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L’Encyclopédie/1re édition/PERMUTATION

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PERMUTATION, s. f. (analyse.) on entend par ce mot la transposition qu’on fait des parties d’un même tout, pour en tirer les divers arrangemens dont elles sont susceptibles entr’elles. Comme si l’on cherchoit en combien de façons différentes on peut disposer les lettres d’un mot, les chiffres qui expriment un nombre, les personnes qui composent une assemblée, &c.

Il ne faut donc pas confondre la permutation avec la combinaison. Dans celle-ci, le tout est en quelque sorte démembré, & l’on en prend les différentes parties 1 à 1, 2 à 2, &c. Dans celle-là le tout conserve toujours son intégrité, & l’on ne fait que faire changer d’ordre aux différentes parties qui le constituent.

Pour trouver toutes les permutations possibles d’un nombre quelconque de termes, il ne s’agit que d’un procédé très-simple & très-facile, lequel porte avec soi sa démonstration.

Il est clair qu’un seul terme a ne peut avoir qu’un arrangement.

Si l’on ajoute un second b, on le peut mettre devant ou après a ; ce qui donne deux arrangemens

b a c’est-à-dire 1 (qu’on avoit déja pour le premier cas) × 2 (quantieme du nouveau terme).
a b

Si l’on prend un 3e terme c, il peut occuper trois places dans le ba, & autant dans ab, ce qui donne

deux fois 3 ou six arrangemens cba   cab
bca acb
bac abc

c’est-à-dire 2 (résultat du cas précédent) × 3 (quantieme du nouveau terme).

Un quatriéme terme d pourra occuper quatre places dans chacun de ces six derniers arrangemens ; ce qui en donnera 4 fois 6, ou 24 nouveaux : c’est-à-dire 6 (résultat du cas précédent) × 4 (quantiéme du nouveau terme).

On voit, sans qu’il soit besoin de pousser plus loin l’induction, qu’un cinquiéme terme e donneroit 24 . 5 ou 120 arrangemens, & ainsi de suite à l’infini.

Lu général le nombre des permutations pour n termes n’étant que celui de n-1 termes × n, comme celui de n-1 termes est celui de n-2 termes × n-1, & ainsi de suite en remontant jusqu’à 1 ; il résulte que pour trouver de combien de permutations est susceptible un nombre quelconque u de termes, il faut faire le produit continu des termes de la progression naturelle, depuis & y compris 1 jusqu’à ce terme n inclusivement. 1 × 2 × 3 × 4 ...... × n.

On a supposé jusqu’ici qu’aucun des termes dont on cherche les permutations n’étoit répété, ou ce qui est la même chose, qu’ils n’avoient tous qu’une seule dimension, & que leur exposant commun étoit l’unité. Si la chose étoit autrement, supposons que a représente l’exposant du premier terme, b celui du second, c celui du troisiéme, & ainsi de suite jusqu’au dernier.

D’abord, n, dans la formule ci-dessus, ne sera plus simplement le nombre des termes, mais la somme de leurs exposans.

De plus cette forme ne doit être considérée que comme le numérateur d’une fraction, à laquelle on donnera pour dénominateur le produit continu d’autant de produits particuliers qu’il y a d’exposans ou de termes ; & chacun de ces produits particuliers sera le produit continu des nombres naturels poussé jusqu’à celui inclusivement qui exprime l’exposant du terme correspondant, ensorte que la formule absolument générale sera

Quand tous les exposans sont 1 ; alors leur somme ne différe point du nombre même des termes, & &c. (dans le numérateur) =n… d’ailleurs dans le dénominateur tous les produits particuliers étant 1, le produit général est aussi 1, qui peut être négligé ; & la seconde formule se change en la premiére.

Un exemple va donner une idée de l’effet des permutations.

Il y a 32 cartes dans un jeu de piquet ; comme c’est un jeu fort répandu, & qu’on mêle les cartes à chaque coup, il s’est dû, depuis le tems qu’on y joue, former bien des arrangemens différens de ces 32 cartes ; supposant qu’aucun ne se soit jamais trouvé répété, en sorte que chaque fois qu’on a mêlé les cartes en ait fait naître un nouveau ; on demande si le nombre de tous les arrangemens possibles ne devroit pas désormais être épuisé… bien des gens peut-être ne balanceroient pas à se décider pour l’affirmative ; on va voir combien ils se trouveroient loin de leur compte.

Supposant tous les individus de l’espece humaine répandus sur la surface de la terre, sans distinction d’âge ni de sexe, devenus joueurs de piquet, & appariés deux à deux, ensorte que chaque couple jouât 400 coups par jour sous la condition posée : il faudroit à tous ces joueurs réunis plus de 18 mille milliards de millions de siécles, pour épuiser tous les changemens d’ordre possibles des 32 cartes, & la démonstration en est facile ; 400 coups par jour, en font par an 146000, par siecle 146000.00, par millions de siecles 14600000.000000.

D’un autre côté supposant deux milliards ou deux mille millions d’hommes sur la terre ; ce sera 1.000.000.000 couples de joueurs qu’il faut multiplier par le dernier nombre ci-dessus, on aura 14.600.000.000.000.000.000.000 (A).

Maintenant le nombre des permutations competent à 32 termes se trouve 263.130.836.933.693.530.167.218.012.160.000.000 (B).

Si donc on divise le nombre B par le nombre A, le quotient indiquera combien de millions de siecles il faudroit à tous ces joueurs, pour parvenir au but proposé. Or le nombre B. ayant 36 chiffres, tandis que le nombre A n’en a que 23 dont le premier plus petit que le premier du nombre B ; le quotient en aura , ou 14, dont les deux premiers seront 18. Ce quotient excédera donc 18 mille milliards, & il ne faut pas d’ailleurs perdre de vue que les unités auxquelles se rapportent ces 18 mille milliards sont, non des années, mais des millions de siecles.

Dans le tems que les anagrammes étoient en honneur & faisoient partie du bel-esprit, on voit que sans nul génie, mais avec beaucoup de loisir & autant de patience, il étoit aisé de se faire à cet égard une réputation ; en effet, en suivant avec quelque attention le procédé expliqué plus haut, on étoit assuré de trouver par ordre tous les arrangemens possibles des lettres d’un ou de plusieurs mots, sans qu’il en pût échapper un seul, après quoi il ne restoit plus qu’à choisir ceux qui formoient un sens convenable au but qu’on se proposoit.

Mais l’usage des permutations ne se borne pas aux seules anagrammes, elles partagent avec les combinaisons l’honneur de la solution de plusieurs problèmes curieux, de ceux en particulier où il s’agit d’estimer les hasards. Voyez Combinaison, Alternation, &c. Cet article est de M. Rallier des Ourmes.

Permutation, s. f. (Jurisprud.) Ce terme se prend quelquefois pour toute sorte d’échange en général ; mais communément on entend par permutation, un échange que deux titulaires font entr’eux de leurs bénéfices, par une démission entre les mains des collateurs qui sont obligés de les conférer aux co-permutans.

Les deux résignations peuvent se faire par deux actes séparés, ou par un seul & même acte.

Ces démissions réciproques contiennent toujours, qu’elles sont faites pour cause de permutation avec la clause non aliàs, non aliter, non aliomodo ; c’est pourquoi les provisions sur permutations, sont censées des collations nécessaires ou forcées.

Ceux qui peuvent admettre les permutations, sont le pape, le légat, le vice-légat dans l’étendue de sa légation, & le collateur ordinaire.

Quand le bénéfice ne dépend point de l’évêque, on s’adresse ordinairement au pape.

Quoique le collateur auquel on s’adresse ne puisse pas conférer le bénéfice à un autre, il peut cependant examiner s’il n’y a point de fraude ni de paction simoniaque, ou autre vice qui doive empêcher l’effet de la permutation.

Au refus de l’ordinaire, on peut s’adresser au supérieur.

Si les deux bénéfices que l’on veut permuter sont dans deux dioceses différens, & que l’on ne veuille pas s’adresser au pape, il faut que l’évêque de chaque diocèse admette la permutation, supposé qu’il soit collateur du bénéfice ; ou bien un évêque peut donner pouvoir à l’autre de donner des provisions des deux bénéfices.

Il y a certaines permutations qui sont illicites, notamment celles qu’on appelle triangulaire ; c’est lorsqu’un titulaire résigne son bénéfice à un autre ecclésiastique, à condition que celui-ci résignera à un tiers le bénéfice dont il est pourvu ; aucune dispense ne peut autoriser une telle convention.

Il n’est pas permis de stipuler que le co-permutant sera chargé de faire faire les réparations des bâtimens dépendans du bénéfice, quoique ces réparations soient du tems du co-permutant ; il y auroit symonie dans cette clause.

Il en seroit de même de celle qui obligeroit le copermutant à entretenir les baux faits par son prédécesseur.

Mais suivant l’usage commun, le co-permutant peut faire dresser un procès-verbal de l’état des lieux dépendans du bénéfice qu’on lui a résigné, & obliger son résignant de faire les réparations qui seront estimées nécessaires.

Une pension que l’on créeroit sur un bénéfice en le permutant, pour avoir lieu jusqu’à ce qu’on eût donné un autre bénéfice de même valeur que la pension, ne seroit pas canonique.

On ne peut pas permuter un indult pour un bénéfice, parce que l’indultaire n’a pas jus in re, mais seulement jus ad rem.

Les bénéfices en patronage laïc ne peuvent être permutés sans le consentement du patron ; autrement la collation de l’ordinaire & du pape, même en ce cas, seroit nulle, & les co-permutans rentreroient chacun dans leurs droits ; voyez la déclaration de 1678.

Quand les bénéfices que l’on permute sont inégaux pour le revenu, il n’est pas permis de recevoir une récompense en argent ; il y auroit symonie & abus.

On ne peut permuter un bénéfice avec un autre qui n’est pas encore érigé, ni permuter quelque chose de temporel avec un bénéfice, non pas même une pension, ni des dixmes ou un droit de patronage, quoique tout cela participe du spirituel.

La permutation est sans effet ; 1°. quand elle n’est pas accomplie de part & d’autre, comme quand un des co-permutans ne peut pas obtenir de visa.

2°. Quand l’un des co-permutans n’accomplit pas les conditions.

3°. Lorsque le bénéfice n’est pas tel qu’on l’a énoncé, comme si on a supposé que c’étoit un bénéfice simple, & qu’il soit à charge d’ames, ou que l’on ait caché la véritable quotité d’une pension dont le bénéfice étoit chargé, cela suffit pour donner lieu au regrès, & le co-permutant peut rentrer dans son bénéfice en vertu d’un simple jugement, sans obtenir de nouvelles provisions.

Enfin la permutation devient encore sans effet, quand l’un des co-permutans est évincé du bénéfice qui lui a été résigné.

On peut permuter un bénéfice litigieux, pourvu que le litige soit exprimé.

Un bénéfice tenu en commande, peut être permuté contre un bénéfice tenu en titre, parce qu’en France la commande vaut titre.

On peut permuter un bénéfice contre plusieurs autres.

Tant que le collateur n’a point donné des provisions, le co-permutant peut révoquer sa procuration pour permuter. Il suffit de faire signifier la révocation au collateur, ou si la résignation pour permutation se fait en cour de Rome, on fait signifier la révocation au co-permutant, avant que la résignation soit admise.

Mais si l’un des bénéfices est à la nomination du roi, l’autre à la collation pure & simple de l’ordinaire, un des co-permutans ne peut révoquer sa procuration ad resignandum, sans le consentement du roi, lorsque sa majesté a donné son brevet de nomination, quoique les bulles ne soient pas encore expédiées, ni la résignation de l’autre bénéfice admise en cour de Rome.

Le collateur qui a conféré sur la permutation, ne peut pas conférer par mort en vertu de la regle des 20 jours, si ce n’est que la résignation peche dans son principe, ou que l’un des co-permutans eût refusé de l’exécuter pendant la vie de l’autre.

Ceux qui sont pourvus sur résignation, pour cause de permutation, doivent prendre possession dans le même tems, & avec les mêmes formalités que l’on observe pour les résignations en faveur.

Les provisions obtenues sur permutation sont nulles, si elles ne sont insinuées deux jours francs avant le décès de l’un des co-permutans ; mais il suffit pour celui qui s’unit, qu’il ait satisfait à cette condition : ses provisions sont valables.

Les procurations pour permuter entre les mains du pape, doivent être insinuées au greffe du diocese où elles se font ; & si le bénéfice est dans un autre diocèse, il faut aussi y faire enregistrer les procurations, & ce, dans trois mois après l’expédition des provisions, le tout à peine de nullité. Déclaration de 1691, art. 12.

Au reste le défaut d’insinuation ne peut être opposé que par les indultaires gradués, & autres expectans, & par les patrons. Voyez Dumolin, ad reg. de public. Fevret, liv. II. ch. iv & v. Rebutte, prax. tit. de permut. recueil de Drapier, tome II. ch. xx. (A)