L’Encyclopédie/1re édition/SACER, SACRA, SACRUM

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SACER, SACRA, SACRUM, (Littér.) le mot sacer signifie deux choses bien différentes ; ou ce qui est consacré à la religion, ou ce qui est exécrable.

Sacrum, regarde ce qui étoit consacré aux dieux par les pontifes ; sanctum, ce qui étoit saint & inviolable ; religiosum, concerne les tombeaux & les sépulcres des mânes.

Sacer sanguis, est le sang des victimes ; ædes sacra, un temple consacré à quelque dieu ; sacrum ritu, un rite consacre.

J’ai dit que sacer désignoit aussi ce qui est exécrable. De-là vient que Virgile a dit au figuré auri sacra fames, exécrable faim des richesses. Servius prétend que l’étymologie du mot sacer, en tant qu’il veut dire exécrable, vient d’une ancienne coutume des habitans de Marseille. « Lorsque la peste, dit-il, régnoit dans cette ville, on choisissoit un mendiant, un misérable, qui après avoir été nourri & engraissé pendant quelque tems aux dépens du public, étoit promené par les rues, & ensuite sacrifié. Tout le peuple lui donnoit avant son sacrifice mille malédictions, & prioit les dieux d’épuiser sur lui leur colere. Ainsi cet homme, comme sacer, c’est-à-dire dévoué au sacrifice, étoit maudit & exécrable ». (D. J.)

Sacer, (Géog. anc.) cet adjectif latin pour le genre masculin, veut dire sacré ; on sait qu’il fait au féminin sacra, & au neutre sacrum. Les grecs l’exprimoient en leur langue, par ἱερος, ἱερα, ἱερον ; mais ces mots, soit latins, soit grecs, deviennent noms propres & particuliers à un lieu, lorsqu’ils sont attachés à quelqu’autre mot qui les détermine à ce lieu : en voici quelques exemples.

1°. Sacer ager, la campagne sacrée, lieu de l’Asie mineure, au voisinage de Clamozène, selon Tite-Live, lib. I. ch. xxxix.

2°. Sacer campus, le champ sacré, lieu dans une île du Nil, auprès des montagnes d’Ethyopie & d’Egypte, en un endroit nommé Philès, selon Diodore de Sicile, lib. I. ch. xxij. Le tombeau d’Osiris qui étoit dans cette île, a bien pu donner le nom de sacré à cet endroit.

3°. Sacer collis, la colline sacrée, colline d’Italie, qui selon Tite-Live, lib. II. ch. xxxij. étoit à 3 milles de Rome, sur l’autre bord du Téverone.

4°. Sacer fons, la fontaine sacrée, fontaine de l’Epire, selon Solin, ch. vij. « Il y a, dit-il, en Epire une fontaine sacrée, plus froide qu’aucune autre eau, qui produit deux effets très-opposés ; car si on y plonge un flambeau allumé, elle l’éteint ; si de loin, & sans aucun feu, on lui présente un flambeau éteint, elle l’allume ». Le même Solin donne le nom de sacer fons, à une riviere apparemment plutôt qu’à une fontaine, où l’on plongeoit le bœuf consacré au dieu Apis, pour le faire mourir lorsque son tems seroit fini.

5°. Sacer lucus, le bois sacré, bois d’Italie à l’embouchure du Garagliano près de Minturnes, selon Strabon, lib. V. p. 234. Scipion Mazella croit que ce lieu s’appelle aujourd’hui Hami. Il y avoit aussi plusieurs bois sacrés dans la Grece.

6°. Sacer mons, montagne sacrée. Il y avoit une telle montagne dans la Thrace, entre la ville de Byzance & la Quersonnèse de Thrace, selon Xénéphon, lib. VII. Il y en avoit une autre en Italie, comme il paroît par une inscription trouvée en cet endroit. Justin, lib. XLIV. ch. iij. parle aussi d’une montagne sacrée à l’extrémité de la Galice. On appelle encore à-présent cette montagne Pico-Sagro. Elle est entre Orense & Compostelle.

7°. Sacer portus, le port sacré, port de la Sarmatie asiatique, sur le pont-Euxin, à 180 stades du port de Pagrae, & à 300 de Sindique, selon Arrien dans son périple du Pont-Euxin.

8°. Sacer sinus, le golfe sacré, golfe de l’Arabie heureuse, sur le golfe Persique, selon Ptolomée, qui le met au pays du peuple Abucœi. (D. J.)