L’Escole des filles/11

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(auteur présumé)
Texte établi par Poulet-Malassis, Bruxelles, aux dépens des dames de la rue des Cailles (p. 183-189).

LE COMBAT
DU VIT ET DU CON ET LES RAISONS DE PERRETTE.


LE COMBAT DU VIT ET DU CON.

Un jour un con fringant, à la rouge babine,
Gros, gras, dur, en bon point, bien refaict de cuisine,
Amoureux, chatouilleux, estincellant de feu,
Qui ne demandoit rien que la dance et le jeu,
Morguoit un pauvre vit, et repliant la joue,
Grimassant de ses dents, il luy faisoit la moue ;
Mesme, pour l’attirer au combat amoureux,
L’alloit injuriant, l’appellant rustre, gueux,
Visage de villain, borgne, camard, jeanfoutre,
Bref, les mots plus picquants sous desdain passoit outre.
Ce pauvre vit, paisible, oyant ceste leçon,
Blotti dans sa coquille ainsi qu’un limaçon,
Donnant patiemment à son ire des bornes,
N’avoit pour tout cela daigné lever les cornes,

Et mettant une bride à son ressentiment,
On ne l’entendoit pas dire un mot seulement.
Mais du con ce silence irrite le courage,
Son ardeur le suffoque, il s’enfle le visage.
Et pour se soulager et respirer un peu,
Il est contraint d’ouvrir ses deux lèvres de feu.
Ce fut là qu’il fit veoir une montagne ouverte,
D’un duvet tremblottant espaissement couverte,
Et qui depuis le haut de deux costeaux bossus
Par ondes va roullant ses petits poils moussus,
Jusqu’au bord d’une fente à la belle bordure,
Esclatant de vermeille et brillante peinture.
Une ombre claire et fraische à l’entrée de son creux
Le voiloit, le rendant mignardement affreux,
Laissant veoir le dedans, de peau grasse et douillette,
Moins rouge que le drap de couleur fiammette.
Au fond du val rioient milles petit sillons
Sur un champ de gras double, émaillé de rillons.
D’un trou voisin souffloit une subtile haleine,
Rafraischissant partout ce beau taillis de layne,
Où tout autour dormoient mille petits amours
Munis d’autant de pieds que les ans ont de jours.
Au milieu, la matrice, en forme d’une langue,
Paroissoit à tout coup vouloir faire une harangue.
Soudain, dessus le bord avançant son museau :
— Je suis, dit-elle, ô vit, la mort et le tombeau,
Flasque si l’on te voit tant seulement paroistre.
Alors le vit, mettant la teste à la fenestre,

Descouvre un peu le grouin, sans beaucoup s’esmouvoir ;
Tastonnant de la teste, il s’efforce de veoir
L’ennemy qui se vante ainsi de le soubmettre.
— Voyons, dit-il, un peu si nous pouvons cognoistre
Qui vous êtes, qui tant d’injures me donnez.
Et comme il s’avançoit, le con lui crache au nez.
A ce sensible affront la fureur le surmonte,
De colère le sang au visage luy monte ;
Il rengaigne pourtant, et faict reflexion
De quelle sorte il doibt porter ceste action,
Et son muffle bouffy, vomissant la fumée,
Faict bien veoir que son ame estoit tout allumée :
Il s’enfle, il se roidit, il devient enflammé,
Et d’un vent de fureur il devient animé ;
Resous de se bien battre et rompre toute trefve,
Par eslans redoublez son eschine s’eslève.
Cerchant son adversaire en lion rugissant,
Il le trouve, il l’attaque, et par un pas glissant,
En allongeant son coup, il s’engage à la passe,
Engaignant brusquement le con qui le menace.
Tout ravy d’avoir joint ce superbe ennemy,
Il est bien resolu de n’en faire à demy ;
Voulant vaincre ou mourir, il vous pousse et repousse
Sa lame dans la playe, avec mainte secousse,
Tel qu’un sanglant boucher qui pousse son couteau
Par des coups redoublés dans le col d’un agneau.
Il coigne, il se demeine et de cul et de teste,
Il s’employe au combat, plus fier qu’une tempeste

Qui, maistresse des airs, ne cesse d’attaquer
De la gresle et du feu le sommet d’un rocher.
Le con s’en prévalant, avec ses saffres lippes
Lui presse l’estomach, lui faict crever les trippes,
Luy faict cracher du sang et revomir dehors
Tout ce que le pauvret avoit dedans le corps.
Tenant le vit aux crins, il le gourme et pelote
Et luy donne cent coups de matrice et de motte,
Tant que le pauvre vit, affoibly de ces coups,
Sentit diminuer sa force et son courroux.
Tous ses efforts descheux irritent la blessure
Dont le con enfouré luy crève la tresseure,
Et d’où soudain sortit comme un torrent de sang
Que la chaleur avoit changé de rouge en blanc.
Tous deux esvanouis tomberent en ces termes,
L’un sur l’autre estendus, barbottant dans les spermes.
Tel fut doncq le combat et l’avantage esgal.
Mais on dit que du vit la blessure va mal,
Ayant esté frappé d’une lame rouillée
De tant de sangs divers dont elle estoit souillée,
De cancer et vérole, emplastrum et pulvis,
Peste de la santé, mortel poison des vits.
Joint qu’on dit que le coup lui respond dedans l’ayne,
Où il se pourroit bien former une gangrène.
Mais on dit que le feu, qui purifie tout,
Avec deux mois de jeusne en peut venir à bout.


DIALOGUE ENTRE LE FOUTEUR
ET PERRETTE.

LE FOUTEUR.

Perrette, dites moy, par forme d’entretien,
Quand vous foutez, mon cœur, cela vous faict-il bien ?

PERRETTE.

Hé ! doutez vous, monsieur, que cela me chatouille ?

LE FOUTEUR.

Mais dites, aimez vous qu’il degoutte et qu’il mouille ?
Car j’en cognois, parmy le sexe féminin,
Qui nous disent quasi que le foutre est venin,
Et n’ayment rien sinon que le membre les frotte.

PERRETTE.

Femme de cest avis n’est qu’une femme sotte
Et ne sçait pas le prix d’une telle action ;
Quatre mots serviront pour sa conviction :
Toute andouille sans jus, sans graisse et sans substance,
N’est pas, en croyez moy, trippe pour nostre pance ;
Employez à la terre et les jours et les nuicts
Et par des soins fréquents demandez luy des fruicts,
Vous avez beau donner vos soins et vostre estude,

Pour penser triompher de son ingratitude,
Avant qu’elle vous donne en ses flancs refouillés
Signe par une fleur que vous la chatouillez :
Si vous ne l’arrosez, la peine est superflue.
Tout de mesme en est-il d’une femme foutue,
Car l’humeur du vit est de matrice appeté
Comme eau d’un terroir secq en la plus chaude esté ;
Et sans son émission que nature souhaicte,
Ceste noble action est du tout imparfaicte,
Et le vit d’un chastré nous seroit aussi cher
Qu’un gros vit succulent, rubicond, plein de chair.
Et à quoy serviroient ces fameuses ovales,
Ces grelots amoureux, ces charmantes cimbales
Jointes à ce villain qui s’efforce à taston
De gagner en foutant la part de son tirton ?
Dans ce doux remuement, le cul faict les minutes,
Les coüillons sonnent l’heure au plus bas de la butte,
Ou bien sans ces deux cy, manquant de contrepoids,
L’horloge est immobile et la cloche sans voix.
Ceste blanche liqueur, si douce et tout aymable,
Rend les désirs contents et le sort favorable.
Le poisson nous enseigne, au profond de la mer,
Le mistère de foutre, et les oiseaux en l’air
Nous asseurent qu’il faut de ceste admirable onde
Pour pouvoir provigner la grand’ race du monde.
Ainsi femme qui dit que le vit sec est bon
Voudroit oster la saulce et le sel au jambon,
Ce qu’il est de plus doux en toute la nature

Et qui donne la vie à toute créature.
Pour punir telle femme et tel vit, désormais
Il les faut condamner à ne foutre jamais !

LE FOUTEUR.

Perrette, vous avez l’appétit bon, sans doute :
Allez vous en chercher quelque autre qui vous foute.

FIN.