L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre premier/01

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Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 33-35).


CHAPITRE PREMIER.

QU’IL FAUT IMITER JÉSUS-CHRIST, ET MÉPRISER TOUTES LES VANITÉS DU MONDE.

1. Celui qui me suit, ne marche point dans les ténèbres, dit le Seigneur[1]. Ce sont les paroles de Jésus-Christ, par lesquelles il nous exhorte à imiter sa conduite et sa vie, si nous voulons être vraiment éclairés et délivrés de tout aveuglement du coeur.

Que notre principale étude soit donc de méditer la vie de Jésus-Christ.

2. La doctrine de Jésus-Christ surpasse toute doctrine des Saints ; et qui posséderait son esprit, y trouverait la manne cachée.

Mais il arrive que plusieurs, à force d’entendre l’Évangile, n’en sont que peu touchés, parce qu’ils n’ont point l’esprit de Jésus-Christ.

Voulez-vous comprendre parfaitement et goûter les paroles de Jésus-Christ ? appliquez-vous à conformer toute votre vie à la sienne.

3. Que vous sert de raisonner profondément sur la Trinité, si vous n’êtes pas humble, et que par là vous déplaisiez à la Trinité ?

Certes, les discours sublimes ne font pas l’homme juste et saint ; mais une vie pure rend cher à Dieu.

J’aime mieux sentir la componction que d’en savoir la définition.

Quand vous sauriez toute la Bible et toutes les sentences des philosophes, que vous servirait tout cela, sans la grâce et la charité ?

Vanité des vanités, tout n’est que vanité[2], hors aimer Dieu,et le servir lui seul.

La souveraine sagesse est de tendre au royaume du Ciel par le mépris du monde.

4. Vanité donc, d’amasser des richesses périssables, et d’espérer en elles.

Vanité, d’aspirer aux honneurs, et de s’élever à ce qu’il y a de plus haut.

Vanité, de suivre les désirs de la chair, et de rechercher ce dont il faudra bientôt être rigoureusement puni.

Vanité, de souhaiter une longue vie, et de ne pas se soucier de bien vivre.

Vanité, de ne penser qu’à la vie présente, et de ne pas prévoir ce qui la suivra.

Vanité, de s’attacher à ce qui passe si vite, et de ne pas se hâter vers la joie qui ne finit point.

5. Rappelez-vous souvent cette parole du Sage : L’œil n’est pas rassasié de ce qu’il voit, ni l’oreille remplie de ce qu’elle entend[3].

Appliquez-vous donc à détacher votre cœur de l’amour des choses visibles, pour le porter tout entier vers les invisibles.

Car ceux qui suivent l’attrait de leurs sens souillent leur âme et perdent la grâce de Dieu.

RÉFLEXION.

Nous n’avons ici-bas qu’un intérêt, celui de notre salut[4], et nul ne peut être sauvé qu’en Jésus-Christ et par Jésus-Christ[5] ; la foi en sa parole, l’obéissance à ses commandements, l’imitation de ses vertus, voilà la vie, il n’y en a point d’autre : tout le reste est vanité, et j’ai vu, dit le Sage, que l’homme n’a rien de plus de tous les travaux dont il se consume sous le soleil[6] : richesses, plaisirs, grandeurs, qu’est-ce que cela, lorsqu’on jette le corps dans la fosse, et que l’âme s’en va dans son éternité ? Pensez-y dès aujourd’hui, dès ce moment même, car demain, peut-être, il ne sera plus temps. Travaillez pendant que le jour luit : hâtez-vous d’amasser un trésor qui ne périsse point[7] : la nuit vient où l’on ne peut rien faire[8]. De stériles désirs ne vous sauveront pas ; ce sont des œuvres que Dieu veut. Or donc, imitez Jésus, si vous voulez vivre éternellement avec Jésus.

  1. Joan. viii, 12.
  2. Eccle. i, 2.
  3. Eccle. i, 8.
  4. Luc. x, 42.
  5. Act. iv, 12.
  6. Eccle. i, 3.
  7. Matth. vi, 20.
  8. Joan, ix, 4.