L’Encyclopédie/1re édition/SAXONS

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SAXONS, s. m. pl. (Hist. anc. & mod.) nation belliqueuse fort adonnée à la piraterie, qui étoit une colonie des Cimbres, c’est-à-dire des habitans de la Chersonese cimbrique, connue aujourd’hui sous le nom de Jutland. En sortant de ce pays leur premier établissement fut dans le district qui forme aujourd’hui les duchés de Sleswick & de Holstein, dont ils s’étendirent au loin & occuperent d’abord le pays situé entre le Rhin & l’Elbe, ensuite ils s’emparerent de la Westphalie, de la Frise, de la Hollande & de la Zélande. Les Saxons ont, dit-on, une origine commune avec les Francs & les Suéves. Ils subjuguerent les Angles, peuple du Holstein, avec qui ils furent confondus sous le nom d’Anglo-Saxons. Ce furent ces derniers qui sous la conduite de Hengist & de Horsa, firent vers l’an 450 la conquête d’une grande partie de l’île de la grande Bretagne, où ils avoient été appellés par les Bretons abandonnés des Romains, & qui à leur défaut, leur demandoient du secours contre les Pictes. Ils posséderent ce pays jusqu’à la conquête des Danois. Quant aux autres Saxons, Charlemagne leur fit longtems la guerre, & parvint enfin à les soumettre, & les força d’embrasser la religion chrétienne.

Saxons, (Hist. & Géogr. mod.) on appelle aujourd’hui proprement Saxons, les peuples du duché de Saxe qui occupent les états de l’électorat de ce nom ; mais dans le septieme & le huitieme siecle, on appelloit Saxons tous les Germains septentrionaux qui habitoient les bords du Wéser & ceux de l’Elbe, de Hambourg à la Moravie, & de Mayence à la mer Baltique. Ils étoient payens ainsi que tout le septentrion. Leurs mœurs & leurs usages étoient encore les mêmes que du tems de Germanicus. Chaque canton se gouvernoit en république, & avoit un chef pour la guerre. Leurs lois étoient simples, & leur religion toute idolâtre. Leur principal temple étoit dédié au dieu Irminsul, soit que ce dieu fut celui de la guerre, le Mars des Romains, ou le fameux Arminius, vainqueur de Varus.

Comme ces peuples mettoient leur gloire & leur bonheur dans la liberté, Charlemagne le plus ambitieux, le plus politique & le plus grand guerrier de son siecle, entreprit de les assujettir, & en vint à-bout après trente ans d’une guerre injuste & cruelle, qu’il n’avoit formée que par esprit de domination. En effet, le pays des Saxons n’avoit point encore ce qui tente aujourd’hui la cupidité des conquérans. Les riches mines de Goslar & de Friedberg, dont on a tiré tant d’argent, n’étoient point encore découvertes. Elles ne le furent que sous Henri l’Oiseleur, qui succéda à Conrard, roi de Germanie, en 919. Point de richesses accumulées par une longue industrie ; nulle ville digne de la convoitise d’un usurpateur. Il ne s’agissoit que d’avoir pour esclaves un million d’hommes qui cultivoient la terre sous un climat triste, qui nourrissoient leurs troupeaux dans de gras pâturages, & qui ne vouloient point de maître.

Charlemagne au contraire, vouloit le devenir : en profitant de la supériorité de ses armes, de la discipline de ses troupes, & de l’avantage des cuirasses dont les Saxons étoient dépourvus, il vint à-bout d’en triompher. Il vainquit leur général, le fameux Witikind, dont on fait aujourd’hui descendre les principales maisons de l’empire, & sous prétexte que les Saxons refuserent de lui livrer cet illustre chef, il fit massacrer quatre mille cinq cens prisonniers. Enfin le sang qu’il fit couler cimenta leur servitude, & le christianisme par lequel il vouloit les lier à son joug.

Ce prince pour mieux s’assurer du pays, transporta des colonies saxones en Transylvanie & jusqu’en Italie, & établit des colonies de Francs dans les terres des vaincus ; mais il joignit à cette sage politique, la cruauté de faire poignarder par des espions les saxons qui songeoient à retourner à leur culte. Il propagea l’Evangile comme Mahomet avoit fait le Mahométisme. Pour comble de maux, il leur donna des lois de sang, qui tenoient de l’inhumanité de ses conquêtes. Extrait de l’essai sur l’histoire générale, t. I. (D. J.)