L’Homme qui rit (éd. 1907)/Notes-II

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Texte établi par Gustave SimonLibrairie Ollendorff ([volume 9] [Section A.] Roman, tome VIII.p. 569-575).
NOTES DE CETTE ÉDITION

LE MANUSCRIT

de

L’HOMME QUI RIT


Victor Hugo avait fait relier le manuscrit de l’Homme qui Rit en 1869, à Guernesey. Le titre est, comme tous les titres de ses manuscrits, inscrit au dos et sur le plat de la reliure en grosses lettres rouges encadrées d’un filet noir.

Le manuscrit comprend 601 feuillets de papier bleu foncé. La pagination est double : en chiffres et en lettres. La pagination en chiffres commence à partir du titre, la pagination en lettres seulement à partir du premier chapitre préliminaire de A1 jusqu’à Z1 ; il y a ainsi vingt-trois séries de lettres alphabétiques, et la série A23 se termine à la lettre R23.

L’écriture, large et couchée, est régulière ; elle est peut-être plus appuyée à la fin du manuscrit. La préface, datée de quelques mois avant la publication, est d’une écriture plus droite.

Le texte n’est écrit qu’au recto et sur la moitié du feuillet, Victor Hugo se réservant l’autre moitié pour les ajoutés qui remplissent souvent toute cette marge ; dans ce cas l’écriture est plus serrée, plus menue, selon l’importance de l’ajouté.

Lors de la révision, des feuillets entiers ont été écrits ; on le constate en lisant au début d’une page la fin d’une phrase commencée cinq ou six feuillets avant. Ces modifications se renouvelant très souvent, nous n’avons mentionné que les plus importantes.

Plusieurs divisions ont été établies à la révision ; les chapitres ont été souvent coupés en deux, et, la place nécessaire au titre du chapitre manquant, Victor Hugo a dû écrire ce titre entre deux lignes du texte.

Les titres, annotations, remarques sur la vie privée, sont écrits à l’encre rouge. Nous les reproduisons, ainsi que les dates d’interruption et de reprise de travail.

Feuillet 4. — Au bas du titre du premier livre, cette note :

Voir à la nomenclature des biens et châteaux des pairs s’il n’y aurait pas lieu de mettre à chacun ses noms et prénoms avec fidélité absolue en dates, etc.

Sous cette proposition, Victor Hugo a écrit plus tard, à l’encre rouge, ce mot : Oui.

En tête du feuillet suivant, cette précieuse indication :

Commencé à Bruxelles, 4, place des Barricades, le 21 juillet 1866, jour de ma fête.

Feuillet 26. — En marge est collé un fragment d’article, sorte d’annexe justificative au chapitre : Les Comprachicos :

Jamais les crimes n’ont été plus fréquents dans la capitale et les attentats contre les personnes ont pris le caractère le plus effrayant. Pékin est, en ce moment, exploité par une bande de malfaiteurs qui enlèvent les enfants et les jeunes femmes.

Les Chinois racontent que les bandits, pour opérer plus facilement ces rapts, se servent d’une poudre stupéfiante à l’aide de laquelle ils endorment leurs victimes. Ils les transportent ensuite hors des murs de Pékin, dans des repaires inconnus, et les mettent à mort s’ils ne peuvent obtenir des familles de fortes rançons.

(Indépendance belge, 3 septembre 1866.)

Feuillet 31. — Plusieurs titres semblent indiquer que les deux chapitres préliminaires : Ursus. — Les Comprachicos, n’ont été écrits qu’après le livre entier. Voici en effet l’ordre primitif :

première partie
L’enfant.
La gourde d’osier.
troisième partie : l’homme p. (pendu).

Au-dessus de ces quatre lignes biffées, Victor Hugo a écrit le titre du livre :

première partie
la mer et la nuit

Au-dessous des ratures se trouvent les titres définitifs du livre.

Feuillet 34. — Indication d’une source :

Voir, à propos de l’Ourque de l’Armada, les Lauriers de Nassau. Peut-étre cités en note les principaux tonnages

Feuillet 43. — Au commencement du chapitre : Solitude, en marge, ce passage biffé, qui, en révélant trop tôt la mutilation de l’enfant, escomptait l’effet du dernier chapitre chez Ursus : Le réveil :

Quelques minutes s’écoulèrent : Tout à coup une voix claire et forte, très distincte, quoiqu’un peu lointaine, et qui paraissait venir du fond de la mer, cria pardessus les rochers :

— Tu as la bouche fendue, le nez écrasé et les membres tordus. Voilà de quoi vivre. Va ! — Puis le silence se refit, profond.

À qui s’adressaient ces paroles ? Était-ce à l’enfant ?

On ne voyait pas son visage, à cause du soir, et de ses cheveux très épais poussés par le vent sur son front. Ce qui est certain, c’est que, dans cette obscurité, il n’offrait rien de difforme ou d’infirme. Il était droit et bien fait, et avait l’air robuste. A ce cri jeté par cette voix, il n’eut pas un tressaillement, il ne fit pas un mouvement, il n’essaya aucune réponse. Il resta comme s’il n’avait pas entendu.

Dans le cercle qui entoure ces lignes on lit ces mots : À retrancher.

On a remarqué, dans le Reliquat, l’aveu d’Hardquanonne, qui se rapporte à ce passage inédit.

Feuillet 49. — Passage biffé :

L’industrie étrange des comprachicos, que nous aurons probablement occasion d’expliquer plus tard, s’exerçait particulièrement sur l’enfance.

L’incidente de cette phrase biffée vient à l’appui de la remarque faite à propos du feuillet 31.

Feuillet 51. — Le chapitre : L’arbre d’invention humaine, avait pour titre primitif : Rencontre. Au-dessus du titre, et recouverte par le chiffre v du chapitre, était dessinée une potence.

Feuillet 56. — Après la description du pendu, en regard de l’alinéa : Comme tous les nouveaux venus dans la vie… cette remarque, entourée d’un trait à l’encre ;

J’écris ceci le 11 août, au moment même où, à Jersey, on pend un homme, Bradley, pour lequel j’ai vainement écrit[1].

Feuillet 70. — En marge, ce croquis sommaire représentant un des corbeaux décrits dans le chapitre : Bataille entre la mort et la nuit

Feuillet 88. — Comme exemple des divisions établies à la revision, on peut prendre les chapitres suivants : Hardquanonne, Ils se croient aidés, et Horreur sacrée, qui ne formaient qu’un seul chapitre.

Feuillet 93. — En marge et en regard du titre du chapitre : Nix et Nox, cette date : 4 septembre. Le cinquième paragraphe du chapitre : Douceur subite de l’Énigme (voir page 110), a été ajouté sur les épreuves et n’existe pas dans le manuscrit.

Feuillet 135. — Au bas du feuillet, après le chapitre : Effet de neige, cette remarque :

7 octobre. Je pars aujourd’hui de Bruxelles pour Guernesey. J’interromps pour continuer à Hauteville-home, Deo volente.

Au feuillet suivant, en tête du chapitre : Toute voie douloureuse se complique d’un fardeau, on lit :

Repris le 6 novembre, à Hauteville-home, le travail interrompu à Bruxelles, le 7 octobre.

Feuillet 158. — Au bas du feuillet terminant la première partie, cette note :

Fini le 24 novembre. Interrompu ce travail. Je vais écrire la préface du livre : Paris.

Au feuillet suivant, qui contient les titres du livre deuxième, cette indication : neuf livres.

Feuillet 162. — Repris le 1er  mai 1867. Ces mots sont placés avant le chapitre : Lord Clancharlie.

Feuillet 164. — Au bas de la page l’écriture change à partir des mots : La vraie vertu, c’est d’être raisonnable. Tout le développement du portrait de lord Clancharlie, dont Victor Hugo n’avait pas eu de peine à trouver le modèle, est un ajouté, et a nécessité, au feuillet suivant, la coupure de la division.

Feuillet 170. — Toujours au même chapitre, après les derniers mots de la troisième division, viennent, en marge, ces quelques lignes entourées à l’encre rouge :

Et puis, non seulement c’était un ambitieux, mais c’était un avare, etc. ; les accusations ordinaires. Clancharlie avait cet endurcissement d’en être peu ému.

Feuillet 185. — Sur ce feuillet, un portrait d’Eugène Devéria, au bas duquel Victor Hugo a écrit :

Les dessins quelconques qui sont dans mes manuscrits sont tous de moi. Celui-ci, par exception unique, n’en est pas. C’est le portrait d’Eugène Deréria, fait par lui-même, et en 1824. Il l’avait donné à mon frère Abel, duquel je le tiens.

V.H.


Feuillet 216. — Le chapitre : Flamboiements qu’on verrait si l’homme était transparent, a pour variante de titre : Les vésuves flamboient au dedans avant d’éclater au dehors

Feuillet 220. — Tel sophifl, admiré des niais, n’a pas d’autre gloire que d’avoir fait « des bleus » à la conscience humaine. En regard de ce paragraphe public, ces mots à l’encre rouge : Ainsi M. Proudhon.

Feuillet 237. — À droite du feuillet commençant le livre deuxième : Gwynplaine et Dea, la date : 2 mai 1867.

Feuillet 241. — Au chapitre Dea, après ces mots : Si la misère humaine pouvait être résumée, elle l’eût été par Gwynplaine et Dea, viennent ces lignes, entourées d’un filet à l’encre rouge et non publiées :

Le bonheur a un possible très varié, mais de quelque façon qu’on examinât ce possible, il était difficile de ne pas reconnaître qu’ils en étaient exclus, Dea par sa cécité, Gwynplaine par son stigmate. Leurs deux désastres étaient irrévocables.

Feuillet 249. — Note en marge :

28 mai. J’ai écrit ce matin la lettre pour les condamnés à mort d’lrlande[2]

Feuillet 260. — Avant le chapitre : Non seulement le bonheur, mais la prospérité, la date : 1er  juin.

Feuillet 265. — Le chapitre : Extravagances que les gens sans goût appellent poésie, avait pour titre primitif : Ursus philosophe et Ursus poëte.

Feuillet 283. — Variante du livre troisième : Fêlure au paradis.

Feuillet 285. — Dans un coin, en marge, cette note :

17 juin. La reprise d’Hernani est annoncée pour aujourd’hui. Elle n’aura lieu que le 20.

Feuillet 297 :

21 juin. On reprend ce soir Hernani. J’ai passé ma matinée à écrire une lettre à Juarez pour Maximilien[3].

Au feuillet suivant, deux télégrammes reliés avec le manuscrit donnent des nouvelles de la reprise :

Succès sans précédent. Acteurs deux fois rappelés après 5me acte. Enthousiasme ardent pour auteur.

Alfred Krabbé.

Succès immense. Félicitations d’un ami.

Allix.

Plus bas cette constatation, de la main de Victor Hugo : Hernani a réussi.

Feuillet 302. — En marge : La nouvelle arrive que Maximilien a été fusillé.

Feuillet 308. — En haut de ce feuillet, la note suivante :

À intercaler entre : l’ivrognerie dans la taverne, et l’inn Tadcasler était de plus en plus

Cette intercalation comprend tout le chapitre : La souris interrogée par les chats. Voici peut-être ce qui a motivé cet ajouté considérable : un fragment de journal, relié avec le manuscrit, relate une condamnation bizarre pour infraction aux rites anglicans. Victor Hugo, sur ce fragment même, a écrit :

1868. Comme quoi on peut être condamné à l’amende pour avoir allumé des chandelles sur une table.

Gazette de Guemesey. 2 janvier 1869.

Puis il a mentionné le fait dans le premier paragraphe du chapitre intercalé. (Voir page 290.)

Feuillet 321. — Le chapitre : Symptômes d’empoisonnement, avait pour premier titre : Malesuada caro. Trois feuillets plus loin, cette mention : Interrompu le 10 juillet 1867. Au feuillet suivant : Repris le 4 décembre 1867.

Feuillet 326. — En face du paragraphe commençant par : Il y a deux façons d’être inaccessible, cette note :

La nouvelle m’arrive que Ruy Blas vient d’être interdit.

Feuillet 327. — Au bas et en marge, une épreuve de journal paginée 328 ; c’est une note relative à l’interdiction de Ruy Blas ; le journal donne la lettre écrite par Chilly, directeur de l’Odéon, à Victor Hugo, et l’informant de l’interdiction. Suit la réponse de Victor Hugo à M. Louis Bonaparte, publiée dans Actes et Paroles.

Feuillet 368. — En marge, le croquis, au crayon, de la Cave pénale, avec les indications données dans le récit ; puis plus bas, toujours au crayon, ces lignes inédites :

La geôle de S. (Southwark) a été démolie. Démolir ces édifices, cela s’appelle embellir les villes. Supprimer l’histoire, quel embellissement !

Feuillet 381. — Avant le chapitre : Solidité des choses fragiles, cette date : 14 février 1868.

Feuillet 398. — À ce feuillet commençait le chapitre : Ce qui erre ne se trompe pas. Dans cette version primitive, bien des détails sur les manœuvres de Barkilphedro pour arriver à son but, les conseils pris par la reine, le rapport du lord chancelier n’existaient pas. Auguste Vacquerie, en lisant au fur à mesure les placards qu’il corrigeait, avait, dans une lettre, appelé l’attention de Victor Hugo sur la nécessité de certains éclaircissements. La reine connaissait-elle la difformité de Gwynplaine ? n’hésitera-t-elle pas avant d’introduire un pair d’Angleterre ridicule à la Chambre des lords ? Ces remarques nous valurent les développements compris dans les feuillets 393, 394, 395, 396 et 397, reliés à l’ancien début, devenu le feuillet 398 ; il a suffi, pour établir l’enchaînement, de biffer les cinq premières lignes.

Feuillet 419 :

16 avril. Mon doux petit Georges[4] est mort avant-hier 14 avril 1868. Je reçois la nouvelle aujourd’hui. Reviens, doux ange.

Feuillet 441. — En marge du chapitre IVe : Mœnibus surdis campana muta, la date : 1er  mai 1868.

Feuillet 488. — Le début du livre : Le Capitole et son voisinage, est daté : 30 mai 1868.

Feuillet 501. — Le chapitre : Impartialité, avait pour variante de titre ; États service de l’aristocratie.

Feuillet 545. — Avant de commencer le chapitre : Serait bon frère s’il n’était bon fils, Victor Hugo a note cette remarque :

29 juin 1868. J’ai vu hier soir à huit heures et demie, cinq minutes après le coucher du soleil, à l’occident, une grande lueur droite et debout sur l’horion, qui m’a paru être une comète se couchant Si c’est une comète, elle est inattendue. La lueur, que le crépuscule n’éteignait pas, et, au contraire, avivait, sous-tendait un arc d’environ trois degrés.

Feuillet 551. — Le livre : En ruine, est date en tête : 3 juillet.

Feuillet 573. — À la fin du chapitre : Résidu, cette note :

J’interromps ici le travail, aujourd’hui 21 juillet, afin de préparer mon départ pour Bruxelles. Il y a deux ans, à pareil jour, j’ai commencé à écrire ce livre. C’était le jour de ma fête. Il n’y a pas de fête pour moi cette année. Ma fête, ce sera le retour de mon Georges.

21 juillet 1868.

Feuillet 575. — Avant de commencer la conclusion :

Repris à Bruxelles, 4, plate des Barricades, le 1er  août.

Feuillet 588. — En marge de la chanson espagnole, appel de Dea à Gwynplaine, cette note :

16 août 1868. Aujourd’hui, comme je venais d’écrire cet appel à un absent, petit Georges est revenu. À quatre heures cinq minutes de l’après-midi, Alice l’a remis au monde.

Bruxelles.

Feuillet 601. — Au bas de ce dernier feuillet, après le mot : fin, cette note :

Terminé le 23 août 1868, à dix heures et demie du matin. Bruxelles, 4, place des Barricades.

Ce livre, dont la plus grande partie a été écrite à Guernesey, a été commencé à Bruxelles le 21 juillet 1866, et fini à Bruxelles, le 23 août 1868.

  1. Lettre publiée dans Actes et Paroles.
  2. Lettre publiée dans Actes et Paroles.
  3. Idem.
  4. Premier petit-fils de Victor Hugo.