L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre premier/06

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Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 43-44).


CHAPITRE VI.

DES AFFECTIONS DÉRÉGLÉES.

1. Dès que l’homme commence à désirer quelque chose désordonnément, aussitôt il devient inquiet en lui même.

Le superbe et l’avare n’ont jamais de repos ; mais le pauvre et l’humble d’esprit vivent dans l’abondance de la paix.

L’homme qui n’est pas encore parfaitement mort à lui-même est bien vite tenté ; et il succombe dans les plus petites choses.

Celui dont l’esprit est encore infirme, appesanti par la la chair et incliné vers les choses sensibles, a grand peine à se détacher entièrement des désirs terrestres.

C’est pourquoi lorsqu’il se refuse à les satisfaire, souvent il éprouve de la tristesse ; et il est disposé à l’impatience, quand on lui résiste.

2. Que s’il a obtenu ce qu’il convoitait, aussitôt le remords de la conscience pèse sur lui, parce qu’il a suivi sa passion, qui ne sert de rien pour la paix qu’il cherchait.

C’est en résistant aux passions, et non en leur cédant, qu’on trouve la véritable paix du cœur.

Point de paix donc dans le cœur de l’homme charnel, de l’homme livré aux choses extérieures : la paix est le partage de l’homme fervent et spirituel.

RÉFLEXION.

Un joug pesant accable les enfants d’Adam[1], fatigués sans relâche par les convoitises de la nature corrompue. Succombent-ils la tristesse, le trouble, l’amertume, le remords, s’emparent aussitôt de leur âme. « Superbe encore au fond de l’ignominie, inquiet et las de moi-même, dit saint Augustin en racontant les désordres de sa jeunesse, je m’en allais loin de vous, ô mon Dieu ! à travers des voies toutes semées de stériles douleurs[2]. » Il en coûte plus à l’homme de céder à ses penchants que de les vaincre ; et si le combat contre les passions est dur, une paix ineffable en est le fruit. Appelons le Seigneur à notre aide dans ce saint combat ; n’en craignons point le travail, il sera court : aujourd’hui, demain ; et puis le repos éternel !

  1. Eccli. xl, 1.
  2. Conf. lib. ii, cap. x, 1.