L’Encyclopédie/1re édition/PROFIT

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PROFIT, GAIN, LUCRE, ÉMOLUMENT, BÉNÉFICE, (Synonymes.) Le gain semble être quelque chose de très-casuel, qui suppose des risques & du hasard : voilà pourquoi ce mot est d’un grand usage pour les joueurs & pour les commerçans. Le profit paroît être plus sûr, & venir d’un rapport habituel, soit du fonds, soit d’industrie : ainsi l’on dit les profits du jeu, pour ceux qui donnent à jouer ou fournissent les cartes ; & le profit d’une terre, pour exprimer ce qu’on en retire outre les revenus fixés par les baux. Le lucre est d’un style plus soutenu, & dont l’idée a quelque chose de plus abstrait & de plus général : son caractere consiste dans un simple rapport à la passion de l’intérêt, de quelque maniere qu’elle soit satisfaite ; voilà pourquoi on dit d’un homme avide, qu’il aime le lucre, & qu’en pareille occasion l’on ne se serviroit pas des autres mots avec la même grace. C’est dommage que ce terme vieillisse, tandis que les ames éprises de l’amour du lucre augmentent. L’émolument est affecté aux charges & aux emplois, marquant non-seulement la finance réglée des appointemens, mais encore tous les autres revenant-bons. Bénéfice ne se dit guere que pour les banquiers, les commissionnaires, le change & le produit de l’argent ; ou dans la Jurisprudence, pour les héritiers qui craignant de trouver une succession surchargée de dettes, ne l’acceptent que par bénéfice d’inventaire.

Quelques rigoristes ont déclaré illicite tout gain fait aux jeux de hasard. On nomme souvent profit ce qui est vol. Tout ceux qui n’ont que le lucre pour objet, sont des ames paîtries de boue. Ce n’est pas toujours où il y a le plus d’émolumens que se trouve le plus d’honneur. Le bénéfice qu’on tire du changement des monnoies, ne répare pas la perte réelle que ce dérangement cause dans l’état. Synon. de l’abbé Girard. (D. J.)

Profit, avantage, gain, bénéfice qu’on retire d’un négoce, soit par l’achat, soit par l’échange, soit par la vente des marchandises dont on fait commerce.

Profit permis & légitime, est celui qui se fait par des voies justes, & dans un commerce qu’on exerce avec probité.

Profit illicite & odieux, est celui qu’on fait par de mauvaises voies, & dans un négoce défendu par les lois, comme sont les prêts sur gages, les prêts à usure.

On dit qu’un marchand vend à profit, non pas quand il gagne beaucoup sur une marchandise, mais quand il fixe son profit sur le pié de tant par livres de ce que sa marchandise lui revient rendue dans le magasin. Dictionn. de Comm.

Profits de fief, (Jurisprud.) sont les droits utiles que les fiefs produisent au seigneur dominant, quand il y a changement de vassal ; tels que le chambellage, le relief ou rachat, le quint & requint. Ces profits sont différens, selon les coutumes ou les titres, & suivant la mutation.

La coutume de Paris, article 24, dit que le seigneur se peut prendre à la chose pour les profits de son fief, c’est pourquoi l’on dit communément que les profits de fief sont réels, ce qui signifie qu’ils suivent le fief, & qu’il peut être saisi tant pour les anciens que pour les nouveaux droits. (A)

Profit avantureux, (Marine.) c’est l’intérêt de l’argent que l’on prête sur un vaisseau marchand, soit pour un voyage, soit pour chaque mois qu’il est en mer, moyennant quoi le prêteur court les risques de la mer & de la guerre. Voyez Grosse avanture.