L’Encyclopédie/1re édition/SÉDUCTEUR

La bibliothèque libre.
◄  SÉDRE
SÉDUCTION  ►

SÉDUCTEUR, s. m. (Morale) c’est celui qui dans la seule vue de la volupté, tâche avec art de corrompre la vertu, d’abuser de la foiblesse, ou de l’ignorance d’une jeune personne. Si j’avois à tracer le progrès que fait un séducteur, je pourrois dire qu’à la familiarité de ses discours libres, succède la licence de ses actions ; la pudeur encore farouche demande des ménagemens, l’on n’ose se permettre que des petites libertés, l’on ne surprend d’abord que de légeres faveurs, & forcées même en apparence, mais qui enhardissent bientôt à en demander, qui disposent à en laisser prendre, qui conduisent à en accorder de volontaires & de plus grandes ; c’est ainsi que le cœur se corrompt, au milieu des privautés, qui radoucissent, qui humanisent insensiblement la fierté, qui assoupissent la raison, qui enflâment le sang ; c’est ainsi que l’honneur s’endort, qu’il s’ensevelit dans des langueurs dangereuses, où enfin il fait un malheureux naufrage.

« La Prudence, dit le Bramine, va parler & l’instruire ; prête l’oreille, ô fille de la beauté, & grave ces maximes au fond de ton cœur ! ainsi ton esprit embélira tes traits, ainsi tu conserveras, comme la rose à qui tu ressembles, un doux parfum après ta fraîcheur.

« Au matin de tes jours, aux approches de ta jeunesse, quand les hommes commenceront à prendre plaisir à lancer sur toi des regards, dont la nature te développe sourdement le mystere, le danger t’environne ; ferme l’oreille à l’enchantement de leurs cajoleries ; n’écoute point les douceurs de la séduction.

« Rappelle-toi les vues du Créateur sur ton être ; il te fit pour être la compagne de l’homme, & non l’esclave de sa passion ». (D. J.)

Le nom de séducteur ne se donne pas seulement à celui qui attente à la pudeur, à l’innocence d’une femme ou d’une fille, mais à quiconque en entraîne un autre par des voies illicites à une mauvaise action.