L’Encyclopédie/1re édition/TALMUD

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TALMUD, s. m. (Critiq. hébraïq.) ouvrage de grande autorité chez les Juifs ; cet ouvrage est composé de la Misna & de la Gémare ; la Misna fait le texte, la gémare, le commentaire, & les deux ensemble sont le talmud, qui comprend le corps complet de la doctrine traditionelle, & de la religion judaïque ; mais les Juifs distinguent deux talmuds, le talmud de Jérusalem, composé en Judée ; & le talmud de Babylone, fait en Babylone. Le premier fut achevé environ l’an 300, & forme un gros ouvrage ; le second parut vers le commencement du sixieme siecle, & a été imprimé plusieurs fois. La derniere édition est d’Amsterdam, en 12 vol. in-fol.

Ces deux talmuds, qui étouffent la loi & les prophetes, contiennent toute la religion des Juifs, telle qu’ils la croient & qu’ils la professent à présent. Mais celui de Babylone est le plus suivi : l’autre à cause de son obscurité & de la difficulté qu’il y a à l’entendre, est fort négligé parmi eux. Cependant comme ce talmud de Jérusalem & la Misna, sont ce que les Juifs ont de plus ancien, excepté les paraphrases chaldaïques d’Onkelos & de Jonathan ; & que l’un & l’autre sont écrits dans le langage & le style de Judée ; le docteur Lightfoot s’en est servi utilement pour éclaircir quantité de passages du N. Testament, par le moyen des phrases & des sentences qu’il y a déterrées ; car la Misna étant écrit environ l’an 150 de Nôtre Seigneur, il n’est pas surprenant que les idiomes, les proverbes, la phrase & le tour qui étoient en usage du tems de Nôtre Seigneur, se soient conservés jusque-là.

Mais pour l’autre talmud, dont le langage & le style sont de Babylone, & qui n’a été composé qu’environ cinq cens ans après Notre Seigneur, ou même plus tard, selon quelques-uns ; on n’en peut pas tirer les mêmes secours à beaucoup près. Quoi qu’il en soit, c’est l’alcoran des Juifs ; & c’est-là qu’est renfermée toute leur créance & leur religion : il y a cette différence entre ces deux ouvrages, que si l’un est plein d’impostures, que Mahomet a données comme apportées du ciel ; l’autre contient mille rêveries auxquelles on attribue ridiculement une origine céleste. C’est cependant ce livre qu’étudient parmi les Juifs, tous ceux qui prétendent au titre de savans. Il faut l’avoir étudié pour être admis à enseigner dans leurs écoles & dans leurs synagogues, & être bien versés, non-seulement dans la misna, qui est le texte, mais aussi dans la gémare qui en est le commentaire. Ils préferent si fort cette gémare à celle de Jérusalem, qu’on ne donne plus parmi eux ce titre à la derniere ; & que quand on nomme la gémare sans addition, c’est toujours celle du talmud de Babylone qu’on entend ; la raison est, qu’en regardant la misna & cette gémare, comme contenant le corps complet de leur religion, auquel rien ne manque pour la doctrine, les régles & les rites ; le nom de gémare qui en hébreu signifie accomplissement & perfection, lui convient mieux qu’à aucun autre.

Maimonides a fait un extrait de ce talmud, où en écartant la broderie, les disputes, les fables & les autres impertinences, parmi lesquelles étoit confondu ce qu’il en tire, il ne rapporte que les décisions des cas dont il y est parlé. Il a donné à cet ouvrage le titre de Yadhachazakah. C’est un digeste de lois des plus complets qui se soient jamais faits, non pas par rapport au fonds, mais pour la clarté du style, la méthode & la belle ordonnance de ses matieres. D’autres juifs ont essayé de faire la même chose ; mais aucun ne l’a surpassé ; & même il n’y en a aucun qui approche de lui. Aussi passe-t-il à cause de cet ouvrage & des autres qu’il a publiés, pour le meilleur auteur qu’ayent les Juifs, & c’est à fort juste titre. (D. J.)