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L’Encyclopédie/1re édition/PRIMAT

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PRIMAT, s. m. (Jurisprud.) primas, seu episcopus primæ sedis, c’est un archevêque qui est établi au-dessus d’un ou de plusieurs autres métropolitains.

Le primat exerce aussi les droits de primatie sur ses propres diocésains & sur les évêchés qui sont ses suffragans, de sorte qu’il a plusieurs degrés de jurisdiction qu’il fait exercer par des officiaux différens, ayant pour la primatie un official primatial pour juger les appellations qui sont interjettées de l’official métropolitain.

La dignité de primat est la premiere dignité dans l’Église après celle du pape dans les pays où il n’y a point de patriarche, & dans ceux où il y a un patriarche elle est la troisieme, le patriarche étant au-dessus du primat.

Anciennement on confondoit quelquefois la dignité de patriarche avec celle de primat, on les appelloit tous d’un nom commun magni exarchæ.

Les uns & les autres jouissoient de grandes prérogatives, car on pouvoit appeller à eux, omisso medio. Les jugemens primatiaux étoient sans appel. Leg. sanc. cod. de episc. aud.

En France où l’établissement des grands patriarches n’a point été reçu, ce sont les primats qui en tiennent lieu ; on appelle de l’évêque au métropolitain, de celui-ci au primat, & du primat au pape ; jusqu’à ce qu’il y ait trois sentences conformes, il n’est pas permis d’intenter cet ordre de jurisdiction.

Il y a huit archevêques en France qui se disent primats ; celui de Sens se dit primat de Germanie & des Gaules ; les archevêques de Bourges & de Bordeaux se disent tous deux patriarches d’Aquitaine ; ceux d’Arles & de Vienne se disputent la primatie de la Gaule narbonnoise ; ceux de Rouen & de Narbonne se prétendent aussi primats de leurs détroits.

Par arrêt du conseil du 12 Mai 1702 revêtu de lettres-patentes registrées aux parlemens de Paris & de Normandie, l’archevêque de Rouen a été déclaré exempt de la jurisdiction de l’archevêque de Lyon ; celui-ci est en possession de la jurisdiction primatiale sur les métropoles de Tours, de Sens & de Paris, parce qu’il est primat des quatre lyonnoises, suivant la bulle de Gregoire VII. de 1079.

L’archevêque de Bourges exerce les droits de primatie sur Alby & sur les évêchés de Rodez, de Castres, de Cahors, de Vabres & de Mende qui en sont suffragans, l’archevêque de Bourges n’ayant consenti à l’érection de l’évêché d’Alby en métropole, qu’à la charge que cette église & les membres qui en dépendent reconnoîtroient toujours la jurisdiction & la primatie de celle de Bourges dont elle a été désunie ; & en cas de vacance du siege de Bourges, les droits de primatie appartiennent au chapitre. Voyez Fevret, d’Héricourt, la bibliotheque canonique, Drapier & les articles Archeveque, Official, Patriarche. (A)

Primat de Pologne, (Hist. du gouv. de Pol.) le primat de Pologne est le chef du sénat, & c’est à l’archevêque de Gnesne qu’appartient cet honneur.

Cette dignité de primat fut autrefois accompagnée du pouvoir & de ses abus dans toute l’Europe. Ce fut un primat de Suede, l’archevêque d’Upsal, qui fit massacrer dans un repas tout le sénat de Stockolm, sous prétexte qu’il étoit excommunié par le pape ; & la Suede ne voulut plus ni de primat, ni de pape. Ce fut un primat d’Angleterre, l’archevêque Cranmer, qui en cassant le mariage de Henri VIII. avec Catherine d’Arragon, rompit, de concert avec son maître, tous les liens entre Rome & les Anglois. Le czar Pierre ne trouva point de plus grands obstacles aux grandes choses qu’il méditoit, que la dignité de patriarche ou de primat. Elle s’abolit en France : comme elle s’est divisée sur plusieurs têtes qui se la disputent, elle ne peut pas tout ce qu’elle pouvoit. En Pologne elle existe dans toute sa force.

Le primat est légat né du saint siege, & censeur des rois ; roi lui-même en quelque sorte dans les interregnes, pendant lesquels il prend le nom d’inter-roi. Aussi les honneurs qu’il reçoit répondent-ils à l’éminence de sa place. Lorsqu’il va chez le roi, il y est conduit en cérémonie ; & le roi s’avance pour le recevoir. Il a, comme le roi, un maréchal, un chancelier, une nombreuse garde à cheval avec un timbalier & des trompettes qui jouent lorsqu’il est à table, & qui sonnent la diane & la retraite. On le traite d’altesse & de prince ; & parmi les grandes prérogatives de sa place, la plus utile à l’état, c’est la censure dont il use toujours avec applaudissement. Le roi gouverne-t-il mal, le primat est en droit de lui faire en particulier des représentations convenables ; le roi s’obstine-t-il, c’est en plein sénat, ou dans la diete qu’il s’arme des lois pour le ramener ; & on arrête le mal. Mais à supposer qu’un roi eût été plus fort que la loi, chose très-difficile en Pologne, le fil de l’oppression se romproit à sa mort, sans passer dans les mains du successeur. L’interregne tranche. L’abbé Cayer. (D. J.)