L’Encyclopédie/1re édition/PORTE-LAURIERS

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PORTE-LAURIERS, fête, (Antiq. grecq.) on appelloit ainsi la fête qu’on célebroit tous les neuf ans en Béotie à l’honneur d’Apollon Isménien. Son nom grec étoit Δαφνηφορία. Indiquons-en l’origine. Les Eoliens qui habitoient Arne & les lieux circonvoisins, en étant sortis pour obéir à un oracle, vinrent ravager le territoire de Thèbes, qu’assiegeoient alors les Pélasges. Les deux armées se trouvant en même tems dans l’obligation de chommer une fête d’Apollon, il y eut suspension d’armes, pendant laquelle les uns couperent des lauriers sur l’Hélicon, les autres sur les bords du fleuve Mélas, & tous en firent au dieu une offrande. D’un autre côté Polémathas, chef des Béotiens, vit en songe un jeune garçon qui lui faisoit présent d’une armure complette, avec ordre de consacrer tous les neuf ans des lauriers au même dieu ; & trois jours après ce songe, ce général défit les ennemis. Il eut soin de célebrer la fête ordonnée, & la coutume s’en est depuis conservée religieusement. Voici maintenant en quoi consistoit cette fête.

On prenoit le bois d’un olivier, on le couronnoît de lauriers & de diverses fleurs, & on en décoroit le sommet d’une sphére de cuivre, à laquelle on en suspendoit d’autres plus petites. Le milieu de ce bois étoit environné de couronnes pourpres, moindres que celles qui en ornoient le sommet, & le bas étoit enveloppé d’une étoffe à frange de couleur jaune. La sphere supérieure désignoit le soleil, qui étoit Apollon ; la seconde représentoit la lune ; & les plus petites figuroient pour les autres planetes & pour les étoiles. Les couronnes, qui étoient au nombre de 365, offroient une image de la révolution annuelle. Un jeune garçon, ayant pere & mere, menoit la marche, & son plus proche parent portoit devant lui l’olivier couronné, qu’on appelloit κοπὼ. Le jeune garçon le suivoit le laurier à la main, les cheveux épars, la couronne d’or sur la tête. Il étoit vétu d’une robe brillante qui lui descendoit jusqu’aux piés, & ayant pour chaussure celle qui devoit son nom à Iphicrate. Il étoit suivi d’un chœur de jeunes filles, portant des branches de laurier, chantant des hymnes, en équipage de suppliantes ; & la procession se terminoit au temple d’Apollon Isménien. (D. J.)