L’Illusion/Rébellion
RÉBELLION
Si tu ne voulais pas, Seigneur, en le créant,
Que l’homme se plaignît de ton œuvre imparfaite,
Il fallait pour toujours le laisser au néant,
Ou, comme aux animaux, lui mieux courber la tête.
De peur d’une révolte il te fallait garder
De mettre en notre esprit des rêves trop sublimes,
Et ne nous pas donner des yeux pour regarder
Trop avant quelquefois au fond de tes abîmes.
Mais tu nous fis ainsi : ne t’étonne donc pas
Qu’aimant et que pensant nous soyons des rebelles,
Et trouvions des laideurs aux choses d’ici-bas,
Que tes mains aisément pouvaient créer plus belles !
Ne pouvais-tu finir ce monde ou le briser ?
Ne prévoyais-tu pas qu’il deviendrait infâme ?
Ton chaos dure encor : pourquoi te reposer ?
La vieillesse et l’ennui seraient-ils dans ton âme ?
Tout affamé d’amour, de justice et de bien,
Je me dois étonner qu’un idéal se lève
Plus grand dans ma pensée et plus pur que le tien !
— Oh ! pourquoi m’as-tu fait le juge de ton rêve ?