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L’Encyclopédie/1re édition/VASSAL

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VASSAL, s. m. (Gram. & Jurisprud.) en latin vassallus, & autrefois vassus & vavassor, signifie présentement celui qui tient en propriété un fief de quelque seigneur à la charge de la foi & hommage.

On appelle aussi le vassal seigneur utile, parce que c’est lui principalement qui retire l’utilité du fief servant.

Les vassaux sont aussi appellés hommes du seigneur, à cause de l’hommage qu’ils lui doivent.

En quelques endroits on les appelle hommes de fief, pairs de fief, ou pairs du seigneur.

Il n’y a guere de terme dans la jurisprudence dont l’étymologie ait plus exercé les savans que celui-ci.

Boschornius prétend que vassus, vassal, vient du celtique gwos ou goas, qui signifie servus, famulus, lesquels termes latins signifioient chez les anciens un jeune homme, un adolescent.

Goldast veut que vassus soit venu de vade, vadimonium, gage, parce que le vassal donnoit, dit-il, un gage à son seigneur pour le bénéfice qu’il recevoit de lui.

Turnebus croit que l’on a dit vassos quasi vasarios, parce que les vassaux étoient des cliens qui étoient préposés sur la vaisselle & meubles des nobles.

Frédéric Bandius fait dériver vassus de l’allemand vassen, qui signifie obliger, lier, vincire, parce que les vassaux étoient attachés à un seigneur.

Pithou, en ses notes sur les capitulaires, tient que le terme vassal, vassus, est françois, & que vassus signifie servills ; il cite aussi plusieurs auteurs saxons, suivant lesquels vassus chez les Saxons signifie servilis ; entr’autres Trucbaldes, abbé d’Elne, en la vie de S. Lebvin, lequel dit que la nation des Saxons étoit partagée en trois ordres ; savoir, les nobles, les ingénus, & ceux qu’on appelloit lassi, ce qu’il traduit par serviles.

L’opinion de Bandius, qui fait venir vassus de l’allemand vassen, est celle qui nous paroît la plus vraissemblable.

Il est certain en effet qu’anciennement par le terme de vassus, vassal, on entendoit un familier ou domestique du roi, ou de quelqu’autre prince ou seigneur, & qu’il étoit obligé de lui rendre quelque service.

Ce terme de vassus étoit usité dès le commencement de la monarchie, & bien avant l’institution des fiefs ; il est parlé des vassaux du roi & des autres princes dans nos plus anciennes lois, telles que les lois saliques, la loi des Allemands dans les capitulaires, dans les conciles de ce tems, & dans les plus anciens auteurs, tels que Grégoire de Tours, Marculphe, &c.

Quelques-uns ont prétendu que vassus & vassallus n’étoient pas la même chose, que vassallus étoit le client de celui qu’on appelloit vassus ; mais il paroît que vassus est le nom primitif, & que l’on a ensuite appellé indifféremment les personnes de cette condition vassi seu vassali ; & en quelques endroits vassallitii ou vassalubi, à moins que l’on ne veuille dire que vassali étoit un diminutif de vassi, & que par le terme de vassali ou vassalubi on entendoit les enfans des vassaux. Je croirois néanmoins plutôt que vassalubi étoient non pas des arriere-vassaux ; mais des vassaux ou domestiques d’un ordre inférieur.

Les vassaux qui étoient du nombre des familiers ou domestiques du roi ou de l’empereur, étoient appellés vassi regales seu dominici.

Il ne faut pas croire que ces vassaux royaux ne fussent que des gens de condition servile : ils étoient au-contraire si considérables, qu’ils sont nommés les premiers après les comtes ; on comprenoit sous ce titre de vassaux, tous ceux qui étoient liés envers le roi par la religion du serment.

Ils avoient aussi un privilege singulier ; savoir, que quand ils étoient accusés de quelque crime, & qu’ils étoient obligés de s’en purger par serment, ils n’étoient pas obligés de le faire en personne ; ils faisoient jurer pour eux celui de leurs hommes qui étoit le plus considérable, & qui méritoit le plus de créance.

Ces vassaux royaux étoient quelquefois envoyés par le prince dans les provinces, pour assister les comtes dans l’administration de la justice, & autres affaires publiques ; on trouve nombre de jugemens rendus par les comtes avec les vassaux ; c’est pourquoi ces vassaux étoient quelquefois appellés les vassaux des comtes, quoique dans le vrai ils fussent les vassaux du roi, qui les donnoit pour collegues aux comtes ; ils étoient, comme on voit, à l’égard des comtes, ce que sont encore dans certaines coutumes les hommes de fief ou pairs à l’égard du seigneur.

On envoyoit aussi quelquefois ces vassaux royaux sur les marches & frontieres du royaume pour les garder & défendre.

D’autres étoient envoyés dans les domaines du roi pour les exploiter, & l’on trouve des preuves que ceux qu’on appelloit villici vel prepositi avoient été anciennement vassali.

Lorsque les vassaux royaux alloient au lieu de leur commission, ou qu’ils y étoient résidens, ils recevoient des contributions de même que ces commissaires du roi, qu’on appelloit missi dominici ; ils étoient subordonnés aux comtes, & soumis à leur jurisdiction.

Le prince donnoit à ses vassaux des terres dans les provinces pour en jouir à titre de bénéfice civil, jure beneficii ; concession dont le premier usage étoit venu des Romains, & dont, par succession de tems, se formerent les fiefs.

Ces concessions de bénéfices qui étoient faites aux vassaux n’étoient pas perpétuelles ; elles n’étoient qu’à vie, & même amovibles ; mais elles ne pouvoient être ôtées sans cause légitime. Odon, abbé de Cluny, en la vie de S. Gerand, dit qu’il ne souffroit point qu’aucun seigneur, senior, ôtât par caprice à son vassal les bénéfices qu’il renoit C’est un des plus anciens exemples que l’on ait trouvé de la subordination du vassal à son seigneur à raison de son bénéfice ou fief : le même Odon dit que l’ordre de l’état étoit tellement troublé, que les marquis ou gouverneurs des frontieres avoient poussé l’insolence jusqu’à se soumettre les vassaux du roi.

Les bénéfices obligeoient les vassaux non-seulement à rendre la justice, mais aussi à percevoir au nom du seigneur les droits qui en dépendoient pour raison de quoi ils lui payerent une redevance annuelle.

Ils étoient aussi obligés au service militaire, & c’est de-là que dans le dixieme siecle tout possesseur du fief prit le titre de miles, au lieu de celui de vassus.

On distinguoit, comme encore à présent, deux sortes de vassaux ; savoir, les grands, majores, & les petits, minores.

Les princes s’étant créés des vassaux immédiats, par la concession des bénéfices civils, se firent aussi des vassaux médiats, en permettant aux nobles de se créer de même des vassaux, ce qui est l’origine des sous-inféodations, & des arriere-fiefs & arriere-vassaux.

Les vassaux des princes signoient autrefois en cette qualité leurs chartres après les grands officiers, comme ils firent encore pendant quelque tems, avec cette différence, qu’au-lieu d’ajouter à leur nom la qualité de vassallus, ils mettoient celle de miles, ou-bien leur nom simplement sans aucune qualité.

On trouve une charte de Guillaume, comte de Provence, qui est dite avoir été faite en présence des vassaux royaux, dominici, tant romains que saliens, tam romanis quam salicis, ce qui fait connoître que les vassaux étoient quelquefois distingués par la nature de leurs bénéfices, dont les uns tiroient leur origine des Romains, les autres de la loi salique.

Après avoir ainsi expliqué tout ce qui concerne l’origine du terme vassal, il faut venir à ce qui s’est observé par rapport aux vassaux depuis l’institution des fiefs.

Depuis ce tems, on a entendu par le terme de vassal, celui qui tient un fief mouvant d’un autre seigneur à la charge de l’hommage.

Le seigneur est celui qui posséde le fief dominant ; le vassal, celui qui tient le fief servant.

Le vassal & le seigneur ont des devoirs réciproques à remplir l’un envers l’autre ; le vassal doit honneur & fidélité à son seigneur ; celui-ci doit protection à son vassal.

Anciennement le vassal étoit obligé d’assister aux audiences du bailli de son seigneur, & de lui donner conseil, ce qui ne s’observe plus que dans quelques coutumes, comme Artois & autres coutumes voisines.

On appelloit les vassaux pairs & compagnons, parce qu’ils étoient égaux en fonctions.

Quand ils avoient quelque procès ou différend entre eux, ils avoient droit d’être jugés par leurs pairs, le seigneur du fief dominant y présidoit. Cet usage s’observe encore pour les pairs de France, qui sont les grands vassaux de la couronne, lesquels ne peuvent être jugés dans les causes qui intéressent leur personne & leur état qu’au parlement, la cour suffisamment garnie de pairs.

Le vassal payoit une redevance annuelle à son seigneur ; il pouvoit même y être contraint par la saisie de son fief, ou par la vente de ses effets mobiliers. Si les effets n’étoient pas encore vendus, il pouvoit en avoir main-levée, en offrant d’acquitter la redevance, & de payer la redevance.

Si la saisie du fief étoit faite pour droits extraordinaires, elle n’emportoit pas perte de fruits.

Le vassal faisoit la foi pour son fief, mais il n’étoit pas d’usage d’en donner un aveu & dénombrement : lorsque le seigneur craignoit que le vassal ne diminuât son fief, il pouvoit obliger le vassal de lui en faire montrée, & pour engager celui-ci à ne rien cacher, il perdoit tout ce qu’il n’avoit pas montré, quand il n’y auroit manqué que par ignorance.

S’il étoit convaincu d’avoir donné de fausses mesures, il perdoit ses meubles.

Il perdoit son fief pour différentes causes ; savoir, lorsqu’il mettoit le premier la main sur son seigneur, lorsqu’il ne le secouroit pas en guerre, après en avoir été requis, ou lorsqu’il marchoit contre son seigneur, accompagné d’autres que de ses parens, lorsqu’il persistoit dans quelque usurpation par lui faite sur son seigneur, ou s’il désavouoit son seigneur.

Il ne lui étoit pas permis de demander l’amendement du jugement de son seigneur, mais il pouvoit fausser le jugement.

S’il étoit condamné, il perdoit son fief ; mais il étoit mis hors de l’obéissance de son seigneur, si le jugement étoit faux ; il devenoit alors vassal immédiat du seigneur suserain.

Tant que le procès étoit indécis, il ne pouvoit être contraint de payer l’amende au seigneur.

Le vassal, c’est-à-dire, le vasselage pouvoit être partagé entre freres & sœurs. Mais le seigneur ne pouvoit le partager avec un étranger sans son consentement, & sans celui du seigneur dominant.

S’il étoit partagé entre le baron & le vavasseur ou seigneur de simple fief, la moitié appartenante au vavasseur, étoit dévolue au seigneur immédiat du baron.

Il pouvoit être donné en entier à un étranger par son seigneur. Le baron pouvoit aussi le donner au vavasseur ; mais en ce dernier cas, le vassal étoit dévolu au seigneur immédiat du baron.

Lorsque les seigneurs se faisoient entr’eux la guerre, leurs vassaux étoient obligés de les accompagner, & de mener avec eux leurs arriere-vassaux.

Présentement il n’y a plus que le roi qui puisse faire marcher ses vassaux & arriere-vassaux à la guerre, ce qu’il fait quelquefois par la convocation du ban & de l’arriere-ban.

Les devoirs du vassal se réduisent présentement à quatre choses.

1°. Faire la foi & hommage à son seigneur dominant, à toutes les mutations de seigneur & de vassal.

2°. Payer les droits qui sont dûs au seigneur pour les mutations de vassal, tels que le quint pour les mutations par vente, ou autre contrat équipollent, & le relief pour les autres mutations, autres néanmoins que celles qui arrivent par succession & ligne directe.

3°. Fournir au seigneur un aveu & dénombrement de son fief.

4°. Comparoître aux plaids du seigneur, & par-devant ses officiers, quand il est assigné à cette fin.

Le vassal doit faire la foi & hommage en personne, & dans ce moment mettre un genou en terre, étant nue tête, sans épée ni éperons ; autrefois il joignoit ses mains dans celles de son seigneur, lequel le baisoit en la bouche ; c’est pourquoi quelques coutumes disent que le vassal ne doit au seigneur que la bouche & les mains dans les cas où il ne doit que la foi & hommage.

La confiscation du fief a lieu contre le vassal en deux cas ; savoir, pour desaveu formel, lorsque le desaveu se trouve mal fondé, & pour crime de félonie ; c’est-à-dire, lorsque le vassal offense griévement son seigneur. Voyez le code des lois antiques, le recueil des ordonnances, le glossaire de Ducange, & celui de Lauriere, les auteurs qui ont traité des fiefs, & ci-devant les mots Aveu, Dénombrement, Droits seigneuriaux, Fief, Foi, Hommage, Mutation, Quint, Requint, Relief, Seigneurie, (A)