L’Encyclopédie/1re édition/TRIBUN

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TRIBUN, (Hist. rom.) tribunus ; mot général qui signifioit chef, & le mot qu’on ajoutoit à celui-ci, désignoit la chose commise à la garde, aux soins, à l’inspection ou à l’administration de ce chef. Ainsi le tribun du peuple étoit le chef, le défenseur du peuple. Tribun militaire, étoit un magistrat qui commandoit les armées. Tribuns des légions étoient des officiers qui commandoient tour-à-tour pendant deux mois à toute la légion. Tribun des céleres étoit le commandant de ce corps de cavalerie.

Le nom de tribun se donnoit encore à d’autres sortes d’officiers. Les tribuns de la marine, par exemple, tribuni marinorum, étoient des intendans des côtes & de la navigation des rivieres. Les tribuns du trésor public, tribuni ærarii, étoient des trésoriers établis pour payer les milices ; comme sont aujourd’hui nos trésoriers des guerres. Les tribuns des fabriques, tribuni fabricarum, présidoient à la fabrique des armes. Les tribuns des notaires, tribuni notariorum, étoient les premiers secrétaires des empereurs. Les tribuns des plaisirs, tribuni voluptatum, dans le code Théodosien, l. XIII. de scenic. avoient soin des jeux, des spectacles & autres divertissemens semblables du peuple. Enfin tribun désignoit chez les Romains, le chef d’une tribu. (D. J.)

Tribun du peuple, (Hist. & gouvern. rom.) magistrat romain, pris du peuple pour le garantir de l’oppression des grands, de la barbarie des usuriers, & pour défendre ses droits & sa liberté contre les entreprises des consuls & du sénat. En deux mots, les tribuns du peuple étoient censés ses chefs & ses protecteurs. Entrons dans les détails historiques qui concernent cette magistrature.

Le peuple ne pouvant cultiver ses terres à cause des querelles fréquentes que la république avoit à soutenir, il se trouva bientôt accablé de dettes, & se vit conduire impitoyablement en esclavage par ses créanciers, quand il ne pouvoit pas payer. Il s’adressa souvent au sénat pour trouver quelque soulagement, mais il ne put rien obtenir. Lassé des vaines promesses dont on l’amusoit depuis long-tems, il se retira un jour sur le mont Sacré, l’an de Rome 259, à l’instigation de Sicinius, homme de courage & de résolution ; ensuite il ne voulut point rentrer dans la ville qu’on ne lui eût remis toutes ses dettes, & promis de délivrer ceux qui étoient esclaves pour ce sujet. Il fallut outre cela, lui permettre de créer des magistrats pour soutenir ses intérêts. On les nomma tribuns, parce que les premiers furent pris d’entre les tribuns militaires. Ainsi on en créa deux dans les comices par curies ; & depuis la publication de la loi Publicola, l’an 283, on en nomma cinq dans les comices par tribus. Enfin l’an 297, on en élut dix, c’est-à-dire deux de chaque classe. Cicéron dit cependant qu’on en créa deux la premiere année, & dix la seconde, dans les comices par centuries.

Les tribuns du peuple tiroient au sort pour présider à ces assemblées par tribus, & s’il arrivoit que l’assemblée fût finie avant que tous les dix fussent nommés, le reste l’étoit par le college des tribuns ; mais cela fut abrogé par la loi Trébonia, l’an 305. On prétend qu’il y en avoit une ancienne qui ordonnoit que les tribuns qui n’auroient pas créé leurs successeurs pour l’année suivante, seroient brûlés vifs. C’est Valere Maxime qui le dit ; mais ce n’est pas un auteur de grande autorité.

Comme les premiers tribuns furent créés le quatrieme des ides de Décembre, dans la suite le même jour fut destiné pour l’élection de ces magistrats. Ces tribuns étoient toujours choisis d’entre le peuple. Aucun patricien ne pouvoit être revêtu de cette charge, à-moins que l’adoption ne l’eût fait passer dans l’ordre plébéien. Un plébéien qui étoit sénateur, ne pouvoit pas même être tribun.

Ils n’avoient point entrée au sénat ; ils demeuroient seulement assis sur les bancs vis-à-vis la porte du lieu où il étoit assemblé, d’où ils entendoient les résolutions qui s’y prenoient. Ils pouvoient cependant assembler le sénat quand il leur plaisoit. Dans la suite par la loi Atinia (Atinius étoit tribun l’an 633, selon Pighius), il fut ordonné qu’aucun romain ne pourroit être élu tribun du peuple, s’il n’étoit sénateur plébéien.

Au commencement l’unique devoir des tribuns étoit de protéger le peuple contre les patriciens ; en sorte que leur pouvoir consistoit plutôt à empêcher qu’à agir. Ils ne passerent pas d’abord pour magistrats ; aussi ne portoient-ils point la robe prétexte : on les regardoit plutôt comme le frein de la magistrature. Cependant dans la suite on leur donna communément le nom de magistrats. Ils avoient le droit de délivrer un prisonnier, & de le soustraire à un jugement prêt à être rendu contre lui. Aussi pour signifier qu’ils faisoient profession de secourir tout le monde, leurs maisons devoient être ouvertes jour & nuit, & il ne leur étoit pas permis de coucher hors de la ville, ni même d’en sortir, si nous en croyons Appien. (Civil. l. II. pag. 736. Edit. Tollii.) D’ailleurs hors de Rome, ils n’avoient aucune autorité, si ce n’est dans les fêtes latines, ou lorsqu’ils sortoient pour les affaires de la république.

Leur principal pouvoir consistoit à s’opposer aux arrêts du sénat, & à tous les actes des autres magistrats, par cette formale si célebre : veto, intercedo, je m’oppose, j’interviens. La force de cette opposition étoit si grande, que quiconque n’y obéissoit pas, soit qu’il fût magistrat, soit qu’il fût particulier, on le faisoit aussi-tôt conduire en prison par celui qu’on nommoit viator ; ou bien on le citoit devant le peuple comme rebelle à la puissance sacrée qu’ils représentoient. De-là vient que quiconque les offensoit de parole ou d’action, étoit regardé comme un sacrilege, & ses biens étoient confisqués.

Lorsque les tribuns du peuple ne s’opposoient point aux decrets du sénat, on mettoit au bas de l’acte la lettre T, pour marquer l’approbation. S’ils s’opposoient, le decret n’étoit point appellé senatûs-consultum, mais seulement senatûs auctoritas. Dans l’enregistrement, ce mot signifioit que tel avoit été l’avis du sénat. Un seul tribun pouvoit s’opposer à ce que faisoient ses collegues, & il l’annuloit par cette opposition. Le sénat pour subjuguer le peuple, se servoit souvent de ce moyen, & tâchoit toujours de mettre de son côté quelqu’un des tribuns, pour rompre les mesures des autres.

Quoiqu’ils eussent déja une très-grande autorité, elle devint dans la suite bien plus considérable. En vertu de la puissance sacrée dont ils étoient revêtus, non seulement ils s’opposoient à tout ce qui leur déplaisoit, comme aux assemblées par tribus, & à la levée des soldats ; mais encore ils assembloient le sénat & le peuple quand ils vouloient, & ils rompoient les assemblées de même. Tous les plébiscites ou decrets du peuple qu’ils publioient, n’obligeoient au commencement que le peuple seul : dans la suite ils obligerent tous les trois ordres, & cela après la publication des lois Horatia & Hortensia, en 464 & 466. Enfin ils portoient si loin leur autorité, qu’ils donnoient ou ôtoient à qui bon leur sembloit, le maniement des deniers publics, la recette des impositions, les départemens, les magistratures, les commandemens d’armées, & toutes sortes de charges, &c. Par l’abus qu’ils firent de ce pouvoir immense, ils furent cause des plus grands troubles de la république, dont Cicéron se plaint amèrement, de legib. lib. III. c. ix.

Cette puissance illimitée ne subsista pas toujours. L. Sylla attaché au parti des grands, s’étant rendu maître de la république à main armée, diminua beaucoup l’autorité des tribuns, & l’anéantit presque entierement par une loi portée l’an 672, qui défendoit que celui qui avoit été tribun pût jamais parvenir à aucune autre charge. Il leur ôta par la même loi, le droit de haranguer le peuple, de faire des lois ; & les appellations à leur tribunal furent abolies. Il leur laissa seulement le droit de s’opposer.

Cependant le consul Cotta, l’an 679, leur rendit le droit de parvenir aux charges de la république ; & l’an 683, le grand Pompée les rétablit dans tous leurs anciens privileges. Leur puissance subsista jusqu’à Jules-César. La 731 année de Rome, le sénat rendit un decret par lequel il transféroit à Auguste & à ses successeurs, toute l’autorité des tribuns du peuple, qu’on continua de créer pour la forme. Auguste s’étant ainsi rendu maître de la puissance tribunitienne, n’accorda aux tribuns que le seul privilege de ne pouvoir être cités en jugement avant que d’avoir quitté leur charge ; & sous Tibere, ils eurent encore le droit fictif d’opposition. Enfin du tems des empereurs Nerva & Trajan, la dignité de tribun du peuple n’étoit plus qu’un fantôme, un vain titre sans fonction & sans honneur. Ils resterent dans cet état jusqu’à Constantin le grand ; depuis son regne il n’est plus fait mention de cette magistrature.

Il ne me reste pour en compléter l’histoire, qu’à en reprendre les principaux faits, déja indiqués ou obmis.

Après de grandes divisions entre les praticiens & les plébéiens, le sénat consentit pour l’amour de la paix, à la création de nouveaux magistrats, qui furent nommés tribuns du peuple, l’an de Rome 260.

Il en fut fait un sénatus-consulte, & on élut dans le camp même pour les premiers tribuns du peuple, selon Denys d’Halicarnasse, L. Junius Brutus, & C. Sicinius Bellutus, les chefs du parti, qui associerent en même tems à leur dignité C. & P. Licinius, & Sp. Icilius Ruga. Tite-Live prétend que C. Licinius & Lucius Albinus, furent les premiers tribuns qui se donnerent trois collegues, parmi lesquels on compte Sicinius Bellutus ; cet historien ajoute, qu’il y avoit des auteurs qui prétendoient qu’il n’y eût d’abord que deux tribuns élus dans cette assemblée, & c’est l’opinion la plus commune.

Quoi qu’il en soit, on déclara avant que de quitter le camp, la personne des tribuns sacrée. Il en fut fait une loi, par laquelle il étoit défendu sous peine de la vie de faire aucune violence à un tribun, & tous les Romains furent obligés de jurer par les sermens les plus solemnels l’observation de cette loi. Le peuple sacrifia ensuite aux dieux sur la montagne même, & qu’on appella depuis le mont sacré, d’où il rentra dans Rome à la suite de ses tribuns & des députés du sénat.

Rome par l’établissement du tribunal, changea une seconde fois la forme de son gouvernement. Il étoit passé de l’état monarchique à une espece d’aristocratie, où toute l’autorité étoit entre les mains du sénat & des grands. Mais par la création des tribuns, on vit s’élever insensiblement une nouvelle démocratie, dans laquelle le peuple, sous différens prétextes, s’empara par degré de la meilleure partie du gouvernement.

Ces nouveaux magistrats n’avoient dans leur origine, ni la qualité de senateur, ni tribunal particulier, ni jurisdiction sur leurs citoyens, ni le pouvoir de convoquer les assemblées du peuple. Habillés comme de simples particuliers, & escortés d’un seul domestique appellé viateur, & qui étoit comme un valet de ville, ils demeuroient assis sur un banc au dehors du sénat ; ils n’y étoient admis que lorsque les consuls les faisoient appeller, pour avoir leur avis sur quelque affaire qui concernoit les intérêts du peuple ; toute leur fonction se réduisoit à pouvoir s’opposer aux ordonnances du sénat par le mot veto, qui veut dire je l’empêche, qu’ils mettoient au bas de ses decrets, quand ils les croyoient contraires à la liberté du peuple ; cette autorité étoit même renfermée dans les murailles de Rome, & tout au plus à un mille aux environs : & afin que le peuple eut toujours dans la ville des protecteurs prêts à prendre sa défense, il n’étoit point permis aux tribuns de s’en éloigner un jour entier, excepté dans les féries latines. C’étoit par la même raison qu’ils étoient obligés de tenir la porte de leurs maisons ouvertes jour & nuit, pour recevoir les plaintes des citoyens, qui auroient recours à leur protection.

De semblables magistrats sembloient n’avoir été institués que pour empêcher seulement l’oppression des malheureux ; mais ils ne se continrent pas dans un état si plein de modération. Il n’y eut rien dans la suite de si grand & de si élevé, où ils ne portassent leurs vûes ambitieuses. Ils entrerent bientôt en concurrence avec les premiers magistrats de la république ; & sous prétexte d’assurer la liberté du peuple, ils eurent pour objet de ruiner insensiblement l’autorité du sénat.

L’an de Rome 262, le peuple augmenta la puissance de ses tribuns, par une loi qui défendoit à personne d’interrompre un tribun qui parle dans l’assemblée du peuple romain.

L’an 283, on publia une loi qui ordonnoit que l’élection des tribuns se fît seulement dans une assemblée par tribus, & en conséquence on élut pour la premiere fois des tribuns de cette maniere.

La paix ayant succédé aux guerres contre les Volsques l’an 380 on vit renaître de nouvelles dissentions. Quelques plébéiens qui s’étoient distingués dans ces guerres, aspirerent au consulat, & au commandement des armées. Le petit peuple uniquement touché des incommodités de la vie, parut peu sensible à des prétentions si magnifiques. Les patriciens d’un autre côté s’y opposerent long-tems, & avec beaucoup de courage & de fermeté. Ce fut pendant plusieurs années un sujet continuel de disputes entre le sénat & les tribuns du peuple. Enfin les larmes d’une femme emporterent ce que l’éloquence, les brigues, & les cabales des tribuns, n’avoient pû obtenir : tant il est vrai que ce sexe aimable & rusé n’est jamais plus fort que quand il fait servir sa propre foiblesse aux succès de ses desseins. Voici le fait en peu de mots.

M. Fabius Ambustus avoit trois fils qui se distinguerent dans la guerre des Gaulois, & deux filles, dont l’aînée étoit mariée à S. Sulpicius, patricien de naissance, & qui étoit alors tribun militaire, & la cadette avoit épousé un riche plébéien, appellé C. Licinius Stolon. Un jour que la femme de ce plébéien se trouva chez sa sœur, le licteur qui précédoit Sulpicius à son retour du sénat, frappa à sa porte avec le bâton des faisceaux, pour annoncer que c’étoit le magistrat qui alloit rentrer. Ce bruit extraordinaire fit peur à la femme de Licinius ; sa sœur ne la rassura que par un souris fin, & qui lui fit sentir l’inégalité de leurs conditions. Sa vanité blessée par une différence si humiliante, la jetta dans une sombre mélancolie. Son pere & son mari lui en demanderent plusieurs fois le sujet, sans pouvoir l’apprendre. Elle affectoit d’en couvrir la cause par un silence opiniâtre. Ces deux romains à qui elle étoit chere, redoublerent leurs empressemens, & n’oublierent rien pour lui arracher son secret. Enfin après avoir résisté autant qu’elle crut le devoir faire pour exciter leur tendresse, elle feignit de se rendre, elle leur avoua les larmes aux yeux, & avec une espece de confusion, que le chagrin la feroit mourir, si étant sortie du même sang que sa sœur, son mari ne pouvoit pas parvenir aux mêmes dignités que son beau-frere.

Fabius & Licinius pour l’appaiser, lui firent des promesses solemnelles de n’épargner rien pour mettre dans sa maison les mêmes honneurs qu’elle avoit vus dans celle de sa sœur : & sans s’arrêter à briguer le tribunal militaire, ils porterent tout d’un coup leurs vûes jusque au consulat.

Le beau-pere quoique patricien, se joignit à son gendre : & par complaissance pour sa fille, ou par ressentiment de la mort de son fils, que le sénat avoit abandonné, il prit des intérêts opposés à ceux de son ordre. Licinius & lui associerent dans leur dessein L. Sextius d’une famille plébéïenne, également estimé par sa valeur & par son éloquence, intrépide défenseur des droits du peuple, & auquel de l’aveu mêmes des patriciens, il ne manquoit qu’une naissance plus illustre, pour pouvoir remplir toutes les charges de la république.

C. Licinius & L. Sextius convinrent d’abord de briguer le tribunal plébéien, afin de s’en faire comme un degré pour parvenir à la souveraine magistrature : ils l’obtinrent aisément. A peine eurent-ils fait ce premier pas, qu’ils résolurent de rendre le consulat commun aux deux ordres de la république, & ils y travaillerent avec tant de chaleur, que les citoyens étoient à la veille de prendre les armes les uns contre les autres, quand les patriciens pour éviter ce malheur, prirent le parti de céder au peuple une des places du consulat. Sextius fut le premier des plébéiens qui en fut pourvû l’an de Rome 380, & Licinius lui succéda peu de tems après.

Quoique les tribuns de Rome ayent souvent causé de grands troubles dans la ville par leur ambition, & par l’abus qu’ils firent de leur pouvoir, Cicéron n’a pû s’empêcher de reconnoître, que leur établissement fut le salut de la république ; car, dit-il, la force du peuple qui n’a point de chef, est plus terrible, & commet toujours des désordres extrèmes. Un chef sent que l’affaire roule sur lui, il y pense : mais le peuple dans son impétuosité, ne connoit point le péril où il se jette. D’ailleurs dans une république le peuple a besoin d’un magistrat pour le défendre contre les vexations des grands ; cependant la puissance des tribuns de Rome étoit vicieuse en ce point particulier, qu’elle arrêtoit non-seulement la législation, mais même l’éxécution ; or il ne faut pas dans un état modéré, que la puissance législative ait la faculté d’arrêter la puissance exécutrice, & réciproquement. (Le chevalier de Jaucourt.)

Tribun militaire, (Hist. milit. des Rom.) officier qui commandoit en chef à un grand corps de troupes ; c’étoit une magistrature romaine, qu’il ne faut pas confondre avec ce qu’on nommoit tribun des soldats.

Varron dit qu’on leur donna le nom de tribuns, parce qu’au commencement ils étoient trois, lorsque la légion étoit composée de trois mille hommes, des trois tribus qu’il y avoit alors ; à mesure que la légion crut, on augmenta le nombre des tribuns qui furent quatre, & ensuite six. D’abord c’étoit les généraux d’armée qui les choisissoient ; mais l’an de Rome 391, il fut réglé que le peuple en nommeroit une partie, & le général une autre ; ce fut Rutilius Rufus, qui porta cette loi ; ceux que le peuple choisissoit dans les comices, s’appelloient comitiati. Ils étoient également patriciens ou plébéiens, & avoit les mêmes marques d’honneur que les consuls ; voici leur histoire en peu de mots.

Les tribuns du peuple ayant fait tous les efforts imaginables, pour obtenir que les familles plébéiennes pourroient avoir part au consulat, & les patriciens, qui se voyoient hors d’état de résister plus long-tems, ne voulant pas que le peuple pût être admis au consulat, on fit l’an de Rome 309, un réglement ratifié par un decret du sénat, par une loi du peuple, qu’à la place des consuls, on choisiroit parmi les patriciens trois tribuns militaires, & autant parmi les plébéiens, & que ces nouveaux magistrats auroient toute l’autorité des consuls pour gouverner la république, & qu’au bout de l’année, il seroit fait un sénatus-consulte pour demander au peuple s’il aimoit mieux avoir des consuls que des tribuns militaires, & qu’on se conformeroit à ses intentions. Au reste on appella ces nouveaux magistrats tribuns militaires, parce que parmi les plébéiens, ceux qui avoient exercé l’emploi de tribun, étoient les plus distingués du peuple.

Cette premiere année, il n’y eut que trois personnes nommés pour remplir cette magistrature, & ce furent trois patriciens : mais bientôt après ils abdiquerent, sous prétexte que leur élection étoit vicieuse, & on leur substitua des consuls. Dans les années suivantes on créa, tantôt des consuls, tantôt des tribuns militaires, suivant que le sénat ou le peuple avoit le dessus. Cet usage dura jusqu’à l’an de Rome 387, qu’on choisit un plébéién pour consul, & ce fut Sextius. On créa d’abord trois tribuns militaires, ensuite quatre, puis six. Tite-Live prétend que l’an de Rome 347, on en élut huit, ce qui n’étoit pas encore arrivé, mais les autres historiens n’en marquent que six ; du reste le titre que ces magistrats portoient, tribuni militum consulari potestate, fait connoître qu’ils avoient les mêmes fonctions & les mêmes marques de dignité que les consuls. (D. J.)

Tribun des celeres, (Hist. milit. des Romains.) tribunus celerum ; c’étoit l’officier qui commandoit la troupe des chevaux légers des Romains. Il fut ainsi nommé de Fabius Celer, qui eut le premier cette charge. Le tribun des celeres étoit proprement le commandant de la cavalerie, & après le roi il avoit la principale autorité dans les armées. Dans la suite, le maître de la cavalerie eut le même rang sous les dictateurs, car après l’expulsion des rois la charge de tribun des celeres fut abolie, & Plutarque même prétend que du tems de Numa, la troupe nommée des celeres n’existoit plus. (D. J.)

Tribun de soldats, (Art milit. des Rom.) officier dans l’armée ; mais il ne faut pas confondre les tribuns de soldats avec les tribuns militaires, qui furent substitués aux consuls, & revêtus de toute leur autorité. Cependant les tribuns de soldats avoient un grade honorable dans le service ; il y en avoit de deux sortes, les uns choisis par le général, & on les nommoit rufuli, & les autres élus dans les comices, par les suffrages du peuple, & ils s’appelloient comitiati. Ceux-ci furent introduits par une loi que proposerent Lucius Attilius & Caïus Martius, tribuns du peuple, sous le consulat de Marcus Valerius & Publius Decius. La fonction des tribuns de soldats étoit de contenir les troupes dans le camp, de veiller à leurs exercices, de connoître leurs démêlés, d’entendre leurs plaintes, d’avoir inspection sur leurs habits, sur leurs armes & sur les hôpitaux ; d’avoir soin des vivres, de faire des rondes, de recevoir les ordres du consul, & de les donner ensuite aux autres officiers subalternes. (D. J.)

Tribun du trésor, (Antiq. rom.) tribunus ærarii ; espece de trésorier des fonds militaires. Les tribuns du trésor étoient des officiers tirés du peuple, qui gardoient les fonds d’argent destinés à la guerre, pour les distribuer dans le besoin aux questeurs des armées. On observoit de choisir ces tribuns les plus riches qu’on pouvoit, parce que c’étoit un emploi où il y avoit beaucoup d’argent à manier ; mais Clodius, du tems de Cicéron, trouva le moyen d’en corrompre plusieurs, qu’on lui avoit nommés pour juges. (D. J.)