L’Encyclopédie/1re édition/PACTE

La bibliothèque libre.
PACTION  ►

PACTE, s. m. pactum, signifie en général un accord, une convention.

Ulpien, dans la loi I. § ff. de pactis, fait venir ce mot de pactio, dont on prétend que le mot pax a aussi pris son origine ; & en effet dans nos anciennes ordonnances le terme de paix signifie quelquefois convention.

Chez les Romains on distinguoit les contrats & obligations des simples pactes ou pactes nuds, appellés aussi pactum solum.

Le pacte nud étoit ainsi appellé quasi nudatum ab omni effectu civili ; c’étoit une simple convention naturelle, une convention sans titre, une simple promesse, qui n’étant fondée que sur la bonne foi & le consentement de ceux qui contractoient, ne produisoit qu’une obligation naturelle qui n’entraînoit avec elle aucuns effets civils. Voyez la loi 23. Cod. de pign. & hyp. & la loi 15. cod. de transact.

Le droit de propriété ne pouvoit être transmis par un simple pacte : ces sortes de conventions ne produisoient point d’action, mais seulement une exception. Voyez Obligation naturelle.

Parmi nous on confond le terme de pacte, accord & convention. Tout pacte est obligation, pourvû qu’il soit conforme aux regles. Le terme de pacte est néanmoins encore usité pour désigner certaines conventions.

Pacte appellé in diem addictio, étoit chez les Romains une convention qui étoit quelquefois ajoutée à un contrat de vente, par laquelle les contractans convenoient que si dans un certain tems quelqu’un offroit un plus grand prix de la chose vendue, on rendroit dans un certain tems la condition de celui qui vendoit meilleure par quelque moyen que ce fût ; le vendeur pouvoit retirer la chose vendue des mains de l’acheteur. Voyez le tit. 2 du liv. XVIII. du Digeste.

Le pacte n’est point admis parmi nous pour les ventes volontaires, mais on peut le rapporter aux adjudications par decret qui se font sauf quinzaine, pendant laquelle chacun est admis à enchérir sur l’adjudicataire. Voyez Decret & Rabattement de decret.

Pacte de famille, est un accord fait entre les personnes d’une même famille, & quelquefois entre plusieurs familles, pour régler entre les contractans & leurs descendans, l’ordre de succéder autrement qu’il n’est réglé par la loi.

L’usage des pactes de famille paroît être venu d’Allemagne où il commença à s’introduire dans le xiij. siecle, en même tems que le droit romain.

Les anciennes lois des Allemands ne permettoient pas que les filles concourussent avec les mâles dans les successions allodiales.

Lorsque le Droit romain commença d’être observé en Allemagne, ce qui arriva dans le xiij. siecle, la noblesse allemande jalouse de ses anciens usages & de la splendeur de son nom, craignit que l’usage du Droit romain ne fît passer aux filles une partie des allodes : ce fut ce qui donna la naissance aux pactes de famille.

Ces pactes ne sont en effet autre chose que des protestations domestiques, par lesquelles les grandes maisons se sont engagées de suivre dans l’ordre des successions allodiales l’ancien droit de l’empire, qui affecte aux mâles tous les allodes, c’est-à-dire tous les biens patrimoniaux à l’exclusion des filles.

Il est d’usage de fixer dans ces pactes la quotité des dots qui doivent être données aux filles, & pour une plus grande précaution, la famille convient de faire en toute occasion, renoncer les filles à toutes successions en faveur des mâles : ces sortes de pactes sont très-communs dans les grandes maisons d’Allemagne.

En France au contraire ils sont peu usités, nous n’en connoissons guere d’autre exemple parmi nous que celui des différentes familles qui sont propriétaires des étaux de boucherie de l’apport Paris, & des maison de la rue de Gêvres, entre lesquels, par un ancien pacte de famille, les mâles sont seuls habiles à succéder à ces biens, à l’exclusion des filles ; il y a même droit d’accroissement à défaut de mâles d’une famille au profit des mâles des autres familles.

Ces sortes de pactes ne peuvent produire parmi nous aucun effet, à moins qu’ils ne soient autorisés par lettres-patentes. Voyez Berengarius Ferrandus, Francisc. Marc. & Carondas en ses réponses.

Pacte de la loi commissoire, est une convention qui se fait entre le vendeur & l’acheteur, que si le prix de la chose vendue n’est pas payé dans un certain tems, la vente sera nulle s’il plaît au vendeur

Ce pacte est appellé loi, parce que les pactes sont les lois des contrats, & commissoire, parce que la chose vendue, venditori committitur, c’est-à-dire que dans ce cas elle lui est rendue comme si la vente n’avoit point été faite.

L’effet de ce pacte n’est pas de rendre la vente conditionelle, mais il en opere la résolution au cas que la condition prévûe arrive, savoir le défaut de payement du prix dans le tems convenu.

Il n’est pas besoin pour cela que le vendeur ait averti l’acheteur de payer, parce que, dies interpellat pro homine.

Ce pacte étant en faveur du vendeur, il est à son choix de se servir de la faculté qu’il lui donne, ou de poursuivre l’acheteur pour l’exécution de la vente ; mais quand une fois le vendeur a opté l’un ou l’autre des deux partis, il ne peut plus varier.

Le vendeur d’un héritage qui demande la résolution de la vente en vertu d’un tel pacte, peut faire condamner l’acheteur à la restitution des fruits, à moins que l’acheteur n’ait payé des arrhes, ou une partie du prix, auquel cas les jouissances se compensent jusqu’à dûe concurrence.

On ne peut pas demander la résolution de la vente faute de payement, lorsque l’acheteur a fait au vendeur, dans le tems convenu, des offres réelles du prix, ou qu’il a consigné, ou qu’il n’a pas tenu à lui de payer à cause de quelque saisie ou empêchement procédant du fait du vendeur.

Quoiqu’on n’ait pas apposé dans la vente le pacte de la loi commissoire, le vendeur ne laisse pas d’avoir la faculté de poursuivre l’acheteur pour résilier la vente faute de payement du prix convenu.

En fait de prêt sur gage, on ne peut pas opposer le pacte de la loi commissoire, c’est-à-dire stipuler que si le débiteur ne satisfait pas dans le tems convenu, la chose engagée sera acquise au créancier ; un tel pacte seroit usuraire, & comme tel il étoit réprouvé par les lois romaines, lib. ult. cod. de pact. pign. à moins que le créancier n’achetât la chose son juste prix, l. XVI. § ult. ff. de pign. & hyp Voyez Henrys, tom. I. liv. IV. ch. vj. quest. xlj. & xlij. (A)

Pacte de quotâ litis, est une convention par laquelle le créancier d’une somme difficile à recouvrer, en promet une portion, comme le tiers ou le quart, à quelqu’un qui se charge de lui procurer son payement.

Cette convention est valable quand elle est faite en faveur de quelqu’un qui ne fait que l’office d’ami & qui veut bien avancer son argent pour la poursuite d’un procès.

Mais elle est vicieuse & illicite quand elle est faite au profit du juge ou de l’avocat ou procureur du créancier, ou de quelque solliciteur de procès, parce que l’on craint que de telles personnes n’abusent du besoin que l’on peut avoir de leur ministere pour se faire ainsi abandonner une certaine portion de la créance. Voyez Papon, l. XII. tit. 2. n°. 1. Louet & son commentateur, let. L. s. 2. & Mornac sur la loi 6. § maurus ff. mandati, & sur la loi sumptus ff. de pactis, & la loi si qui advocatorum, cod. de postulando. (A)

Pacte de succeder, est la même chose que pacte de famille. Voyez ci devant Pacte de famille.