L’Encyclopédie/1re édition/SYNCOPE

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SYNCOPE, s. (Gramm.) c’est un métaplasme ou une figure de diction, par laquelle on retranche du milieu d’un mot quelque lettre ou quelque syllabe. Συγκοπὴ, vient de σὺν, cùm, qui marque ici ce qui est originairement compris dans le mot, le milieu du mot, & de κόπτω, scindo.

Les Latins faisoient grand usage de la syncope dans leurs déclinaisons & leurs conjugaisons : Di pour Dii ; Deûm, virûm, nummûm, sestertiûm, liberûm pour Deorum, virorum, nummorum, sestertiorum, liberorum ; apûm, infantûm, adolescentûm, loquentûm, au lieu d’apium, infantium, adolescentium, loquentium. Audii, audiero, audiissem ou même audissem pour audivi, audivero, audivissem.

Ce métaplasme est d’un usage assez fréquent dans la génération des mots composés ou dérivés, surtout à leur passage d’une langue à une autre. Sans sortir de la même langue, nous trouverons en latin possum, syncopé de potis sum ; scriptum pour scribtum, syncopé de scribitum qui seroit le supin analogique ; & une infinité d’autres pareils. Au passage d’une langue à une autre, aranea vient d’ἀράχνη, en supprimant le χ, que nous avions seulement affoibli dans aragnée, que nos peres prononçoient comme le latin dignus ; notre sur vient de super ; vie de vita ; dortoir pour dormitoir, de dormitorium, &c. Voyez Métaplasme.

Syncope, en Musique, Συγκοπὴ, est le prolongement du son sur une même note, contre l’ordre naturel du tems.

Pour bien entendre cette définition, il faut savoir que dans toute espece de mesure, il y a toujours tems fort & tems foible, & que chaque tems, & même chaque note peuvent encore se concevoir, divisés en deux parties, dont l’une est forte & l’autre foible. Voyez Tems.

Or, l’ordre naturel veut que chaque note ainsi conçue, commence par le tems fort de sa valeur, & finisse pour le tems foible. Toutes les fois donc que cet ordre est perverti, & qu’une note commence sur le tems foible & finit sur le tems fort, il y a syncope. Il faut même remarquer que la syncope n’existe pas moins, quoique le son qui la forme, au lieu d’être continu, soit refrappé par deux ou plusieurs notes, pourvû que la disposition de ces notes qui repetent le même son, soit conforme à la loi que je viens d’établir.

La syncope a ses usages dans la mélodie, pour l’expression & le goût du chant ; mais sa principale utilité est dans l’harmonie, pour la pratique des dissonances. La premiere partie de la syncope sert à la préparation ; la dissonance se frappe sur la seconde ; & dans une succession de dissonances, la premiere partie de la syncope suivante, sert en même tems à sauver la dissonance qui précéde & à préparer celle qui suit. Voyez Préparer.

Syncope de σὺν, cum, avec, & κόπτω, je coupe, je bats ; parce que la syncope retranche de chaque tems, heurtant pour ainsi dire l’un avec l’autre. M. Rameau veut que ce mot vienne du choc des sons qui s’entre-heurtent en quelque maniere dans la dissonance, comme s’il n’y avoit de syncope que dans l’harmonie, & que même alors il n’y en eût point sans dissonance. (S)

Syncope, en Médecine, est une grande & soudaine pamoison, dans laquelle le malade reste sans aucune chaleur, ni mouvement, ni connoissance, ni respiration sensible : il est saisi par tout le corps d’une sueur froide, & tous ses membres sont pâles & froids, comme s’il étoit mort. Voyez Défaillance. Le mot est formé du grec σὺν, avec, & κόπτειν, couper, ou frapper.

La syncope est produite par plusieurs causes : 1°. par un épuisement de forces, comme après une longue diete, après des évacuations excessives, des exercices violens, des bains trop long-tems continués, &c. 2°. par le mouvement irrégulier des esprits, qui les empêche de se distribuer convenablement dans les parties, comme il arrive quelquefois dans la crainte, la colere, & d’autres passions violentes ; 3°. par des hémorragies excessives ; 4°. par une mauvaise constitution du sang, comme dans la cacochimie, ou dans les personnes qui ont pris quelque chose qui dissout ou coagule le sang ; 5°. par des maladies cachées, comme des abscès ou des polypes du cœur, des vers, &c. Une cause aussi fort ordinaire, est un accès de vapeurs ; les hypochondriaques & les femmes vaporeuses y sont fort sujettes ; le resserrement du genre nerveux est la cause de ce symptome. Dans ce cas, l’effet prompt & assuré des calmans, des antispasmodiques, est une preuve de cette théorie.

Dans les assemblées nombreuses & pressées, on tombe quelquefois en syncope, à cause de l’air chaud, épais & impur, que l’on respire alors. Certaines femmes y tombent facilement par l’odeur du musc, de la civette, &c.

Le remede de la syncope varie selon la cause : dans la syncope il faut donner des esprits volatils & des aromatiques. Heurnius recommande l’eau thériacale, & l’eau de canelle ; Etmuller le sel volatil de vipere, l’esprit de sel ammoniac, l’huile de succin, & la saignée en certains cas.

On doit considérer ici l’accès de la syncope, ensuite la cause éloignée ; l’un & l’autre méritent l’attention du médecin.

Dans l’accès, on doit employer tout ce qui doit ranimer, réveiller, ou rappeller les esprits ; tels sont l’aspersion de l’eau froide, les odeurs puantes mises sous le nez ; tels que l’assa fétida, la corne de cerf brûlée, la savatte, le papier brûlé, & autres.

On doit mettre la personne couchée sur le dos, lui soulevant un peu la tête, & la mettant à l’abri de la compression de ses habits, & de tout ce qui peut la gêner.

Les remedes cordiaux, volatils, amers, tels que le lilium, la teinture de soufre, d’antimoine, l’élixir de propriété, sont excellens.

Les anti-hystériques, tels que la teinture de castor, de laudanum, de benjoin, sont aussi indiqués.

La cause demande la saignée dans la pléthore, & la suppression des évacuations ordinaires. Voyez Pléthore. Dans l’épaississement du sang, dans la rougeur du visage, & la pesanteur de la tête.

On doit émétiser & purger, si les premieres voies sont embarrassées de crudités, si le canal intestinal est rempli d’une bile épaisse, érugineuse.

On employera les amers combinés avec les cordiaux, si le sang est épais ; si les fibres de l’estomac sont foibles & relâchées, les stomachiques sont indiqués ; on aura recours aux sudorifiques, tels que la squine, la sarsepareille, la bardane, & autres, si le sang est trop séreux, & les fibres trop lâches.

Enfin, les eaux thermales, l’exercice moderé, la tranquillité de l’esprit & du cœur, sont indiqués dans tous ces cas.