L’Encyclopédie/1re édition/PURGATOIRE

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PURGATOIRE, s. m. (Théol.) Selon les Théologiens catholiques, c’est l’état des ames qui étant sorties de cette vie sans avoir expié certaines souillures qui ne méritent pas la damnation éternelle, ou qui n’ont pas expié en cette vie les peines dues à leurs péchés, les expient par les peines que Dieu leur impose avant qu’elles jouissent de sa vue.

Quoique ce terme ne se trouve pas dans l’Ecriture, cependant la chose qu’il signifie y est clairement exprimée, l’utilité de la priere pour les morts étant recommandée dans le II. liv. des Machabées, ch. xij. v. 43, & dans la II. épit. à Tim. ch. j. v. 18. D’ailleurs la tradition de l’église a solidement établi ce dogme que les Protestans rejettent. Les Grecs l’admettent aussi-bien que les Latins, & ne disputent que sur le nom du lieu où sont détenues ces ames, qu’ils appellent enfer, & que nous nommons purgatoire.

Les Juifs reconnoissent une sorte de purgatoire, qui dure pendant toute la premiere année qui suit la mort de la personne décédée. Selon eux, l’ame, pendant ces douze mois, a la liberté de venir visiter son corps, revoir les lieux & les personnes auxquelles elle a eu pendant la vie quelqu’attache particuliere. Ils nomment ce purgatoire, le sein d’Abraham, le trésor des vivans, le jardin d’Eden, la gehenne supérieure, par opposition à l’enfer, qu’ils appellent la gehenne inférieure. Le jour du sabbat est, selon eux, un jour de relâche pour les ames du purgatoire ; & au jour de l’expiation solemnelle, ils font beaucoup de prieres & d’œuvres satisfactoires pour les soulager. Voyez Expiation. Leon de Moden. cérém. des Juifs, part. V. ch. x.

Les Musulmans admettent aussi trois sortes de purgatoires ; le premier qu’ils nomment adhab-al-cabor, ou la peine du sépulcre, où les anges noirs, Munkir & Nekir, tourmentent les méchans. Voyez Munkir & Nekir. Le second qu’ils appellent araf, est situé entre le paradis & l’enfer. On n’est pas d’accord, qui sont ceux qui demeurent dans cet araf. Les uns y placent les patriarches, les prophetes, les martyrs & les fideles les plus pieux ; mais d’autres docteurs n’y mettent que les Mahométans, dont la vie a été également mêlée de bonnes & de mauvaises actions : ils voient de-là la béatitude céleste sans en jouir ; mais au jugement ils y seront admis, parce qu’alors les adorations qu’ils rendront à Dieu, détruiront cette égalité qui se trouvoit entre leurs bonnes & leurs mauvaises œuvres, & feront donner récompense aux premieres. Enfin ils en ont un troisieme nommé barzak, c’est-à-dire l’espace de tems qui doit s’écouler entre la mort & la résurrection, & pendant ce tems il n’y a ni paradis ni enfer. D’Herbelot, bibliot. oriental. pag. 57, 122 & 191.