L’Histoire de Merlin l’enchanteur/42

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Librairie Plon (1p. 143-145).


XLII


Le sixième jour, il se mit en route pour la Carmélide en compagnie des rois Ban et Bohor et de toute sa maison. Il trouva Léodagan qui venait à sa rencontre, et les quatre rois firent ensemble leur entrée à Carohaise, dont les rues étaient tout tendues de riches étoffes et jonchées d’herbe menue. Puis ils allèrent dans la salle du palais où Guenièvre les attendait, qui courut au-devant du roi Artus, les bras tendus, et le baisa sur la bouche devant tous, en lui souhaitant la bienvenue. Après quoi l’on alla souper et le mariage fut fixé à une semaine de là.

Le jour venu, toute la cour se réunit dans la salle semée de joncs, d’herbe verte et de fleurs qui avaient une très douce odeur. Le soleil rayonnait à travers les verrières quand Guenièvre fit son entrée, conduite par les rois Ban et Bohor. Et le conte dit qu’elle était la plus belle femme et la mieux aimée qui fût jamais, hors Hélène sans pair, la femme de Persidès le roux du château de Gaswilte, et la fille du roi Pellès le riche Pêcheur, qui garda le Graal jusqu’au temps où Galaad fut engendré. Elle avait le visage découvert, sur la tête un cercle d’or dont les pierreries valaient un bon royaume, et une robe d’or battu, si longue qu’elle traînait à plus d’une demi-toise. Marchant deux à deux et se tenant par la main, les fiancés, les rois et leurs maisons, accompagnés des barons du royaume de Carmélide, des nobles dames du pays et des bourgeois, se rendirent à l’église où le mariage fut béni par le chapelain Amustant, et où l’archevêque de Brice chanta la messe. On revint au palais, et là, après avoir entendu force ménétriers, on s’assit au manger qui fut digne des noces d’un roi. Après le repas, les chevaliers allèrent s’escrimer à la quintaine et tournoyer dans la prairie. Ensuite on remit les tables ; puis les convives se divertirent et enjouèrent ainsi que droit était ; enfin on fut à vêpres ; et, le lit du roi bénit, chacun retourna en son hôtel pour dormir.

Guenièvre fut couchée par trois demoiselles qui aidèrent Artus à se dévêtir à son tour. Après quoi elles sortirent ; et il ne demeura plus dans la chambre que le roi et la reine qui s’entr’aimaient fort et ne finirent de se le prouver qu’au matin, qu’ils s’endormirent bouche à bouche et bras à bras.