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L’Encyclopédie/1re édition/PUTEOLI

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PUTEOLI, (Géog. anc.) ville d’Italie, dans la Campanie heureuse, aujourd’hui Pozzuolo, & par les François Poussol. Voyez Poussol.

Les Grecs nommerent cette ville Διχαιαρχία ou Διχαίαρχεια, & c’est son plus ancien nom : Dicæarchia, dit Etienne le géographe, urbs Italiæ quam Puteolos vocari aiunt. Festus & lui rendent raison du nom latin ; ils disent que le nom de Puteoli vient de la puanteur des eaux chaudes qui sont aux environs, ab aquæ calidæ putore ; Festus ajoute pourtant que, selon quelques-uns, ce nom a été occasionné par la grande quantité de puits qu’on avoit creusés à cause de ces eaux, à multitudine puteorum earumdem aquarum caussâ factorum.

Dès le tems de la guerre d’Annibal, Puteoli étoit une place forte, où les Romains tenoient une garnison de 6000 hommes qui résisterent aux efforts d’Annibal. Tite-Live, l. XXXIV. c. xlv. & Velleius Paterculus, l. I. c. xv. nous apprennent qu’après que cette guerre fut finie, les Romains firent de Puteoli une colonie romaine. Comme Tacite, l. XIV. c. xxv. dit qu’elle acquit le droit & le nom de colonie sous l’empereur Néron, il ne faut pas l’entendre du simple droit de colonie dont elle jouissoit il y avoit déja long-tems, mais du droit de colonie d’Auguste qui étoit plus considérable que le premier.

Puteoli fut bâtie par les Samiens l’an 4 de la lxiv. olympiade, qui étoit le 232 de Rome. Ils la nommerent, comme je l’ai déja dit, Dicæarchia, & les poëtes latins se sont servis de ce mot pour la désigner, lors même qu’elle eut changé de nom. Elle appartint quelque tems à ceux de Cumes qui en firent leur port. Les Romains la subjuguerent pendant la seconde guerre punique l’an 538 de Rome, & y mirent une bonne garnison. Ils l’érigerent en colonie vingt ans après, & lui changerent son nom en celui de Puteoli. Ce fut l’un des meilleurs ports qu’ils eussent sur cette mer-là, & les navires marchands d’Alexandrie y avoient leur étape.

Elle devint très-considérable par la beauté des édifices publics que l’on y bâtit, je veux dire par ses temples, par ses cirques, par ses théâtres & par ses amphithéâtres. Les maisons de plaisance que les plus riches citoyens de Rome & Cicéron entr’autres firent élever dans son voisinage, contribuerent encore à la rendre illustre. Ses bains furent renommés, & le sont toujours.

Il y avoit aussi dans ses environs une fontaine célebre ; cette fontaine ne croissoit & ne diminuoit jamais, ni dans les tems de sécheresse, ni dans les tems de pluie. On avoit tant de vénération pour les nymphes qu’on croyoit y résider, qu’on bâtit à leur honneur un beau temple de pierre blanche, comme l’observe Philostrate.

Les dames romaines tiroient de cette ville une espece de vermillon où il entroit de la pourpre, & dont elles se fardoient, Puteolanum purpurissum è cretâ argentariâ. Enfin Auguste & Néron, pour soutenir l’éclat de Puteoli, y envoyerent de nouvelles colonies. Le lecteur peut consulter l’ouvrage de Scipione Mazella, intitulé Antichita di Pozzuolo, Neapoli 1606, auquel ouvrage on a joint le traité de Jean Elisius, médecin, de balneis Puteolanïs. Voici la suite de l’histoire de Puteoli.

Elle fut réduite en cendres par Alaric l’an 410 de l’ere chrétienne, & par Genseric l’an 455 ; environ 90 ans après, elle fut prise par Totila, qui la saccagea & la fit démanteler au point qu’elle demeura sans habitans pendant seize années. Les Grecs l’ayant rebâtie, elle se rétablit peu-à-peu, de sorte qu’elle étoit une bonne place lorsque Romuald II. du nom, duc de Benevent, s’en saisit l’an 715, & la désola par le fer & par le feu. Elle fut pillée par les Hongrois au x. siecle. Après plusieurs changemens de maîtres, elle tomba au pouvoir d’Alphonse d’Arragon, roi de Naples, dans le xv. siecle. Les tremblemens de terre ont fait aussi d’étranges ravages dans cette ville en divers tems, & sur-tout l’an 1538, au rapport de Gassendi. Enfin Poussol, dont il importe de lire l’article conjointement avec celui-ci, n’est plus qu’une ville misérable. Quoiqu’elle soit dans la plus agréable situation du monde & qu’elle ait le titre d’évêché, elle n’attire sur son passage que quelques voyageurs curieux de considérer les restes qui s’y trouvent de son ancien état.

Decimus Laberius, qui mourut à Puteoli en 711, étoit un poëte célebre dans ces especes de comédies boufonnes & licencieuses qu’on nommoit mimes, & qui se bornoient au pur amusement. Il prima longtems en ce genre de composition, & plut tellement à Jules César qu’il en obtint le rang de chevalier romain, & le droit de porter des anneaux d’or ; mais il eut dans Publius Cyrus un rival dangereux, qui lui enleva enfin les applaudissemens de la scène. (D. J.)