L’Encyclopédie/1re édition/OCTAVE

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OCTAVE, s. f. (Hist. eccl.) se dit dans l’église romaine d’un espace de tems de huit jours destiné à la célébration d’une fête, dont on en répete en grande partie l’office ; comme les hymnes, les antiennes, les versets, & toujours à matines une leçon relative à cette fête. L’office dans l’octave est ordinairement semi-double, excepté le huitieme & dernier jour, qu’on nomme proprement l’octave, où il est double majeur. Ainsi il y a l’octave de Noël, de Pâques, de la Pentecôte, de la fête Dieu, de la dédicace, &c. Voyez Double, Semi-double, &c.

Octave, se dit aussi d’une station de prédicateur qui prêche plusieurs sermons pendant l’octave de la fête-Dieu. Cette coutume a été établie en France, sur-tout depuis l’hérésie des sacramentaires, pour instruire les peuples plus particulierement sur le sacrement de l’Eucharistie, & les affermir dans la foi de la présence réelle. Ainsi l’on dit que tel prédicateur a préché l’octave dans telle ville, telle cathédrale, telle paroisse.

OCTAVE, (terme de Commerce.) ce mot signifie la huitieme partie ou le demi-quart d’une aune : ainsi quand on dit qu’un taffetas est de cinq octaves, cela doit s’entendre qu’il a cinq huitiemes d’aune, ou une demi-aune demi-quart de large ; qu’un autre est de trois octaves, cela veut dire qu’il est de trois huitiemes, ou d’un quart & demi d’aune de large. On se sert de ce terme d’octave pour distinguer les taffetas qui ont d’autres largeurs que la largeur ordinaire, qui est une demi-aune.

Octave se dit encore dans le commerce du change, d’un certain droit ou salaire qui se paye aux agens, ou courtiers de change, qui est de 2 sous 6 deniers, ou de la huitieme partie d’une livre tournois pour chaque fois cent livres contenus aux lettres & billets de change, ou autres papiers dont ils procurent la négociation ; ce qui est à raison de vingt-cinq sous par mille livres. Savari. (D. J.)

Octave, en Musique, est la plus parfaite des consonnances ; c’est, après l’unisson, celui de tous les accords dont le rapport est le plus simple. L’unisson est en raison d’égalité, c’est-à-dire comme 1 à 1 : l’octave est en raison double, c’est-à-dire comme 1 à 2, & ces deux accords ont entr’eux tant de conformité que dans l’harmonie on les prend presque indifféremment l’un pour l’autre.

Cet intervalle s’appelle octave, parce que, pour marcher diatoniquement d’un de ses termes à l’autre, il faut passer par sept degrés & faire entendre huit sons différens.

Voici les propriétés singulieres qui distinguent l’octave de tous les intervalles.

1°. L’octave renferme entre ses bornes tous les sons primitifs & originaux ; ainsi après avoir établi un système ou une suite de sons dans l’étendue d’une octave, si l’on veut prolonger cette suite, il faut nécessairement reprendre le même ordre dans une seconde octave, & de même pour une troisieme, & une quatrieme, où l’on ne trouvera jamais aucun son qui ne soit la replique de quelqu’un des premiers. Une telle série est appellée échelle de musique. Voyez Échelle & Gamme. C’est en vertu de cette propriété de l’octave qu’elle a été appellée diapason par les Grecs. Voyez Diapason.

2°. L’octave renferme encore toutes les consonnances & toutes leurs différences, c’est-à-dire tous les intervalles simples, tant consonnans que dissonnans, & par conséquent toute l’harmonie. Etablissons toutes les consonnances sur un même son fondamental & commun, nous aurons la table suivante,

120 100 96 90 80 75 72 60

120, 120, 120, 120, 120, 120, 120, 120,


qui revient à celle-ci,


c’est-à-dire qu’on y trouve toutes les consonnances dans cet ordre, la tierce mineure, la tierce majeure, la quarte, la quinte, la sixte mineure, la sixte majeure, & enfin l’octave. Par où l’on voit que les consonnances simples sont toutes contenues entre l’octave & l’unisson : il y a même plus, car elles peuvent être entendues toutes à-la-fois dans l’étendue d’une octave sans aucun mélange de dissonnances. Formez à-la-fois quatre sons, ut, mi, sol, ut, en montant du premier ut à son octave, ils formeront entr’eux toutes les consonnances, & ne formeront nul autre intervalle. Prenez deux de ces sons comme il vous plaira, l’intervalle en sera toujours consonnant. C’est de cette union de toutes les consonnances que l’accord qui les produit s’appelle accord parfait. Voyez Accord.

3°. Tout son consonnant avec un des termes de l’octave est aussi consonnant avec l’autre : par conséquent tout intervalle dissonnant avec l’un est aussi dissonnant avec l’autre.

4°. Enfin l’octave a cette propriété plus singuliere encore que toutes les autres, de pouvoir être ajoutée à elle-même, c’est-à-dire doublée, triplée & multipliée à volonté sans changer de nature, & sans que le produit cesse d’être une consonnance.

Cette multiplication de l’octave est cependant bornée à notre égard par l’étendue de nos perceptions, & un intervalle de huit octaves excede déja cette étendue. Voyez Sons graves, Sons aigus. Les octaves mêmes perdent quelque chose de leur harmonie en se multipliant, une triple octave commence déja à être moins agréable qu’une octave simple, une quatrieme octave moins qu’une triple, & enfin à la cinquieme octave la trop grande composition du rapport, & l’extrème distance des sons ôte presque tout son agrément à la consonnance.

C’est de l’octave qu’on tire la génération de tous les intervalles par des divisions & subdivisions harmoniques. Si vous divisez harmoniquement l’octave 3, 6, par le nombre 4, vous aurez d’un côté la quarte 3, 4, & de l’autre la quinte 4, 6.

Divisez de même la quinte 10, 15, harmoniquement par le nombre 12, vous aurez la tierce mineure 10, 12, & la tierce majeure 12, 15. Enfin divisez la tierce majeure 72, 90, encore harmoniquement par le nombre 80, vous aurez le ton mineur 72, 80, ou 9, 10, & le ton majeur 80, 90, ou 8, 9, &c.

Il faut remarquer que ces divisions harmoniques donnent toujours deux intervalles inégaux, dont le moindre est au grave & le plus grand à l’aigu. Que si l’on fait les mêmes divisions selon la proportion arithmétique, ce qui est encore plus facile, on aura le moindre intervalle à l’aigu & le plus grand au grave. Ainsi l’octave 2, 4, partagée arithmétiquement donnera d’abord la quinte 2, 3, au grave, puis la quarte 3, 4, à l’aigu ; la quinte 4, 6, donnera premierement la tierce majeure 4, 5, puis la tierce mineure 5, 6, & ainsi des autres.

Le système complet de l’octave est de cinq tons & deux semi-tons, formant entr’eux autant de degrés diatoniques sur les sept sons de la gamme jusqu’à l’octave du premier. Mais comme chaque ton peut se partager en deux semi-tons, la même octave se divise aussi chromatiquement en douze intervalles d’un semi-ton chacun formés pour douze sons différens, dont les sept précédens gardent leur nom, & les cinq autres prennent chacun le nom du son diatonique le plus voisin. Voyez Échelle.

Je ne parle point ici des octaves diminuées & superflues, parce que dans l’harmonie ni dans la mélodie les octaves ne s’alterent jamais.

Il est défendu en composition de faire deux octaves de suite entre différentes parties, sur-tout par mouvement semblable ; mais cela est permis & même élégant fait à dessein & à propos dans toute la suite d’un air ou d’un trait de chant : c’est ainsi que dans plusieurs concerto toutes les parties prennent le ripieno par intervalles à l’octave ou à l’unisson. (S)