L’Encyclopédie/1re édition/THORA

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THORA, s. f. (Hist. nat. Botan.) thora folio cyclaminis, J. B. thora venenata, Gen. seu pthora valdensium, Clus. Ad. Lobel. Aconitum pardalianches, seu thora major, C. B. P. Ranunculus, cyclaminis folio, asphodeli radice, Tournefort.

Cette plante est une espece de renoncule qui pousse de sa racine deux ou trois feuilles presque rondes, semblables à celles du cyclamen, mais une fois aussi grandes, dentelées en leurs bords, nerveuses, fermes, attachées par des queues. Il s’éleve d’entr’elles une tige à la hauteur d’environ demi-pié, garnie en son milieu d’une ou de deux feuilles pareilles à celles d’en-bas, mais sans queue. Ses fleurs naissent aux sommités de la tige, composées chacune de quatre pétales jaunes disposés en rose. Quand cette fleur est passée, il paroît un fruit arrondi, où sont ramassées en maniere de tête, plusieurs semences plates. Sa racine est à petits navets, comme celle de l’asphodele. Cette plante contient beaucoup de sel corrosif & d’huile ; on se sert de son suc pour empoisonner les fleches & les armes dont on tue les loups, & autres bêtes nuisibles.

La thora croît en abondance dans les montagnes de Savoie & de Piémont. Comme son suc est un poison très-actif, on accusa les malheureux Vaudois de l’avoir employé dans les guerres qu’ils eurent à soutenir pour leur défense contre la France & le duc de Savoie en 1560, parce qu’un petit nombre de vaudois battit leurs troupes en plusieurs occasions ; on les accusa, dis-je, d’avoir trempé la pointe de leurs épées & de leurs dards dans le suc de leur thora ; mais la vérité est que ces braves gens réduits au désespoir, combattoient pour leurs vies, leurs biens & leur religion, & qu’ils tremperent leurs épées dans la rage & la vengeance.

Mais ce qu’il y a de plus vrai, c’est que les Espagnols, dans le tems que l’arbalete étoit leur arme principale, empoisonnerent réellement leurs fleches, comme ils firent en 1570, dans leurs combats contre les Maures, en se servant du suc d’une espece d’ellebore noir qui vient dans les montagnes de Castille. Ils se servirent aussi du suc d’une espece d’aconit qui croît au voisinage de Grenade, & qu’on nomme par cette raison dans le pays, herbe d’arbalete. L’effet de ces deux poisons est de produire des vertiges, des engourdissemens, l’enflure du corps, & la mort. (D. J.)