim nemo dicere posset ecquid illa significarent, divinavit ipse inscriptionem esse seu dedicationem factam, IOVI. OPT. MAX. idque demonstravit per lineas foramina sic connectentes.


sic speravit se interpretaturum seriem quamdam foraminum nemausensis basilicæ, quam quadratam domum vocant, ubi ectypum obtinuisset.

Il y a grande apparence que M. Peiresc n’eut point cette copie exacte ; car il ne faut pas douter qu’il n’eût réussi à la déchiffrer. Il étoit naturel de penser que c’étoient les restes d’une inscription, & que ce temple avoit cela de commun avec quantité d’autres où l’inscription se voit encore. C’étoit la coutume du siecle d’Auguste de se servir de lettres de bronze pour les inscriptions des temples & des autres édifices d’une grande magnificence. Le temple de Jupiter tonnant, qu’on attribue à cet empereur, en avoit ; l’arc de Suse élevé à son honneur par M. Jul. Cotius, commandant des nations alpines, en étoit aussi décoré. Dans les siecles suivans, & jusqu’au tems de Constantin, on conserva le même usage. Les arcs de Titus, de Septime Severe eurent l’inscription entiere de métal ; au-lieu que celui de Constantin n’en eut que les glorieux titres de FVNDATORI QUIETI & de LIBERATORI VRBIS, sous le passage du grand arc.

Mais sans aller chercher des exemples si loin, nous pouvons produire les restes d’un bel édifice, qu’on a découverts depuis quelques années aux environs de la fontaine de Nîmes où l’inscription étoit en bronze. Chaque lettre étoit d’un assez grand relief pour ressortir au-delà du mur. De petits tenons ou crampons débordoient par-derriere, au-delà des jambages de chacune pour les fixer, & les tenir attachées aux trous où elles devoient être scellées. C’est l’idée qu’on doit s’en faire, & ne pas supposer qu’il y avoit à la frise une longue planche de bronze, sur laquelle on avoit gravé l’inscription, en sorte que les trous qui restent, ne soient que ceux des crampons qui la retenoient.

Ces suppositions arbitraires ne sont pas conformes aux usages des Romains. Quelle grace auroient eu ces lettres ? Lorsque le bronze étoit terni, on n’auroit pu les lire que de près, & avec peine. On n’épargnoit pas le bronze pour orner les temples. Sans parler ici des statues des dieux & des trophées qu’on plaçoit au faîte des bâtimens, dont le métal augmentoit l’éclat & la richesse : l’on sait qu’on s’en servit pour les portes de ces temples, & les chapiteaux des colonnes. On sait que l’arc de Constantin à Rome, & celui de Trajan à Ancone, en étoient ornés. Rien n’égaloit la grandeur & la magnificence de ces maîtres du monde. Les provinces les plus eloignées se piquoient d’être les émules de Rome : les princes secondoient toujours leurs desirs.

La méthode que l’ouvrier suivit pour attacher les lettres à la frise du temple de Nîmes, n’a pas été souvent pratiquée par les Romains. Aux autres édifices, les lettres à demi-gravées dans la pierre, y étoient retenues dans un petit canal ménagé au-dessous : ici il n’y en avoit point ; elles posoient à plat sur le mur où elles étoient scellées en plomb. Quoique cette premiere méthode fût plus sure que l’autre, on a cependant enlevé un grand nombre de ces lettres dans les tems où l’empire a souvent changé de maîtres, & où les Barbares se faisoient une gloire de détruire les plus beaux édifices des Romains. Mais du-moins alors quoiqu’on les eût arrachées, ou qu’elles fussent tombées d’elles-mêmes, le canal qui restoit, en conservoit la trace, & l’on a toujours pu lire les inscriptions. A Nîmes, dès que les caracteres ont disparu, il n’est resté qu’une multitude de trous dont l’application a paru très-incertaine, & la combinaison encore plus difficile.

Il n’y a pas lieu de douter que depuis le renouvellement des lettres, & sur-tout après que Gassendi eut fait connoître qu’au moyen des trous on pourroit deviner l’inscription, il n’y ait eu quantité d’habiles gens qui ont tenté de faire pour celle-ci ce que Peiresc fit pour celle d’Assise. Ils se seront rebutés apparemment par la quantité de trous inutiles qui sont des méprises manifestes des ouvriers, inexactitude qu’on ne devoit pas même soupçonner chez les Romains. La différente maniere de cramponner les lettres qui n’a pas toujours été constante, & qui dépendoit des ouvriers, est une autre difficulté qui dérange les idées qu’on s’en est faite sur d’autres bâtimens, & qui devient encore plus embarrassante, lorsqu’à la même inscription on a suivi, comme dans celle-ci, des arrangemens différens pour les mêmes lettres : méprises, si l’on doit les appeller ainsi, dont il n’est aisé de s’appercevoir qu’après la découverte de l’inscription.

M. Séguier, au-bout de plusieurs tentatives ingénieuses dont on trouvera le détail dans sa dissertation, a découvert, à n’en pouvoir douter, qu’il y avoit anciennement sur la façade de ce temple l’inscription suivante : savoir, à la premiere ligne sur la frise :

C. CAESARI. AVGVSTI. F. COS.
L. CAESARI. AVGVSTI. F. COS.
DESIGNATO


& à la seconde ligne sur l’architrave :

PRINCIPIBVS. IVVENTVTIS

Cette inscription appartenoit aux fils adoptifs d’Auguste, & tout ce que les anciens monumens nous apprennent de ces princes, nous confirme d’une maniere authentique les titres & les qualités qu’ils portent dans l’inscription de Nîmes.

Il ne faut pas s’étonner que l’on ait poussé la flatterie jusqu’à élever aux fils d’Auguste un temple de leur vivant, puisque leur pere en avoit plusieurs ; ainsi des enfans qu’il aimoit tendrement (ses héritiers présomptifs) devoient partager avec lui les mêmes honneurs. Enfin l’édifice de Nîmes servoit à cette ville de moyen pour faire la cour à Auguste, en honorant la mémoire de deux princes si chers à l’empereur, & enlevés à la fleur de leurs ans.

M. Séguier parle ensuite du bronze, des crampons ou tenons des lettres, de la façon de les sceller en plomb, de l’impression que le métal a laissé en certains endroits du mur, des trous qu’on a faits pour l’attacher ; détails dans lesquels nous ne pouvons entrer ici, mais qui font connoître que l’auteur a étendu ses recherches à tout ce qui pouvoit le mener à la vraie connoissance de l’inscription.

Il finit sa dissertation en observant, que malgré la magnificence du bâtiment de Nîmes, les caracteres de l’inscription n’ont point cette élégance & cette belle proportion que l’on remarque dans ceux d’un âge qui succéda bientôt à celui-ci, quoique les médailles de ce même tems en offrent de meilleur goût. (D. J.)