L’Encyclopédie/1re édition/SYRIE
SYRIE, (Géog. anc.) Syria ; grande contrée d’Asie, qui s’étendoit du nord au midi, depuis les monts Amanus & Taurus, jusqu’à l’Egypte, & à l’Arabie-Pétrée ; & d’occident en orient, depuis la mer Méditerranée, jusqu’à l’Euphrate, & jusqu’à l’Arabie déserte dans l’endroit où l’Euphrate prend son cours vers l’orient. Strabon, l. II. dit même que les peuples qui demeuroient au-delà de l’Euphrate, & ceux qui habitoient en-deça, avoient la même langue : & dans un autre endroit, il nous apprend que le nom de Syrien s’étendoit depuis la Babylonie jusqu’au golfe Issicus, & autrefois même depuis ce golfe, jusqu’au Pont-Euxin ; il fait voir que les Cappadociens, tant ceux qui habitoient le mont Taurus, que ceux qui demeuroient sur le bord du Pont-Euxin, avoient été appellés leuco-Syri, c’est-à-dire Syriens blancs.
La Syrie est nommée dans l’hébreu, Aram ou Paddam-Aram : & Laban est dit Araméen ou Syrien, comme traduisent les septante. Les Araméens, ou les Syriens, occupoient la Mésopotamie, la Chaldée, une partie de l’Arménie, la Syrie proprement dite, comprise entre l’Euphrate à l’orient, la Méditerranée à l’occident, la Cilicie au nord, la Phénicie, la Judée, & l’Arabie déserte au midi.
Les Hébreux étoient Araméens d’origine, puisqu’ils venoient de Mésopotamie, & qu’il est dit que Jacob étoit un pauvre araméen. L’Ecriture désigne ordinairement les provinces de Syrie, par la ville qui en étoit la capitale ; elle dit, par exemple, la Syrie de Damas, la Syrie d’Emoth, la Syrie de Rohob, &c. mais les géographes partagent la Syrie en trois parties ; savoir, la Syrie propre, ou la haute Syrie ; la Célé-Syrie, c’est-à-dire la basse-Syrie, proprement la Syrie creuse ; & la Syrie palestine.
La haute-Syrie contenoit la Comagène, la Cyrrhétique, la Séleucide, & quelques autres petits pays, & s’étendoit depuis le mont Aman au septentrion, jusqu’au Liban au midi ; elle fut appellée dans la suite, la Syrie Antiochienne. La seconde commençoit au Liban, & alloit jusqu’à l’anti-Liban ; elle renfermoit Damas & son territoire ; & parce que ce n’étoit presque que des vallons entre ces deux hautes chaines de montagnes, on l’appelloit Célé Syrie, ou Syrie-creuse. De l’anti-Liban jusqu’à la frontiere d’Egypte, étoit la Syrie palestine. Toute la côte de ces deux dernieres, étoit ce que les Grecs appelloient la Phénicie, depuis Arad jusqu’à Gaza.
La Syrie propre devint un grand royaume, lorsque l’empire d’Alexandre fut divisé entre ses capitaines, après sa mort. Ce royaume commença l’an du monde 3692. c’est-à-dire, 312 ans avant l’ere vulgaire. Il a duré 249 ans, & a eu vingt-sept rois. Séleucus I. surnommé Nicator, fut le premier de ses rois ; & Antiochus XIII. nommé l’Asiatique, fut le dernier. Pompée, vainqueur de l’orient, le dépouilla du royaume de Syrie, l’an du monde 3941, & ne lui laissa que Comagène. Ainsi finit ce royaume, qui étant assujetti aux Romains, devint une province romaine.
Les Sarrasins se rendirent maîtres de la Syrie dans le septieme & huitieme siecle ; les Chrétiens, dans les croisades, leur en prirent une partie, dont ils jouirent même peu de tems, sous Godefroi de Bouillon. Les Sarrazins y rentrerent bientôt, & laisserent la Syrie aux sultans d’Egypte, à qui les Turcs l’enleverent. Ce pays se nomme aujourd’hui Sourie, ou Soristan. Voyez Soristan.
C’est dans la Syrie propre, soumise aux Romains, que naquit Publius Syrus, célebre poëte mimique, qui florissoit à Rome, vers la sept cent dixieme année de cette ville, & la quarante-quatrieme avant Jesus-Christ. Les anciens goûterent singulierement ce poëte ; Jules César, Cassius Sévérus, & Séneque le philosophe, le préféroient à tous ceux qui l’avoient précédé, soit dans la Grece, soit en Italie ; mais il ne reste plus de ses mimes, que des fragmens ou sentences qui en furent extraites du tems des Antonins ; elles ont été jointes à celles de Laberius, & souvent imprimées ; la meilleure édition a été donnée en Hollande, par Havercamp, en 1708, avec des notes. (D. J.)
Syrie, rois de, (art. numism.) la partie de l’histoire qui concerne les rois de Syrie, est très-obscure ; on sait seulement que dix ans après la mort d’Alexandre le grand, Séleucus, l’un de ses généraux, fonda le royaume de Syrie, qui subsista environ deux cent cinquante ans, c’est-à-dire, jusqu’au tems où Pompée ayant conquis la Syrie sur Antiochus l’asiatique, en fit une province de l’empire romain. On a tiré peu d’éclaircissement de l’histoire des rois de Syrie, par Josephe, & par les livres des Macchabées ; mais un heureux hazard a procuré à M. Vaillant (Jean Foix), l’occasion d’éclaircir l’histoire de Syrie, par les seules médailles.
Un ami qu’il avoit connu particulierement à Constantinople, lui fit présent d’un sac rempli de médailles, & entr’autres de médailles des rois de Syrie ; ces médailles lui firent naître la pensée d’en chercher d’autres, & d’employer tous les moyens possibles pour en former une suite complete ; il réussit dans son entreprise par le secours de plusieurs savans qui lui communiquerent toutes les médailles qu’ils avoient sur cette partie de l’histoire ancienne.
Enfin il se vit en état de mettre au jour, par les médailles, la représentation des vingt-sept rois qui regnerent dans la Syrie, depuis Séleucus I. jusqu’à Antiochus XIII. dont Pompée fut le vainqueur. Il a prouvé la succession chronologique de ces princes, par les époques différentes marquées sur leur médailles ; avec le même secours, il a rétabli la plûpart de leurs surnoms, qui étoient corrompus dans les livres, ou dont on ignoroit la véritable étymologie.
Il a aussi déterminé par le secours des médailles, le commencement de l’ere des Séleucides. Les meilleurs chronologistes le rapportoient unanimement à la premiere année de la cent dix-septieme olympiade, trois cent treize avant Jesus-Christ ; mais ils ne s’accordoient point sur le tems de l’année où cette époque avoit commencé. M. Vaillant l’a fixée à l’equinoxe du printems, parce que Antioche, capitale de la Syrie, marquant ses années sur ses médailles, y représenta presque toujours le soleil dans le signe du belier.
Telles sont les découvertes de M. Vaillant dans l’histoire des rois de Syrie, par leurs médailles. Cet ouvrage parut sous ce titre : Seleucidarum imperium, sive historia regum Syrioe, ad fidem numismatum accommodata. Paris 1681. in-4°. Mais l’édition faite à la Haye, en 1732. in-fol. est beaucoup plus belle. Le lecteur trouvera dans cet ouvrage également curieux & utile, tout ce que les anciens auteurs ont dit de chaque roi de Syrie, les médailles qui s’y rapportent, ou qui y suppléent, & leur explication par notre habile antiquaire. (D. J.)