L’Encyclopédie/1re édition/TOURNER

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TOURNER, v. act. & neut. c’est mouvoir circulairement. On dit les spheres tournent sur leur axe. La terre tourne autour du soleil, hérésie autrefois, fait d’astronomie démontré aujourd’hui. Il tourne très adroitement les bois & les métaux. On apprend aux soldats à tourner à droite & à gauche. On tourne le dos ; on tourne bride ; la tête tourne ; on se tourne à l’orient, au midi ; le vin & le lait se tournent. On tourne au jeu, une carte qui reste sur le talon, ou qui passe dans la main de celui qui donne, ou dont un joueur peut s’emparer, selon le jeu qu’on joue, & cette carte s’appelle la tourne. On tourne une armée ; on tourne une affaire adroitement ; on prononce un discours bien tourné ; on sait tourner un vers ; on tourne en ridicule les choses les plus sérieuses ; on tourne un objet en tout sens ; on tourne ses forces de ce côté ou de cet autre ; il tourne à la mort, &c. Voyez les articles suivans.

Tourner, v. act. (Archit.) c’est exposer & disposer un bâtiment avec avantage. Ainsi une église est bien tournée quand elle a, conformément aux canons, son portail vers l’occident, & son grand autel vers l’orient ; une maison est bien tournée lorsqu’elle est dans une agréable exposition, & que ses parties sont placées suivant leurs usages ; & un appartement est bien tourné, quand il y a de la proportion & de la suite entre ses pieces, avec des dégagemens nécessaires. (D. J.)

Tourner au tour, (Archit.) c’est donner sur le tour la derniere forme à un balustre de bois ébauché. On finit aussi au tour les bases des colonnes, les vases, balustres de pierre & de marbre qu’on polit ensuite avec la rape & la peau de chien de mer. (D. J.)

Tourner le pain, en terme de Boulanger, c’est joindre & lier la pâte ensorte qu’il n’y ait point d’yeux & de crevasses, & donner au pain la forme qu’on souhaite.

Tourner, en terme de Confiseur, signifie enlever la peau ou l’écorce fort mince & fort étroite avec un petit couteau en tournant autour du citron.

Tourner, en terme d’Epinglier, voyez Gaudronner.

Tourner, Tourné, (Jardinage.) on dit que le fruit tourne, quand après avoir pris sa grosseur naturelle, il commence à mûrir.

Tourner, en termes de manege, signifie changer de main. On dit ce cheval est bien dressé, il tourne à toutes mains. On assouplit avec le cavesson à la newcastle un cheval entier, c’est-à-dire, qui refuse de tourner au gré du cavalier. Les écuyers font tourner la pointe du pié en-dedans.

L’action de tourner avec justesse au bout d’une passade ou de quelqu’autre manege, est de tous les mouvemens celui qui coute le plus à apprendre à la plûpart des chevaux.

Tourner l’étain, (Potier d’étain.) c’est lui ôter par le moyen des outils sa couleur brute qu’il a prise en moule, pour lui donner le vif & le brun dont il a besoin pour être perfectionné, & pour lui donner une figure plus nette & plus parfaite que celle qu’il a déja reçue.

L’ouvrier qui travaille au tour, commence par dresser son empreinte qui est pour tourner la vaisselle, ou son calibre pour de la poterie ou menuiserie ; ces outils sont de bois, tournés & formés à la figure & proportion des différentes pieces, soit pour les dehors ou les dedans ; ou autrement, ils ont une gaine ou trou quarré, revêtu d’étain, formé par le mandrin de l’arbre du tour dans lequel il entre ; puis on fait tenir sa piece sur ces empreintes ou calibres, si c’est de la vaisselle, par le moyen de trois petits crampons de fer qui tiennent la piece sur l’empreinte par l’extrémité du bord, en commençant par les derrieres, & après les dedans sur la même empreinte qui doit être creusée de la grandeur & de la forme de la piece ; ainsi il en faut avoir autant qu’on a de moules de différentes grandeurs, ou bien on tourne à la belouze, qui est une maniere d’attacher les pieces en les soudant à trois gouttes sur le bord avec le fer sur une piece d’étain montée sur le tour, à qui on donne ce nom de belouze. Si c’est de la poterie, on la dresse sur le calibre qu’on a monté sur le mandrin, & qui est tourné proportionnément à la grosseur de la piece qu’on veut mettre dessus ; on la fait tenir en frappant d’un marteau, sur une planche appuyée contre la piece pendant qu’elle tourne, jusqu’à ce qu’elle tienne & tourne rondement : cela s’appelle tourner à la volée. Mais il y a une autre maniere plus diligente & plus sûre, surtout pour des pieces longues, qui est de tourner à la pointe ; c’est une vis qui marche dans un écrou enclavé dans la poupée de la droite du tour, à-peu-près comme la vis d’un étau de serrurier, & par le moyen d’une manivelle ou d’un boulon, on avance & retire cette vis dont le bout presque pointu joint un morceau de bois ou de plomb qui s’emboite au bout de la piece qu’on tourne, ensorte qu’elle la met ronde, & la tient sans qu’elle se dérange ni qu’elle puisse s’échapper. Voyez les figures du métier de Potier d’étain.

Dès que la piece est bien dressée, l’ouvrier tenant son crochet sous le bras & posé sur la barre qu’il tient ensemble avec la main gauche, il le conduit de la droite par un mouvement égal & réglé en le faisant couper l’étain : ce qui forme ce qu’on nomme ratures ; on appelle cette premiere façon ébaucher. On se sert ensuite de crochets qui coupent moins, parce qu’on les passe sur un cuir où on a mis de la potée d’étain ; ces crochets se nomment planes ; & enfin on acheve avec un brunissoir. Lorsqu’on s’en sert, il faut auparavant répandre avec une patrouille de l’eau de savon sur sa piece, & ne point appuyer le brunissoir trop fort, ni s’arrêter pour ne point faire d’ondes ; il suffit d’effacer seulement les traits du crochet, & on essuie l’eau de savon après qu’on a bruni avec un linge doux qu’on appelle polissoir, pendant que la piece tourne encore.

Il faut remarquer que les bons outils dans la main d’un habile ouvrier contribuent à faire le bel ouvrage. Chacun a sa maniere pour leur donner un taillant propre à son gré ; mais généralement les crochets quarrés, quarrés demi-ronds, à deux côtés, en pointe, &c. sont préférables à toutes autres formes. Les crochets, grattoirs & brunissoirs doivent être acérés du meilleur acier d’Allemagne. Il faut une meule pour les émoudre, & une bonne pierre d’Angleterre pour les affiler.

Il y a des brunissoirs de différentes figures pour la vaisselle ou poterie, & pour réparer & achever. Voyez Brunissoir.

Pour tourner des plats d’une grandeur extraordinaire ou des jattes ou grands bassins qui pesent jusqu’à 20 ou 25 liv. piece, ou enfin d’autres pieces d’un trop gros poids, au lieu de faire aller le tour avec la roue, ce qui n’est presque pas possible, on emmanche une manivelle dans le bout de derriere de l’arbre du tour, par le moyen de laquelle on tourne une piece comme on tourne une meule de taillandier, & par ce moyen on en vient plus aisément à bout : cela s’appelle tourner à la ginguette.

Il faut observer que pour tourner la vaisselle, l’ouvrier conduit ses crochets & brunissoirs presque perpendiculairement, tantôt du bas de sa piece au milieu en montant, & tantôt du milieu en descendant enbas, appuyant sur ses outils, afin de couper l’étain également par-tout, & que la piece ne soit point fausse, c’est-à-dire, forte à un endroit & mince à un autre ; lorsqu’on veut rendre une piece mince, on repasse plusieurs fois le crochet qui ébauche, & pour la poterie, on conduit le crochet sous la piece horisontalement, tantôt de droit à gauche, & de gauche à droite, & le brunissoir de même, mais moins en-dessous que le crochet ; & la meilleure maniere est de ne le passer qu’une fois.

Autrefois on tournoit toute la vaisselle sur un outil nommé croisée composé de trois branches de fer & de trois crampons coulans sur ces branches ; on avance & recule ces crampons suivant la grandeur des pieces, & on les arrête par le moyen d’un coin qui est derriere chaque crampon ; on ne s’en sert plus guere à présent depuis l’invention de tourner à la belouze, si ce n’est pour tourner des jattes ou grands bassins, cette maniere étant dangereuse pour l’ouvrier qui y travaille.

Tourner, en terme de Tabletier Cornetier ; voyez Tourner, en terme de Tabletier en écaille, c’est la même opération pour la corne comme pour l’écaille.

Tourner, (Vénérie.) il se dit de la bête que l’on chasse, lorsqu’elle tourne & fait un retour, c’est aussi faire tourner les chiens pour en trouver le retour & le bout de la ruse.