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L’Encyclopédie/1re édition/VÉRONIQUE

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VÉRONIQUE, s. m. (Hist. nat. Bot.) veronica, genre de plante, à fleur monopétale, en rosette profondément découpée ; le pistil sort du calice ; il est attaché comme un clou au milieu de la fleur, & il devient dans la suite un fruit membraneux & divisé en deux loges ; ce fruit renferme des semences qui sont minces dans quelques especes, & épaisses dans d’autres. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante.

Quoique Tournefort compte quarante-trois especes de véronique, & qu’il y en ait plus d’une employée en médecine, nous décrirons seulement la commune, veronica mas, vulgatissima, I.R.H. 143. en anglois the male speed-well.

Sa racine est déliée, fibreuse, serpentante, & vivace. Elle pousse plusieurs tiges menues, longues, rondes, nouées, & couchées ordinairement sur la surface de la terre ; ses feuilles naissent opposées deux à deux le long de ses tiges, assez semblables à celles du prunier, velues, dentelées en leurs bords, d’un goût amer & âcre.

Ses fleurs sont disposées en maniere d’épi, comme celles de la germandrée, petites, de couleur bleuâtre, quelquefois blanches, avec deux étamines de même couleur, à sommets oblongs ; chacune d’elles est une rosette à quatre quartiers ; quand cette fleur est tombée, il lui succede un fruit en cœur, partagé en deux bourses ou loges, qui contiennent plusieurs semences menues, rondes, noirâtres.

Cette plante croît aux lieux incultes, secs, pierreux, sur les côteaux, dans les bois & dans les bruyeres ; elle fleurit en été.

Dans le système de Linnæus, la véronique est un genre distinct de plante, comme dans Tournefort ; voici ses caracteres. Le calice est divisé en quatre segmens, étroits, pointus, & subsistans après la chute de la fleur ; la fleur est monopétale, en forme de tube cylindrique, & à-peu-près de la longueur du calice ; ce tube est applati dans sa position, & se divise à l’extrémité en quatre quartiers de figure ovale ; les étamines sont deux filets très-étroits dans le fond, & panchés vers le sommet ; les bossettes des étamines sont oblongues ; le pistil a le germe applati ; le stile est un filet panché & de la longueur des étamines ; le stigma est simple, le fruit est une capsule turbinée, taillée en cœur, & plate au sommet ; il contient deux loges partagées en quatre cloisons, & pleines d’un grand nombre de semences arrondies. Linnæi, gen. plant. p. 4. (D. J.)

Véronique, (Mat. méd.) on emploie en médecine plusieurs especes de véronique, parmi lesquelles celle que les botanistes appellent véronique mâle, ou thé de l’Europe (veronica mas, supina & vulgaussima, C.B.P. & inst. rei herb. veronica vulgatior folio rotundiore J. B.), est la plus usitée, cette plante est une de celles que les pharmacologistes, tant anciens que modernes, ont pris en affection, on ne sait pas trop pourquoi, à laquelle ils ont attribué un grand nombre de vertus singulieres, propres, uniques ; quoique cette plante ne puisse être regardée que comme un simple altérant, & même des moins actifs, & qu’il existe dans la nature un très-grand nombre de plantes dont l’analogie médicamenteuse avec la véronique, est à peu-près démontrée. Ces plantes sont entre autres, presque toutes les labiées de Tournefort, & principalement la germandrée, l’ivette, la sauge, la menthe, le pouliot, le lierre terrestre, l’hysope, le stechas, la bétoine, &c.

La véronique est aromatique ; elle donne une eau distillée, bien parfumée, mais point d’huile essentielle, selon le rapport de M. Carthouser.

Ce ne sont que les feuilles de cette plante qui sont d’usage en médecine ; elles ont un goût amer-aromatique & légerement âpre.

La nature de ces principes & l’observation concourent à prouver que les magnifiques éloges donnés à la véronique doivent être restreints à attribuer à cette plante la qualité légerement tonique, stomachique, diaphorétique, foiblement emménagogue, propre à aromatiser les boissons aqueuses, chaudes, qu’on a coutume de prendre abondamment dans les rhumes, certaines maladies d’estomac, certaines coliques intestinales ou rénales, les rhumatismes légers, &c. & à corriger la fadeur & la qualité trop relâchante de ces boissons ; pour cet effet on emploie ses feuilles fraîches, ou plus communément seches, à la dose de deux ou trois pincées par pinte d’eau, & on en fait une infusion théïforme. Cette infusion peut aussi s’employer utilement à couper le lait de chevre ou de vache. Voyez Lait, &c.

Mais il faut toujours se ressouvenir qu’il n’est prouvé par aucun fait que cette plante soit plus efficace, ni dans les cas que nous venons de citer, ni dans aucun autre, que celles que nous avons nommées plus haut. Une des maladies à laquelle la veronique est regardée comme éminemment appropriée ; c’est l’enrouement & son degré extrème, l’extinction de voix. Nous ne la croyons pas plus spécifique dans ce cas, que dans tous les autres.

L’eau distillée de véronique est une de celles qu’on emploie ordinairement comme excipient dans les potions hystériques ; & elle est en effet propre à cet usage, mais seulement comme les eaux distillées de la même classe ; elle passe pour bonne contre le calcul ; ce n’est presque pas la peine de rapporter & de réfuter de pareils préjugés.

Quant à l’usage extérieur de la véronique, on l’emploie quelquefois dans les vins & dans les lotions aromatiques.

Les feuilles de véronique entrent dans l’eau vulnéraire, le baume vulnéraire, le mondificatif d’ache, &c. & son suc dans l’emplâtre opodeltock. (b)

Véronique femelle, (Mat. med.) V. Velvote.

Véronique, s. f. terme formé de vera-icon, vraie image : on l’applique aux portraits ou représentations de la face de notre Seigneur Jesus-christ, imprimée ou peinte sur des mouchoirs.

Les véroniques ou saintes faces sont des imitations d’un célebre original, que l’on conserve avec beaucoup de vénération dans l’église de S. Pierre à Rome, & que quelques-uns croient avoir été le mouchoir qui servit à couvrir le visage de Jesus-Christ dans le sépulcre.

Il est bon en effet d’observer que le nom de véronique se donne uniquement à ces mouchoirs qui ne représentent autre chose que la face du Sauveur, car pour les linges qui représentent tout son corps, comme celui de Besançon, où l’on voit toute la partie antérieure de son corps en longueur, & celui de Turin qui fait voir la partie postérieure aussi-bien que l’antérieure, comme ayant enveloppé & couvert le corps tout entier ; on les appelle suaires.

Le premier ouvrage où il soit fait mention de la véronique, est un cérémonial compilé en 1143, & dédié au pape Célestin, par Benoît, chanoine de S. Pierre : on n’y a pas marqué le tems qu’elle fut apportée à Rome.

Des peintres représentent quelquefois la véronique soutenue par les mains d’un ange, mais plus communément par celles d’une femme, que le commun du peuple s’imagine avoir été une sainte, nommée véronique. Quelques-uns se sont imaginés qu’il pouvoit y avoir eu une femme juive de ce nom à Jérusalem, qui présenta son mouchoir à notre Seigneur comme on le menoit au Calvaire, pour essuyer son visage tout couvert de sang & de sueur, & que l’image de sa face s’y imprima miraculeusement.

De la possibilité de ce miracle, on passa bientôt à soutenir la réalité de l’existence de cette femme, nommée Bérénice ou Véronique, & l’on voit dans les voyages que Bernard de Bredemback, doyen de Mayence, fit à la Terre-sainte, en 1483, & qui furent imprimés en 1502, qu’il n’y avoit pas encore long-tems qu’on avoit trouvé à Jérusalem la véritable maison de Véronique ; d’autres ont cru que cette femme étoit l’hémorhoïsse de l’Evangile, & l’ont en conséquence invoquée pour la guérison du mal dont Jesus-Christ l’avoit délivrée. C’est ce qui se pratique particulierement à S. Gilles de Valenciennes, où l’on appelle communément cette sainte, sainte Venice, diminutif du génitif Veronicæ.

Mais il n’y en a rien, ni dans les anciens martyrologes, ni dans le romain, ce qui a fait penser à M. de Tillemont que tout ce qu’on en avance est destitué de fondement.