L’Encyclopédie/1re édition/POMMIER

La bibliothèque libre.

POMMIER, malus, s. m. (Hist. nat. Botan.) genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond. Le calice de cette fleur devient dans la suite un fruit charnu, presque rond, & qui a ordinairement à chaque bout un ombilic : ce fruit est divisé en loges, & renferme des semences colleuses & oblongues. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Pommier, malus, (Jardinage.) grand arbre qui se trouve plus ordinairement dans les climats tempérés de l’Europe que dans les autres parties du monde. Cet arbre s’étend beaucoup plus qu’il ne s’éleve ; sa tige est courte ; sa tête est garnie de quantité de rameaux épineux, qui en prenant une direction horisontale se courbent sous le poids des feuilles & des fruits, & retombent souvent jusqu’à terre. Son écorce se renouvelle & tombe par lambeaux ; ses racines loin de pivoter rampent près de la surface de la terre. Ses feuilles sont oblongues, dentelées, pointues, & posées alternativement sur les branches. Ses fleurs, dont la couleur blanche est mêlée d’une teinte purpurine, paroissent au commencement du mois de Mai, & elles ont une odeur assez agréable ; son fruit est rond ou oblong, ou quelquefois applati ; mais il varie pour la couleur, la grosseur, le goût, & le tems de la maturité, selon la différence des especes.

De tous les arbres fruitiers, le pommier est celui que l’on cultive le plus communément. Il fait le principal fond des vergers. Cependant la pomme est inférieure à la poire pour le goût, le parfum, la variété des especes ; mais la pomme a un avantage plus à la convenance du menu peuple ; elle se garde longtems, & on peut la manger avant sa maturité ; elle n’est que verte alors, au-lieu que la poire avant d’être mûre a une âpreté qui n’est pas supportable ; d’ailleurs l’accroissement du pommier est plus prompt, il donne plus ordinairement du fruit ; & comme il fleurit quinze jours plus tard que le poirier, il est moins sujet à être endommagé par les vicissitudes qui flétrissent les plantes au renouvellement des saisons ; enfin les pommes n’ont pas besoin d’autant de chaleur que les poires pour arriver à leur perfection ; on a même observé que les pommiers en espalier contre des murs biens exposés, ne donnoient pas de bons fruits.

On peut multiplier le pommier de semence & par greffe ; il y a même quelques especes qui varient très-aisément de bouture. Le premier moyen n’est propre qu’à procurer des sujets pour la greffe ; car en semant les pepins d’une bonne espece de pomme, non-seulement ils ne produisent pas la même sorte de fruit, mais les pommes qui en viennent sont communément bâtardes & dégénérées. Il est vrai qu’il peut s’en trouver quelques-unes de bonne qualité ; mais c’est un hasard qui est si rare qu’on ne peut y compter : les deux especes de pommiers qui viennent de bouture ne sont propres non plus qu’à servir de sujet ; ainsi ce n’est que par la greffe qu’on peut se procurer surement l’espece de pomme que l’on desire avoir.

Le pommier se greffe en fente ou en écusson sur le sauvageon, sur le franc, sur le doucin, & sur le paradis, & ces quatre sujets sont du genre du pommier. On tire le pommier sauvage des bois, mais on ne l’emploie que quand on ne peut faire autrement, parce qu’il conserve toujours une âcreté qui se communique aux fruits que l’on y a greffés ; mais on se sert de trois autres sujets qui ont des qualités différentes. Le pommier franc convient pour avoir de grands arbres ; le doucin ne parvient qu’à une moyenne hauteur ; & le pommier de paradis ne fait que des arbres nains qui ne s’élevent qu’à trois piés.

Pour avoir des sujets de pommier franc, il faut semer les pepins de toutes sortes de pommes bonnes à manger. A l’égard du doucin, que l’on nomme aussi fichet, & du pommier de paradis, on les éleve très aisément de bouture. Lorsque ces différens sujets sont assez forts, on les greffe en fente ou en écusson. Sur le tems & la façon de faire ces diverses opérations, ainsi que sur la maniere de conduire ces arbres, voyez le mot Pepiniere.

Le pommier se plait en pays plat, aux expositions plutôt froides que chaudes, dans les terres grasses, noires, & un peu humides. Il se soutient assez bien dans les terres fortes où il y a de la fraîcheur : mais il se refuse absolument à la craie vive & à l’argille pure.

Les greffes faites sur ces différens sujets donnent divers résultats. Quand on greffe sur le poirier sauvage il fait un grand arbre, des plus forts & des plus durables. Sur le poirier franc il en vient aussi un grand arbre, dont l’accroissement est même plus prompt, mais il n’est pas de si longue durée. Sur le doucin on y gagne encore plus la vîtesse de l’accroissement, mais la stature de l’arbre n’est que médiocre non plus que la durée ; enfin sur le pommier de paradis on jouit encore bien plutôt, & on a des fruits plus gros, plus beaux, de meilleur goût, & en plus grande quantité ; il est vrai aussi qu’on n’a qu’un arbre tout-à-fait nain, & qui passe en peu d’années.

Les poiriers greffés sur le sauvageon & sur franc, ne sont propres qu’à faire des arbres de haute tige. Ceux greffés sur le doucin se prêtent à toutes les formes ; mais lorsque le pommier de paradis sert de sujet, il ne convient qu’à former des espaliers ou des buissons.

On réussit quelquefois de greffer le pommier sur le poirier, sur le coignassier, & sur l’aubépin ; mais ces sujets sont des arbres foibles, languissans, & de courte durée ; il en est de même lorsque le pommier leur sert de sujet.

Les pommiers de basse tige que l’on tire de pepiniere pour les planter à demeure, doivent être vigoureux, d’une belle écorce & dont la greffe soit bien recouverte. Ceux qui ont deux ans de greffe sont les meilleurs. Cet arbre est si robuste qu’il vaut toujours mieux le transplanter en automne ; la reprise en est plus assurée que quand on attend le printems, & il pousse plus vigoureusement dès la premiere année, ce qui est très-avantageux pour disposer les jeunes arbres à la forme que l’on veut leur faire prendre. Il faut donner vingt-cinq à trente piés de distance aux pommiers greffés sur sauvageon ou sur franc, que l’on veut faire venir à haute tige & même jusqu’à quarante piés pour les grandes plantations. On ne sauroit croire combien il est important pour la qualité du fruit de laisser à ces arbres un espace suffisant pour les faire jouir d’un air libre & de l’aspect du soleil. Il suffira de vingt à vingt-cinq piés d’intervalle pour les pommiers de haute tige greffés sur doucin ; douze à quinze piés pour la même qualité d’arbres lorsqu’ils sont destinés à former des buissons ou des espaliers. A l’égard des pommiers greffés sur paradis, il ne leur faut que huit à dix piés de distance, soit pour l’espalier ou pour le buisson. C’est aussi sur la qualité & la profondeur du terrein qu’on doit déterminer ces différentes distances.

La taille du pommier doit être simple & ménagée ; c’est de tous les arbres fruitiers celui qui peut le mieux s’en passer. Il ne faut retrancher que les branches nuisibles, & celles qui contrarient la forme à laquelle on veut assujettir l’arbre. Les playes qu’on lui sait se recouvrent difficilement, & les branches que l’on accourcit trop se dessechent. Il faut tailler dès l’automne les arbres foibles, & attendre le printems pour ceux qui sont trop vigoureux. Le pommier croît plus promptement que le poirier, mais il est de moindre durée, & son bois n’est pas de si bonne qualité.

On doit se tenir en garde sur la culture de cet arbre. Les labours lui font tort quand il est dans sa force & qu’il s’est bien établi. M. l’abbé de la Chataigneraie dans son traité sur la connoissance parfaite des arbres fruitiers, a observé, & j’en ai fait l’épreuve par moi-même, que la culture fait périr le pommier en peu d’années. Il paroit que cet arbre demande que la terre soit affermie sur ses racines.

Outre l’usage que l’on fait des pommes de la meilleure qualité pour la table ; on tire aussi du service de celles qui ne sont pas bonnes à manger. On en fait du cidre dans les pays où la vigne ne peut réussir. Les pommes douces font un cidre délicieux & agréable à boire, mais qui n’est pas de garde. Celles qui sont d’un goût âpre & austere que l’on nomme pommes sûres, font un cidre qui a plus de force, & qui se garde long-tems. On peut encore, avec ces différens cidres, faire du vinaigre & de l’eau-de-vie. La Médecine tire quelque service des pommes de bonne qualité, comme la reinette, dont on fait différens usages dans la Pharmacie.

Le bois du pommier sauvage est pesant & compacte, fort doux & très-liant, mais moins dur & moins coloré que celui du poirier. Il est recherché par les Ebénistes, les Tourneurs, les Luthiers, les Graveurs en bois, & les Charpentiers, pour les menues pieces des moulins, & il est bon à brûler. Le bois du pommier franc est plus propre que le sauvage à tout ce qui concerne la menuiserie.

Nos jardiniers françois font mention de près de trois cens variétés de pommes, dont il y en a au-plus une douzaine de bonne qualité, peut-être de quinze sortes qui peuvent passer pour médiocres, toutes les autres ne méritent pas qu’on les cultive. La nature de cet ouvrage ne permet pas d’entrer dans le détail des qualités particulieres de ces différens fruits. Voyez à ce sujet les Calologuis des RR. PP. Chartreux de Paris, & de M. l’abbé Nolin.

Il y a quelques pommiers qui peuvent être intéressans pour l’agrément, comme le pommier sauvage à feuilles panachées de blanc, le pommier franc à feuilles tachées ; ce dernier a plus d’agrément que l’autre ; le pommier à fleur double, qui est plus rare que beau, & le pommier sauvage de Virginie, à fleurs odorantes ; celui-ci peut exciter la curiosité par rapport à l’odeur très-suave qu’il répand, mais son fruit n’est pas d’excellente qualité. Art. de M. d’Aubenton. le subdelégué.

Pommier d’adam, (Jardinage.) est une espece de limonnier ou de citronnier, qui porte un fruit plus gros qu’une orange & dont les feuilles sont plus larges. Il est d’un jaune plus foncé & d’une odeur moins forte, son écorce est peu épaisse, ayant plusieurs crevasses, sa chair est semblable à celle du citron, rempli d’un suc comme celui de l’orange, mais peu agréable. On prétend que notre premier pere mangea du fruit de cet arbre ; sa culture est celle de l’oranger.

Pommier d’Inde, (Hist. nat. Botar.) petit arbre des Indes orientales, dont les feuilles sont très-petites, & qui porte un fruit de la grosseur d’une noix, avec un noyau fort dur & d’un goût très-révoltant.

Pommier, (Ferblanterie & Poterie.) c’est un petit ustensile de ménage, qui sert à faire cuire des pommes, des poires, & autres fruits, devant le feu. Les Ferblantiers en font de fer-blanc, en forme de demi-cylindre, qui se soutiennent avec de gros fil-de-fer. Les Potiers de terre en fabriquent aussi de terre. Ils sont les uns & les autres du nombre des ouvrages qu’il leur est permis de faire par leurs statuts. Savary. (D. J.)