L’Encyclopédie/1re édition/TANAGRA

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TANAGRA, (Géog. anc.) 1°. ville de Grece, dans la Béotie, au voisinage de Thebes ; Dicéarque la met au nombre des villes situées sur l’Euripe : Strabon néanmoins, l. IX. p. 400, 403, & 410, & Ptolomée, l. III. c. xv. la marquoient à quelque distance de la mer, quoique son territoire pût s’étendre jusqu’à la côte. Tanagra étoit à cent trente stades de la ville Oropus, à deux cens de celle de Platée. Etienne le géographe appelle cette ville Géphyra, & Strabon donne à ses habitans, le nom de Géphyréens.

Tanagra de Béotie, est la patrie de Corinne, fille d’Achélodore & de Procratie ; elle étoit contemporaine de Pindare, avec lequel elle étudia la Poésie sous Myrtis, femme alors très-distinguée par ce talent. Corinne n’acquit pas moins de gloire que sa maîtresse, & se mêloit quelquefois de donner à Pindare d’excellens avis, soit comme étant plus âgée, soit à titre de plus ancienne écoliere. Elle lui conseilloit, par exemple, au rapport de Plutarque, de négliger moins le commerce des muses, & de mettre en œuvre dans ses poésies la fable qui en devoit faire le fonds principal, auquel les figures de l’élocution, les vers, & les rythmes, ne devoient servir que d’assaisonnemens. Pindare, dans le dessein de profiter de cette leçon, fit une ode que nous n’avons plus, mais dont Plutarque & Lucien nous ont conservé les premiers vers : en voici la traduction.

« Chanterons-nous le fleuve Ismene, ou la nymphe Mélie à la quenouille dorée, ou Cadmus, ou la race sacrée de ces hommes nés des dents qu’il sema, ou la nymphe Thébé à la coëffure bleue, ou la force d’Hercule à toute épreuve, ou la gloire & les honneurs du réjouissant Bacchus, ou les nôces d’Harmonie aux blanches mains » ?

Pindare ayant fait voir cette ode à Corinne, celle-ci lui dit en riant, qu’il falloit semer avec la main, & non pas à plein sac, comme il avoit fait dans cette piece, où il sembloit avoir pris à tâche de ramasser presque toutes les fables.

Corinne dans la suite entra en lice contre Pindare, & le vainquit, dit-on, jusqu’à cinq fois, quoiqu’elle lui fût fort inférieure. Mais deux circonstances, remarque Pausanias, contribuerent à ce grand succès : l’une, que ses poésies écrites en dialecte éolien, se faisoient entendre beaucoup plus facilement à ses auditeurs, que celles de Pindare composées en dorien : l’autre, qu’étant une des plus belles femmes de son tems, ainsi qu’on en pouvoit juger par son portrait, les agrémens de sa personne avoient pû séduire les juges en sa faveur ; Pindare appella de ce jugement inique à Corinne elle-même.

Le tombeau que les Tanagréens éleverent à la gloire de cette dame, subsistoit encore du tems de Pausanias, ainsi que son portrait, où elle étoit représentée la tête ceinte d’un ruban, pour marque des prix qu’elle avoit remportés sur Pindare à Thebes. Il ne nous reste que quelques fragmens de ses poésies, sur lesquels on peut consulter la bible grecque de Fabricius.

2°. Tanagra est encore dans Ptolomée. l. VI. c. jv. une ville de la Perside dans les terres.

3°. Stace parle d’une Tanagra de l’Eubée. (D. J.)