L’Idylle vénitienne/Anch’ io son’ pittore

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Georges Crès et Cie, Éditeurs (p. 30-32).


XI

ANCH’ IO SON’ PITTORE


Ni hier, ni à présent, ni demain… ? Alors, vous serez, toujours, la Très Sage ?… Alors, je ne saurai jamais, de votre corps charmant, que ce que la brise du Lido m’en apprend, par hasard, quand elle plaque, sur vos jambes fines, votre jupe légère ?

Il a bien fallu, cependant, qu’Apelle vît Phryné, sur le rivage d’Éleusis, vêtue de son seul sourire ; et Tiziano, Eleonora della Rovere, sans chemise, au sortir du bain… pour que les siècles aient pu s’agenouiller devant l’Anadyomène et devant la Venere d’Urbino !


Moi aussi, sur cette page, avec de jolis mots tremblants, je peindrais, si vous le permettiez, les merveilles que votre robe me cache, et, peut-être, un jour, quand nous serons morts, quelque poète, achetant mon livre, pour quatre sous, sur les quais de Paris, sentirait ses mains tressaillir, en lisant combien vous étiez belle, — plus belle que ces Vénus illustres, — toute rougissante, toute peureuse, toute nue, dans mon fauteuil de damas bleu, ô Vénus du Palazzino !