L’Habitation Saint-Ybars/XI

La bibliothèque libre.
Imprimerie Franco-Américaine (p. 63).

CHAPITRE XI

Mr. le Duc de Lauzun



Au déjeuner Pélasge fit connaissance avec une nouvelle figure. Un jeune quarteron, mis avec recherche et coiffé comme M. Héhé, servait Saint-Ybars et ne servait que lui. Il avait l’air dégagé et impertinent ; on eût dit qu’il servait le maître de la maison par pure complaisance. Dès son bas âge il s’était montré d’un caractère si effronté que Vieumaite l’avait surnommé M. le duc de Lauzun. Ce nom lui resta, et il en était fier ; de ce qu’il portait le nom du célèbre courtisan, il se croyait aussi important que lui. Dans son enfance Saint-Ybars l’avait gâté à l’égal de ses propres fils, et maintenant encore il avait pour lui un faible que Mlle Pulchérie qualifiait de déplorable. Tout esclave qu’était M. le duc de Lauzun, il avait sa chambre à part, sa petite bibliothèque, son fusil, et qui le croirait ? son esclave, ou du moins son domestique. Un jeune nègre, nommé Windsor, qui, sous un air de gros bêta, cachait un esprit de courtisan, s’était constitué le valet de M. le duc de Lauzun ; il le suivait pas à pas, et profitait par contrecoup des faveurs dont M. le duc était comblé par le maître de la maison.

Les privilèges dont jouissait M. de Lauzun venaient de ce que (nous nous servons de la locution usitée en pareil cas), il était pour le fils aîné de Saint-Ybars ; ce qui veut dire en français de France, que cet insolent petit polisson était l’enfant d’une esclave et du fils aîné de la famille.

La première impression produite par M. de Lauzun sur le nouveau professeur de Démon, ne fut pas flatteuse pour son Excellence ; Pélasge lui trouva le regard faux etméchant.