L’Encyclopédie/1re édition/TENTE

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TENTE, s. f. (Fortification.) tabernacle, pavillon ou logement portatif que l’on dresse en pleine campagne pour se mettre à l’abri des injures du tems. Voyez Tabernacle.

Ce mot est formé du latin tentorium, de tendo, je tends, parce que les tentes se font ordinairement de canevas ou de coutils, que l’on étend & que l’on soutient avec des perches, des cordes, & des chevilles ou piquets.

Les armées campent sous des tentes. La plûpart des Tartares & des Arabes, qui sont des peuples errans & vagabonds, logent toujours sous des tentes. Voyez Hordes, Nomades, &c.

Les Hébreux, dans le désert, logerent pendant quarante ans sous des tentes, ce qui leur donna occasion d’instituer la scenapegie ou fête des tabernacles. Voyez Scenapegie. Chambers.

Les tentes dont se servent les soldats sont appellées cannonieres.

Quoique l’usage des tentes soit fort ancien, & que les Romains s’en soient toujours servis, il étoit cependant presqu’entierement aboli en Europe, & ce n’est guere que depuis Louis XIV. que les cavaliers & les soldats françois ont des tentes. Avant le regne de ce glorieux monarque, les armées étant bien moins nombreuses qu’elles ne le sont devenues depuis, elles se servoient des villages pour y trouver quelque abri, & elles se trouvoient par-là séparées en plusieurs parties ou quartiers éloignés les uns des autres, ce qui étoit sujet à bien des inconvéniens. Dans les sieges ou dans les camps à demeure, les cavaliers & les soldats se faisoient des baraques de paille qu’on rangeoit avec ordre. Les princes d’Orange, qui ont beaucoup contribué au rétablissement de la discipline militaire en Europe, n’en usoient pas autrement. Leurs soldats & leurs cavaliers se baraquoient ; mais les officiers & ces princes mêmes se servoient de tentes. (Q)

Tente du Levant, (Usages des Orientaux.) les tentes du Levant sont moins embarrassantes que celles de ce pays-ci. Elles n’ont qu’un arbre au milieu qui se démonte en deux, quand on veut plier bagage, mais qui soutient, lorsque la tente est placée, un pavillon de grosse toile bien serrée, sur laquelle l’eau coule aisément ; le pavillon est arrêté dans sa circonférence avec des cordons que l’on accroche à des cheviles de fer fichées en terre ; aux deux tiers de la hauteur de ce pavillon sont attachées des cordes que l’on bande fortement par le moyen d’autres chevilles plus écartées de l’arbre que les premieres ; ces cordes rirent le haut du pavillon en dehors, & lui font faire un angle saillant en maniere de mansarde. (D. J.)

Tente d’herbage, terme de galere ; c’est une tente de gros draps de couleur de burre. Voyez Tendelet.

Tente, en Chirurgie, est un rouleau de charpie, d’une figure cylindrique, que l’on met dans les plaies & dans les ulceres.

Les tentes s’emploient pour empêcher qu’une plaie ne se ferme trop tôt. Mais plusieurs auteurs de chirurgie, & en particulier l’auteur du livre intitulé le Chirurgien de l’hôpital, donnent quantité d’exemples où l’usage des tentes, & sur-tout des tentes dures, s’est trouvé nuisible, ayant prolongé le traitement, attiré des inflammations, produit des sinus, la mortification, &c. dans les plaies & les ulceres. Voyez Bourdonnet. Pour remédier à ces inconvéniens, il propose que les linimens, &c. soient d’une consistence liquide, ou par eux-mêmes, ou en les échauffant ; & que lorsque les tentes paroissent indispensablement nécessaires, comme dans les grandes cavités, on peut aggrandir l’ouverture, & mettre au lieu de tentes des bourdonnets mollets, qui n’auront pas les inconvéniens des tentes. Voyez Ulcere.

On se sert d’une tente dure, longue & grosse comme le petit doigt dans les pansemens de l’opération de la fistule à l’anus. Pour faire cette tente, on prend plusieurs brins de charpie longs de six pouces ; on les range à côté les uns des autres ; on les plie par le milieu, & on en fait un rouleau lié exactement par des circonvolutions de charpie dans l’étendue de deux pouces & demi ou environ. On étend le reste de la charpie pour en faire une tête circulaire & horisontale au corps de la tente. Nous avons parlé de la méthode de la placer sans douleur au mot Fistule a l’anus.

La Chirurgie moderne a proscrit les tentes du traitement des plaies à la suite de l’opération de la taille. Cette reforme a commencé du tems de Fabricius Hildanus. Cet habile praticien discute les raisons de ceux qui désapprouvoient les tentes, & il conclut pour leur usage. Ce point de pratique est digne de l’attention des maîtres de l’art ; & je pense qu’il y a bien des faits favorables à leur méthodique application. Les observations contraires pourroient n’en montrer que l’abus.

L’académie royale de Chirurgie à proposé, pour le prix de l’année 1734, de déterminer quels sont, selon les différens cas, les avantages & les inconvéniens de l’usage des tentes & autres dilatans. Le mémoire qui a été couronné & celui qui a concouru pour le prix, sont imprimés dans le premier tome de l’ouvrage intitulé, recueil des pieces qui ont concouru pour le prix de l’académie royale de Chirurgie. Les inconvéniens des dilatans ne sont point dissimulés ; on dit tout ce qu’il est possible d’imaginer pour les bannir de la pratique. On reconnoît cependant qu’il y a des cas qui exigent qu’on s’en serve, & ces cas sont rangés sous trois classes. La premiere renferme les cas où les dilatans sont utiles avec peu ou point d’inconvéniens. La seconde, qui semble rentrer dans la premiere, comprend les cas où l’utilité qui résulte des dilatans surpasse les inconvéniens annexés à leur usage. La troisieme classe est de ceux où les inconvéniens mêmes des dilatans deviennent nécessaires. Le détail de tous ces points de discussion meneroit trop loin ; nous avons rempli notre tâche, en indiquant les sources où l’on peut prendre les renseignemens les plus étendus sur ces objets. (Y)

Tente, en terme de Boyaudier, ce sont sept montans percés à jour dans toute leur longueur, dont trois sont plantés à un bout & trois à l’autre, chacun à la distance de deux piés & demi l’un de l’autre, & le septieme au milieu, éloigné de chaque bout d’environ neuf piés. C’est sur cette charpente que l’on étend les boyaux pour les sécher. Les sept montans sont autant de longueurs différentes. Celle qui prend au premier montant à droite, & finit à celui du milieu, s’appelle longueur simple ; a-t-elle passé sur ce dernier, pour aller gagner le premier des trois de l’autre bout, c’est une longueur double ; commence-t-elle au second à droite, & finit-elle à celui du milieu, c’est un travers simple ; de-là passe-t-elle au second de l’autre bout, c’est un trait double. Cette tente est la même chez tous les Boyaudiers, & sert de regle pour les marchands de provinces qui demandent tant de longueurs simples ou doubles, tant de travers, &c. fixent en même tems la grosseur & le prix de la marchandise qu’on leur envoie.

Tentes ou Bas-parcs à trois rangs contigus, sortes de pêcheries. Les Pêcheurs-tendeurs de basse eau de Quineville, dans le ressort de l’amirauté de la Hougue, ont des bas-parcs à trois rangs, tellement contigus & joints les uns aux autres, qu’il est absolument impossible aux poissons de monter à la côte lorsqu’ils sont dans les pêcheries ; ou si la marée est dans le tems des vives eaux, & que les poissons ayent franchi le remier rang des parcs, ils en trouvent un second, & même un troisieme, ensorte que les petits poissons ne peuvent retourner à la mer.

Ces pêcheries sont les véritables bas-parcs ou venets de l’ordonnance ; il ne faut pas appeller bas-parcs seulement ceux qui sont à la basse-eau, & haut-parcs ceux qui sont à la côte, la dénomination de bas-parcs leur convient à tous, car les haut-parcs different des bas-parcs en ce que les filets dont ils sont garnis, ont beaucoup plus de hauteur.