L’Encyclopédie/1re édition/PITUITAIRE, membrane

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Pituitaire, membrane, (Physiologie.) c’est cette membrane lisse qui tapisse sans interruption toute l’étendue interne du nez, toutes ses cavités, ses sinuosités, ses replis, les surfaces que forme le réseau, & par la même continuité non interrompue, toute la surface interne des sinus frontaux & maxillaires, des conduits lacrymaux, des conduits palatins, & des sphénoïdes ; elle se continue encore au-delà des arrieres narines, sur le pharynx, sur la cloison du palais, &c. On ne peut voir sans admiration combien la surface de cette membrane muqueuse augmente par la vaste expansion que la nature lui donne dans une cavité aussi étroite que celle des narines, sans cependant qu’une partie nuise jamais à l’autre.

Elle est nommée pituitaire, de ce que la plus grande partie de son étendue sert à séparer du sang artériel qui y est distribué, une lympne mucilagineuse, que les anciens ont appellée pituite, & qui dans l’état naturel, est pour l’ordinaire médiocrement coulante ; car dans un autre état, elle est ou gluante ou limpide, & sans consistance, ou autrement altérée ; mais elle n’est pas également fournie par toute l’étendue de la membrane schneiderienne ; car on lui donne ce nom de membrane schneidérienne, en reconnoissance des travaux de Schneïder sur cette partie.

Depuis lui les anatomistes modernes se sont appliqués à découvrir la structure de cette membrane. Sténon, Vieussens, Cowper, Drake, Collin, Morgagni, Santorini, Boerhaave, Ruysch, Winslow, y ont donné tous leurs foins ; & cependant malgré leurs travaux, leurs injections, leurs macérations, il ne paroit pas qu’ils l’ayent encore parfaitement développée.

Il est vraissemblable que cette membrane est d’une différente structure dans se, différentes portions. Vers le bord des narines externes elle est très-mince, & y paroit comme un tissu dégénéré de la peau & de l’épiderme ; sur le reste de son étendue, elle est en général comme spongieuse, & plus ou moins épaisse. Elle s’épaissit sur les parois de la cloison du nez, en allant au gosier, comme aussi le long du trajet inférieur des narines internes, & autour des cornets, elle est plus tenue dans les sinus. Winslow prétend que si l’on fait avec la pointe du scalpel, un petit trou dans l’épaisseur de cette membrane, & qu’on y souffle de l’air, on y découvrira un tissu cellulaire très-étendu.

Elle est parsemée d’un million de petits vaisseaux artériels, de quantité d’autres vaisseaux très-fins, qui distillent une lymphe claire, & de quantité de petits corps ronds, glanduleux, du côté du périoste & du périchondre, dont elle est accompagnée. Les conduits excrétoires de ces petits corps glanduleux, sont très-longs autour de la cloison du nez, & leurs orifices sont assez sensibles. Morgagni, Ruysch, Santorini les ont décrits. On en trouve une légion dans la partie antérieure du canal moyen, ainsi que dans celle de l’os spongieux supérieur : on voit les follicules qui sont dessous avec leurs glandes, tels que Ruysch les a exposés. Ceux qui sont à la partie postérieure ont été décrits par Santorini & par Cowper. Ruysch admet en général ces glandes des narines, quoiqu’il les nomme pelotons de vaisseaux.

C’est dans cette grande quantité de glandes & de vaisseaux artériels, dont la membrane pituitaire est parsemée, que se prépare & se sépare sans cesse une humeur douce, fluide, sans odeur, sans couleur, presque insipide, qui humecte, lubrifie, défend les nerfs olfactices, & cela dans toute l’étendue de la capacité des narines. Cette même mucosité ayant perdu par la chaleur du lieu, & par l’action de l’air, ses parties les plus liquides, s’y épaissit par son repos & sa stagnation ; la secrétion s’en fait en quelque situation du corps qu’on soit : on en trouve toujours qui coule en quelque partie des narines ; sans cela, comment se pourroit-il faire que des nerfs aussi tendres & aussi nuds que ceux de l’odorat, pussent se conserver en bon état pendant un aussi grand nombre d’années ?

Ruysch imagine que l’humeur de ces glandes se sépare par des vaisseaux parallelement situés dans la membrane de Schneïder, & qu’il appelle arterio-muqueux ; mais il ne fait aucune mention d’une secrétion artérielle immédiate, quoiqu’elle se fasse peut-être de cette maniere comme dans les intestins, dont la seule analogie rend cette conjecture probable. En effet, si l’on injecte la carotide d’un fœtus, on voit sortir des narines un mucus rougeâtre, écumeux, mêlé avec l’eau injectée. Le mucus des narines se filtre donc sans la médiation d’aucun crypte, autrement cet écoulement ne se feroit pas si vîte. Outre cette secrétion artérielle, il en est une autre glanduleuse, qui donne d’abord une humeur aussi claire que celle de la sécrétion artérielle ; les glandes qui la filtrent reçoivent de très-petites arteres dispersées sur la surface de la membrane pituitaire.

Cette humeur venant de cette double source, s’amasse dans les sinus frontaux, sphénoïdes, maxillaires, & de-là coule dans les narines, suivant les diverses positions du corps. Si le sinus frontal est presque toujours vuide, c’est que le plus souvent on a la tête droite : on en trouve toujours au contraire dans le sinus maxillaire & sphénoïdal, parce qu’ils peuvent rarement se vuider ; le mucus coulant de tous ces sinus va vernir toute l’expansion des nerfs olfactifs, & les conserve comme le vernis de blanc d’œufs conserve les couleurs.

Cependant, de peur que cette liqueur, qui se métamorphose aisément en tophus, ne vînt à s’épaissir trop, à s’accumuler à force de croupir dans ses réservoirs, & qu’ainsi elle ne pût désormais en couler, la nature y a distribué des rameaux de nerfs, qui étant irrités produisent l’éternuement, au moyen duquel l’air poussé impétueusement par toutes les cavités des narines, balaye toute la mucosité qu’il trouve dans son passage.

S’il est certain que les polypes sont quelquefois formés dans le nez par la membrane pituitaire, lorsqu’elle se boursouffle, sort des sinus, & prend un accroissement des os spongieux ; il n’est pas moins vrai que ces corps naissent quelquefois de l’épaississement & de la concrétion de la mucosité dans quelques sinus, qui ne pouvant se vuider, s’en remplit tout-à-fait, & le passage de l’air se trouve ainsi bouché par le polype éminent, formé de mucosité & de membrane ; c’est comme un morceau de chair, qui pend dans le gosier ou dans le nez, & qu’il faut emporter suivant les regles de l’art.

En été, la partie la plus liquide de la mucosité du nez se dissipe par la chaleur, ce qui la rend plus épaisse. En hiver elle coule naturellement & est claire comme des larmes, qui la délayent & qui la disposent à ses excrétions ; car les larmes coulent dans le nez par le canal nazal, que Salomon Alberti a le premier décrit.

Nous venons de voir que le principal usage de la membrane pituitaire est la filtration d’une liqueur lubrique, sans goût & sans odeur, qui se mêle facilement avec l’eau, qui se change en une espece de plâtre quand on la fait secher, & qui rend la surface interne du nez fort glissante.

Si la membrane pituitaire est parsemée de glandes & de vaisseaux sanguins, pour filtrer la mucosité dont nous venons de parler ; elle reçoit aussi, comme nous l’avons dit, les nerfs olfactifs lubrifiés par cette mucosité. C’est par les trous de l’os ethmoïde que descendent du cerveau ces filamens nerveux, qui après avoir pénétré les gaînes que leur fournit la dure-mere, vont se répandre par toute l’étendue de la membrane schneidérienne, en suivent tous les replis, & produisent la sensation que nous nommons odorat. Voyez Odorat. (D. J.)