L’Exercice du pouvoir/Partie II/16 juin 1936

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Gallimard (p. 87-98).

Les cinq projets de loi furent adoptés par la Chambre à la quasi-unanimité. Pendant leur discussion devant le Sénat, à la séance du 16 juin, Léon Blum précisa leur portée et l’effet qu’ils étaient destinés à produire sur l’économie du pays.

Nous avons déjà fourni à deux Commissions du Sénat les explications et les justifications qui nous ont été demandées. Nous les renouvellerons au cours de la discussion, mais le Sénat trouvera assurément convenable que je formule, dès à présent au nom du Gouvernement, quelques observations très simples et je l’espère, suffisamment précises.

Le Sénat a très bien compris que les cinq projets qui ont été déposés devant lui par le Gouvernement formaient un ensemble et je le remercie d’avoir voulu instituer, au seuil même de sa délibération, cette sorte de discussion générale qui permet, en effet, d’envisager l’ensemble et d’en mesurer la portée. Sur ces cinq lois, trois touchent exclusivement à la condition des travailleurs : la loi sur les congés payés, la loi sur les conventions collectives et la loi sur la semaine de 40 heures.

Ces trois lois, par les procédures qu’elles prévoient peut-être autant que par leur contenu, représentent — je l’ai dit au Sénat l’autre jour et je ne crains pas de le répéter — peut-être le plus important progrès qui ait jamais été accompli dans une démocratie en matière de législation sociale.

À partir du moment où nous légiférions ainsi pour satisfaire à un certain nombre de revendications de la classe ouvrière, nous étions tout naturellement, tout logiquement conduits à donner un caractère d’urgence à cette première revision des décrets-lois que nous avions annoncée et qui devait apporter un soulagement à la catégorie la plus sévèrement atteinte des fonctionnaires et des agents de l’État ou des services publics.

Enfin, comment aurions-nous alors omis les anciens combattants ? Ils ont eu la noblesse de nous demander seulement de satisfaire à une revendication qui, pour eux, était presque d’ordre moral, autant et plus que d’ordre matériel ; et c’est l’objet d’une des cinq lois dont vous êtes aujourd’hui saisis.

Messieurs, devant des lois comme celles-ci, le mouvement naturel unanime est la sympathie. Elle s’est manifestée à la Chambre ; elle s’est manifestée ici même. Il n’y a pas un des discours qui aient été prononcés à la tribune, où l’on se soit déclaré hostile au principe même de ces lois. Chaque orateur a, somme toute, donné son adhésion aux principes qui les inspiraient ou considéré comme souhaitables les résultats que nous espérons procurer par elles.

Les critiques qu’on a produites ici tiennent plutôt à des difficultés ou à des dangers d’application qu’aux principes mêmes des textes. En même temps que votre sympathie était éveillée, votre prudence, votre vigilance était alarmée en quelque mesure.

Tout naturellement, celui des textes qui devait éveiller chez vous cette vigilance et cette inquiétude, c’est celui de la semaine de 40 heures.

Vous redoutez des charges directes ou indirectes pesant sur le Trésor ; vous redoutez les charges qui pèseront sur l’ensemble de l’économie nationale ; vous redoutez même, si j’ai bien compris, quelque chose de plus : que cette législation sociale ne nous entraîne dans je ne sais quel cycle infernal comme jadis l’inflation monétaire, que l’accroissement des salaires et celui des charges de l’industrie ne déterminent une hausse des prix ; que la montée des prix n’amène à son tour un nouveau rajustement des salaires et qu’ainsi, de proche en proche, nous ne conduisions l’économie de ce pays à un désordre voisin de la catastrophe.

Je voudrais opposer à ces craintes ou à ces arguments l’opinion du Gouvernement. Comment contesterions-nous qu’un ensemble de textes comme ceux que nous apportons en ce moment au Sénat ne doive déterminer une hausse des salaires ? Non seulement c’est un fait, mais c’en est l’objet. Toute la question est de savoir dans quelle mesure la hausse des salaires détermine celle des prix et, en particulier, des prix de détail. Cette relation n’est ni uniforme, ni nécessaire, ni à tel point évidente.

Je demanderai sur ce point la permission au Sénat de m’expliquer avec un peu plus de détails, comme je l’ai fait devant ses commissions. Je serai ainsi amené à répéter ce que j’ai déjà dit devant la Chambre, mais dans la vie on n’a qu’un choix : ou se répéter ou se contredire. Et tout compte fait, en pareille matière, la répétition vaut mieux !

Tout d’abord, entre la hausse des salaires et l’accroissement des prix de revient, il n’y a pas de relation uniforme. Cela tombe sous le sens, parce que dans la production d’une denrée ou d’une marchandise quelconque, la quantité de main-d’œuvre qui est incorporée est variable, et que si vous envisagez la matière première, qui est elle-même incorporée dans ce produit, vous constatez que cette dernière est produite ou extraite avec une quantité de main-d’œuvre représentant une proportion variable de son prix.

Messieurs, je voudrais vous prier de considérer le résultat de l’expérience qui a été faite dans ce pays au cours des dernières années. Vous avez la preuve par l’exemple, que l’ensemble des opérations budgétaires ou législatives, d’une part, et, d’autre part, les opérations pratiquées dans l’industrie privée, et qui avaient amené dans ce pays une baisse à peu près générale des salaires privés et des salaires publics, ne s’étaient pas traduites par une réduction correspondante du coût de la vie ; qu’au contraire, on avait assisté, dans ce pays, à un phénomène, dont je n’ai pas à vous faire ressortir l’importance politique, et dont je ne voudrais, en ce moment, que vous signaler l’importance économique : une courbe descendante des salaires privés et publics tandis que la courbe des prix de détail, celle des indices du prix de la vie, non seulement ne descendait pas parallèlement à la courbe des salaires, mais remontait.

Ce ne sont pas les impôts qui sont en cause, car ils n’avaient pas été accrus d’une façon sensible, ni même simplement accrus, pendant la période que j’envisage. La compression portait sur tous les postes budgétaires qu’elle pouvait atteindre. Non, l’explication est tout autre. C’est que, pendant cette même période, il y avait eu réduction de l’activité générale du pays, il y avait eu diminution du volume général des transactions et des échanges, il y avait eu diminution générale de la production.

Or, il est constant — c’est un fait dont on peut contester l’importance, mais dont on ne peut contester la réalité — qu’à l’heure présente, surtout pour la grande industrie d’ailleurs, après la période de rationalisation, après les investissements considérables et constamment renouvelés qu’a exigés le perfectionnement de l’outillage ou l’élévation constante du taux de l’intérêt, avec les charges fiscales, avec les difficultés de trésorerie que presque tous les établissements industriels et commerciaux ont connues, l’élément peut-être le plus important aujourd’hui du prix de revient est le fractionnement entre la quantité d’unités produites de ces charges qui, elles, sont fixes, incompressibles, qui ne diminuent pas à mesure que la production diminue ; car quel que soit le pourcentage de la capacité de production d’une usine, elle payera sensiblement les mêmes impôts, elle aura sensiblement les mêmes frais d’administration et de gestion, elle aura sensiblement les mêmes charges de premier établissement, elle aura sensiblement les mêmes charges de trésorerie.

Cependant, si par hypothèse, un développement de l’activité générale dans ce pays permet à la production de répartir ces charges fixes entre un plus grand nombre d’unités produites, vous lui aurez donné là une ample compensation aux charges nouvelles qu’elle aura à subir du fait de l’augmentation du taux des salaires.

Et d’ailleurs, messieurs, considérez, je vous en prie, ce qui s’est passé, il y a quelques années, à l’époque de ce qu’on a appelé la prospérité. Vous aviez alors, coïncidence des salaires les plus hauts qu’on ait connus avec le plus grand développement et le plus grand bien-être de la production en général.

La situation pour l’agriculture serait-elle, par hasard, différente ? Il est tout naturel que vous envisagiez les répercussions d’ordre moral, d’ordre politique, que les grandes lois ouvrières peuvent exercer sur l’opinion paysanne. Laissez-moi vous dire, cependant, que les masses de l’opinion paysanne prennent une conscience de plus en plus grande, de plus en plus claire, de la solidarité profonde de leurs intérêts avec ceux des masses ouvrières. On l’a parfaitement compris, croyez-moi, dans ces masses paysannes, que, sans y appartenir, je connais aussi quelque peu. Laissez-moi vous dire qu’on y voit de plus en plus clairement ce fait que l’effondrement des prix des denrées agricoles, au cours des dernières années, n’a été que la conséquence et le contre-coup de la réduction de la demande, laquelle était elle-même la conséquence de la réduction des revenus de la masse des travailleurs et, par conséquent, de l’abaissement du taux général des salaires ; dans la crise agricole en France, l’abaissement des prix agricoles ne fut qu’un phénomène incident. L’agriculture a subi la crise par contre-coup, elle a subi le contre-coup de la crise industrielle qui se traduisait par la réduction de la capacité générale de consommation.

Or, messieurs, quel est précisément notre objectif, quel est l’objet auquel tend l’ensemble des lois que nous vous avons présentées et l’ensemble des mesures que nous préparons et que nous présenterons ultérieurement devant vous ?

Ces mesures tendent toutes, par la convergence de leurs résultats, à développer dans ce pays la capacité générale d’achat et de consommation ; et c’est de cet accroissement de la capacité générale d’achat et de consommation que nous attendons cet effet de stimulation, de rénovation qui donnera promptement à la production, par la réduction des prix de revient unitaires, la compensation des charges nouvelles que les lois sociales lui imposent.

Nous attendons ce résultat pour partie de ces lois elles-mêmes, car augmenter la masse des salaires, c’est augmenter la masse des revenus consommables. Nous l’attendons aussi des mesures qui sont relatives au programme de grands travaux, des mesures par lesquelles nous essayerons de procurer une stabilité à la revalorisation des produits agricoles, des mesures de détente fiscale par lesquelles nous espérons réduire la marge, infiniment trop large aujourd’hui, entre les prix de gros et les prix de détail à la consommation. Nous l’attendons de tout cet ensemble de mesures qui comprendront aussi, dans la limite où nos efforts pourront y parvenir, la réduction des taux d’intérêts très lourds qui pèsent sur l’ensemble de l’économie française. Nous espérons que lorsque ces mesures auront produit leurs effets, l’équilibre sera rétabli.

Est-ce que ce sont des espoirs si chimériques, si puérils, dénotant une telle ignorance de la matière que nous traitons ? Veuillez considérer, par exemple que lorsque M. Roosevelt a tenté aux États-Unis une expérience infiniment plus ample et plus vaste que la nôtre, l’effet de démarrage, l’effet de dégel ne s’est produit qu’à partir du moment où il est parvenu à augmenter la masse des moyens de consommation de la population américaine. Il opérait à bien des égards dans des conditions moins favorables que nous, et je vais indiquer au Sénat pourquoi : c’est d’abord à cause de la situation bancaire, puisqu’il s’est trouvé en présence d’un moratoire à peu près complet des banques, alors que tout le capital flottant de l’économie américaine était en dépôt dans les banques. Le même phénomène ne s’observe pas en France. Au contraire, nous sommes en présence d’un phénomène dont l’analogue n’existait pas en Amérique, c’est-à-dire l’existence d’une énorme thésaurisation intérieure. En Amérique, il n’y avait pas une parcelle de capital flottant qui fût thésaurisée, il était tout entier dans les banques, gelé, asservi au moratoire. Donc, à bien des égards, les circonstances étaient plus difficiles qu’en France. Dans les pays où la dévaluation a produit un résultat de démarrage économique, comment ce démarrage s’est-il produit, par quels phénomènes s’est-il traduit ? Est-ce que les premiers effets constatés ont été le reflux de l’or, l’abaissement du taux de l’intérêt, l’équilibre budgétaire ? Je ne le crois pas. Les premiers effets ont été de rénover, de raviver, même avec une sorte d’activité un peu fébrile, la consommation, la demande. C’est par la reprise de la consommation que le démarrage de l’économie s’est caractérisé.

C’est un effet du même genre que nous essayons de produire sur l’économie française. Je peux concevoir qu’on trouve cette tentative hardie, mais je ne conçois pas qu’on la trouve chimérique et éloignée de toute réalité quand, au contraire, dans notre ferme conviction, c’est en grande partie sur la réalité constatée et expérimentée qu’elle repose.

Ce qui est vrai, messieurs les sénateurs, c’est qu’il y a une période de transition qui comportera les mêmes difficultés pour les entreprises privées et pour l’État lui-même.

Pour l’État quelle sera la compensation ? Elle sera pour lui aussi la reprise de l’activité générale, car la reprise de l’activité générale, cela signifie les plus-values qui permettront enfin cet équilibre sincère, stable, réel du budget que vous poursuivez depuis des années avec de si courageux efforts.

Il faudra dans l’un et l’autre cas attendre. Pendant cette période l’État pourra aider et il faudra en effet, comme nous l’avons dit, que la nation aide l’État. Oui, il faudra que la nation s’ouvre, je le répète, un crédit suffisant à elle-même. On a parlé d’une analogie avec l’économie de guerre. La seule analogie véritable est là. C’est qu’il faut en effet que le pays prenne assez de confiance en lui-même pour se donner les moyens de lutter contre la crise comme il s’était donné les moyens de lutter contre un fléau encore infiniment plus redoutable et plus meurtrier.

Messieurs, si on ne procède pas comme nous demandons au Parlement de nous aider à le faire, que fera-t-on ? Quelle politique faudra-t-il envisager ? Est-il possible d’envisager aujourd’hui une déflation plus massive et plus sévère ? Est-il possible — je ne veux même pas dire politiquement mais matériellement — est-il possible d’arriver devant le Parlement et devant le pays en proposant d’opérer à nouveau, sur tous les salaires publics ou privés, sur tous les postes productifs du budget, des prélèvements probablement supérieurs à ceux qui ont été pratiqués il y a un an et il y a deux ans ? Non, je ne crois pas que personne puisse envisager aujourd’hui une politique semblable.

Faut-il dévaluer ? Est-ce cela que le Sénat attend de nous, alors que toute la justification des mesures si dures prises au cours des dernières années, a précisément été la défense et le salut de la monnaie ? La dévaluation, je le sais bien, c’est une réduction en valeur absolue de toutes les charges fixes, de toutes les charges incompressibles qui existent pour un État comme pour une industrie quelconque. Mais je ne crois pas que personne ici, à commencer par M. le Président de la commission des finances, envisage ce cas, en dehors d’arrangements internationaux et d’un alignement contractuel et général.

Alors, messieurs, quelle autre solution reste-t-il, que d’essayer précisément de relever les recettes ? Et quel autre moyen existe-t-il de relever les recettes que de ranimer l’économie générale ? Et pour ranimer l’économie générale, quel autre procédé pouvez-vous envisager que précisément cette sorte d’injection de sérum pratiquée dans l’économie française, pour tâcher de lui rendre la vigueur, d’abord, la santé durable ensuite ?

En tout cas, messieurs, c’est la politique que nous proposons au Sénat. Je sens très bien tout le poids des objections qui nous ont été faites. Je sens très bien, car j’ai, malgré tout, un peu réfléchi, que beaucoup de difficultés peuvent surgir et que nous aurons à les surmonter une à une. En particulier, nous devrons, pendant la période difficile, aider les petits et moyens établissements, aider les industries d’exportation, d’abord par le crédit, ensuite en leur concédant, d’accord avec le Parlement, certains arrangements ou aménagements que vous connaissez, détaxes ou autres, qui pourront leur permettre de maintenir en tous cas l’exportation actuelle.

Je fais d’ailleurs remarquer qu’il n’y a pas en France, sauf le tourisme, d’industrie uniquement exportatrice, que toutes nos industries produisent pour le marché intérieur comme pour le marché extérieur, et que si nous arrivons, par le réveil de la prospérité générale, à abaisser le prix de revient unitaire, cela vaudra pour les marchandises exportées comme pour les marchandises absorbées par la consommation nationale.

Je sais fort bien, en revanche, que tout cela sera difficile et coûtera beaucoup d’efforts. Mais, messieurs, faut-il vraiment conclure, après un débat comme celui-ci, que toute réforme sociale, que toute réforme améliorant la condition ouvrière, que toute réforme accroissant la capacité d’achat et de consommation des travailleurs, doit nécessairement produire sur la production et sur l’économie du pays des répercussions telles que le bienfait apparent se traduira en désastre ?

Faut-il en conclure qu’à l’intérieur du système actuel de la production aucune réforme de la condition ouvrière n’est possible ?

Je ne le crois pas, messieurs, et vous ne le croyez pas davantage. Déjà, des progrès ont été accomplis sans produire des répercussions et des incidences si désastreuses. Et souvent l’effroi que causaient les lois, avant qu’elles eussent été votées et appliquées, a été calmé par leurs premiers résultats, et je peux dire par leurs premiers bienfaits.

Voilà les quelques observations que je voulais me permettre de présenter au Sénat. Le Sénat, il serait presque irrévérencieux de ma part de le lui dire avec trop d’insistance, est naturellement entièrement libre. Le Sénat délibère avec une entière liberté. Mais le Sénat est en même temps une assemblée politique ; et ce n’est point, j’imagine, peser sur la liberté d’une assemblée politique que de lui signaler les considérations politiques qu’elle peut faire entrer en jeu au moment où elle aura un vote à émettre.

Je demande au Sénat de se souvenir de la situation qui existait dans ce pays il y a douze ou quinze jours. Je lui demande de considérer que le vote des projets de lois que nous lui présentons, que l’attente, que l’espoir de ce vote est à coup sûr un des éléments de l’œuvre de conciliation et de concorde que nous avons tentée et qui, vous vous en réjouissez, je le sais, comme moi, a produit déjà des effets si attendus et si heureux.

Je demande au Sénat de considérer cela. Dans l’accord qui a été signé l’autre nuit, à la Présidence du Conseil, et qui est maintenant connu sous le nom d’accord Matignon, une des clauses prévoit l’application loyale, sincère, par le patronat français des lois que vous discutez. Je ne veux pas forcer la pensée des délégués des organisations patronales avec qui j’ai négocié ce jour-là pendant toutes les heures de l’après-midi et une partie des heures de la nuit ; je ne veux pas leur faire dire ce qu’ils n’ont pas dit ; je ne veux pas dire que tout d’un coup, touchés par la grâce, ils sont devenus les partisans ou les zélateurs de réformes qui jusqu’alors n’avaient pas toujours eu leur approbation. Mais, dans cet accord, dans cette première convention collective qui appliquait d’avance une des lois que nous vous proposons, pourquoi ont-ils jugé utile et opportun de dire que le patronat français exécuterait en toute franchise et en toute impartialité les lois dont on savait que le Parlement allait être saisi ? C’est qu’ils avaient ce sentiment que l’espoir du vote de ces lois était un des éléments de la conciliation possible.

Je me permets, sans insister davantage, de recommander une considération si grave à l’attention du Sénat et je veux lui dire aussi — je peux le faire sans trop de présomption, je crois — qu’en votant ces lois comme nous le lui demandons, il aura donné son concours précieux à une œuvre qui, malgré tout, ne manque pas d’une certaine grandeur.

On a parlé tout à l’heure de l’économie hitlérienne et je me suis entendu comparer à M. Hitler. Je sais qu’on se connaît toujours bien peu soi-même ; mais j’avoue que je ne m’attendais pas à cette comparaison. La vérité, c’est qu’au contraire l’ensemble des projets de loi dont nous avons saisi le Parlement est un témoignage, et un témoignage précieux, qui portera son fruit en faveur des institutions démocratiques. Ces projets de loi montrent, en effet, quel est l’ensemble de progrès que l’on peut réaliser à l’intérieur des institutions démocratiques, et dans un esprit démocratique, puisqu’ils reposent essentiellement sur l’accord, sur la convention, sur le contrat librement débattu entre les organisations représentatives ou du patronat ou de la classe ouvrière, puisque, dans la mesure où ils impliquent une intervention ou plutôt un arbitrage de l’État, c’est l’arbitrage d’un État libre, c’est l’arbitrage du Gouvernement responsable devant des Assemblées élues, devant un Parlement représentant la souveraineté populaire. Voilà ce que sont ces lois qu’on a qualifiées d’autocratiques et d’hitlériennes.

Le Sénat ne peut pas non plus être insensible à une telle considération. Nous avons présenté ces textes au Parlement. Nous avons eu la bonne fortune de voir voter la plupart d’entre eux par la Chambre, avec une majorité bien voisine de l’unanimité. Nous avons obtenu le concours de la Chambre. Je demande au Sénat de ne pas refuser le sien au Gouvernement.