L’Encyclopédie/1re édition/TOURNAY

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TOURNAY, (Géog. mod.) en latin Turnacum, ville des pays-bas autrichiens, capitale du Tournésis, sur l’Escaut, à cinq lieues au sud est de Lille, à sept de Douay, à huit de Mons, à quinze de Gand, & à cinquante-cinq de Paris. L’Escaut divise la ville en vieille & neuve. Louis XIV. y a fait bâtir une citadelle qui a couté plus de quatre millions de ce tems là, c’est-à-dire plus de huit millions de notre monnoie actuelle ; c’est un ouvrage de M. de Mégrigni, ingénieur ; mais Louis XV. en reprenant Tournay sur la reine de Hongrie, a fait détruire cette citadelle de fond en comble.

La ville de Tournay est partagée en dix paroisses ; S. Médard, évêque de Noyon, fut un des premiers pasteurs de l’église de Tournay, & son premier évêque fut Anselme, moine bénédictin, qui obtint cet évêché en 1148, par le crédit de S. Bernard. En 1559, l’évêché de Tournay devint suffragant de la nouvelle métropole de Cambray. Son diocèse a huit doyennés, & contient 223 cures. Longitude. 21. 4. latit. 50. 34.

Il n’est fait mention de Tournay que dans l’itinéraire d’Antonin, & dans la carte de Peutinger, dont les auteurs ont vêcu du tems de S. Jérôme. Dans le même siecle Tournay fut prise sur les Romains par Clodion, rois des François ; son petit fils Childeric y demeuroit, y mourut, & y fut enterré. Sous les premiers rois capétiens, les évêques de Tournay & de Noyon étoient seigneurs de la ville, mais les habitans y vivoient dans une entiere liberté. Charles VII. unit solemnellement Tournay & le Tournésis à sa couronne, par des lettres patentes données au commencement de son regne, en 1422, & confirmées par d’autres lettres, dans les années 1426, & 1436.

Louis XI. après la mort de Charles duc de Bourgogne, mit garnison dans Tournay en 1477 ; & depuis ce tems-là les habitans lui obéirent jusqu’à l’an 1513, que la ville fut prise sur Louis XII. par Henri VIII. roi d’Angleterre. Les Anglois la rendirent aux François en 1517 ; mais quatre ans après, la guerre ayant été déclarée par Charles-quint & François I. Tournay fut prise, & François I. contraint de la ceder par le traité de Madrid, en 1525, confirmée par le traité de Cambray en 1529, par celui de Crépi en Laonois, en 1544, & par celui de Cateau-Cambrésis, en 1559. En 1667, Louis XIV. prit cette ville, qui lui fut cédée en 1668, par le traité d’Aix-la-chapelle ; il fortifia Tournay, & y éleva la citadelle dont j’ai parlé ; mais la ville & la citadelle ayant été prises en 1709, par l’armée des alliés, la France céda l’une & l’autre à la maison d’Autriche, par les traités d’Utrecht, de Rastat, & de Bade. Enfin les Etats-Généraux ont la garde de cette place, par le traité de la Barriere, conclu en 1715, entre leurs Hautes-puissances, & l’empereur Charles VI.

Jean Cousin a donné l’histoire de Tournay. Elle est imprimée à Douay chez Marc Wyon, en 1620, en 4 vol. in-4°. c’est un ouvrage fort rare.

Simon de Tournay, dont le nom est écrit fort différemment dans les bibliographes, étoit né dans la ville de Tournay, ou du moins étoit originaire de cette ville ; il en fut chanoine, & florissoit dans le xije. siecle ; il devint docteur en théologie à Paris, & y régenta pendant dix ans les écoles des arts, c’est-à-dire qu’il y enseigna les belles-lettres & la philosophie. Il a laissé plusieurs ouvrages qui ne se trouvent qu’en manuscrit. Son attachement aux opinions d’Aristote, & sa grande subtilité dans la dispute, le firent accuser d’impiété & d’irreligion.

Il est douteux si Jacques des Parts, en latin de Partibus, étoit natif de Tournay, ou de Paris ; il fut également chanoine de Paris, & chanoine de Tournay, mais il mourut dans cette derniere ville, environ l’an 1465 ; il devint médecin du duc de Bourgogne, Philippe le bon, & puis de Charles VII. roi de France ; il donna plusieurs livres qui lui procurerent une grande réputation ; le principal est son commentaire sur Avicenne ; il fut imprimé à Lyon, l’an 1498. en 4 vol. in-fol. aux dépens du roi, & par les soins de Janus Lascaris.

La Barre (Louis-François-Joseph de), littérateur, naquit à Tournay en 1688, & mourut à Paris en 1743. Il étoit membre de l’académie des Inscriptions, à laquelle il a donné plusieurs mémoires. On trouvera dans ce recueil, tom. VII. & VIII. des éclaircissemens de sa main, sur l’histoire de Lycurgue, des remarques sur la route de Sardes à Suze, décrite par Herodote ; d’autres sur le cours de l’Halys, de l’Euphrate, de l’Araxe, & du Phase ; une dissertation sur la livre romaine, & sur d’autres mesures particulieres moins connues ; & un mémoire sur les divisions que les empereurs romains avoient faites des Gaules, en différentes provinces. On a inséré dans les tom. IX. & X. son traité du poëme épique, où il examine particulierement s’il est nécessaire que l’action de ce poëme ait rapport à une vérité morale ; il y a joint des observations singulieres sur les places destinées aux jeux publics de la Grece, & sur les différentes especes de courses qui s’y faisoient.

En 1729, il publia en deux vol. in-4°. ces mémoires de l’histoire de France & de Bourgogne, que l’on appelle communément le journal de Charles VI. & il mit une préface à la tête de ce recueil. En 1735, il fit paroître en cinq volumes in-12. une nouvelle histoire de la ville de Paris, extraite de celle du pere Lobineau, qui, composée de 5 vol. in-fol. & continuellement entremêlée de pieces latines, excédoit le loisir ou la portée des lecteurs ordinaires. Il avoit entrepris quinze mois avant sa mort, un dictionnaire d’antiquités greques & romaines, mais il n’a eu le tems que de former son plan, & d’ébaucher quelques articles. (Le chevalier de Jaucourt.)