L’Idylle vénitienne/Addio !

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Georges Crès et Cie, Éditeurs (p. 114-117).


XXIII

ADDIO !


Le dernier verre de lacryma-christi, le dernier plumcake, le dernier beau rêve, sur la terrasse du Lido désert… La dernière promenade, par les rios jonchés de feuilles mortes… Le dernier « bonjour » aux anges du Bellin, à la Famiglia du Giorgione, au Saint-Georges de Carpaccio… Et, dans le hall de l’hôtel, derrière le paravent, à travers le corsage ténu, mes derniers baisers sur tes seins !


* *

Il faut partir… Voici l’heure ! La barque est là.

Ton mari a pris le vaporetto, pour arriver plus tôt à la gare, et, le wagon choisi, les places marquées, doit s’impatienter, devant le train, à t’attendre.


Allons… en route ! Je t’accompagne jusqu’au pont des Scalzi… Tant pis si le gondolier entend nos sanglots !


Ta main ! Ta tête, contre la mienne ! Et, vite, tous les mots que tu penses !… Parle ! Parle !… Vite, vite, des mots câlins, des mots brisés, des mots comme de petits morceaux d’âme !


* *

Mais oui, mais oui, on s’écrira ! On l’a juré…


T’oublier, moi… t’oublier ?

Ton souvenir est, à jamais, dans mon cœur, dans le palazzino de nos rendez-vous, dans chaque pierre de la ville…


Tout, ce soir, te salue ou te pleure… Vois mes yeux ! Écoute la brise ! Et regarde… regarde… Le ciel est plein de mouettes !

Pour te dire adieu, lui aussi, il te fait signe avec des mouchoirs blancs !