L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre troisième/41

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Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 220-221).


CHAPITRE XLI.

DU MÉPRIS DE TOUS LES HONNEURS DU TEMPS.

1. J.-C. Mon fils, n’enviez point les autres, si vous les voyez honorés et élevés, tandis qu’on vous méprise et qu’on vous humilie.

Élevez votre cœur au ciel vers moi, et vous ne vous affligerez point d’être méprisé des hommes sur la terre.

2. Le F. Seigneur, nous sommes aveugles, et la vanité nous séduit bien vite.

Si je me considère attentivement, je reconnais qu’aucune créature ne m’a jamais fait d’injustice, et qu’ainsi je n’ai nul sujet de me plaindre de vous.

Après vous avoir tant offensé, et si grièvement, il est juste que toute créature s’arme contre moi.

La honte et le mépris, voilà donc ce qui m’est dû ; et à vous la louange, l’honneur et la gloire.

Et si je me dispose à souffrir avec joie, à désirer même d’être méprisé, abandonné de toutes les créatures et compté pour rien, je ne puis ni posséder au dedans de moi une paix solide, ni recevoir la lumière spirituelle, ni être uni parfaitement à vous.

RÉFLEXION.

Celui qui s’examine devant Dieu, à la lumière de la vérité, se méprise souverainement, parce qu’il ne trouve en soi, sans la grâce, qu’un fonds immense de corruption : et dès lors, loin de rechercher l’estime, les respects, les honneurs, il réfugie dans son abjection comme dans le seul asile contre l’orgueil, la plus grande de ses mi sères. Si on l’abaisse, si on le dédaigne, il ne se plaint ni ne s’irrite ; il reconnaît qu’on lui fait justice, et l’on ne s’aurait tant l’humilier, qu’il ne s’humilie encore davantage intérieurement : car, en tout, c’est Dieu qu’il regarde, et non pas les hommes. Il dit comme Job : Si je veux me justifier, ma bouche me condamnera ; et si elle entreprend de montrer mon innocence, elle ne prouvera que mon crime[1]. Puis dans l’amertume de son cœur, appelant la miséricorde, il invoque le Père céleste qui a pitié de sa pauvre créature. J’ai péché : que ferai-je, ô Sauveur des hommes ? Pourquoi avez-vous mis la guerre entre vous et moi, et suis-je devenu à charge à moi-même ? Pourquoi n’ôtez-vous pas mon péché, et n’effacez-vous pas mon iniquité ? Voilà que je dormirai dans la poussière, et quand vous me chercherez le matin je ne serai plus[2]. Heureux celui qui s’accuse, car il obtiendra le pardon ! heureux celui qui choisit la dernière place, car on lui dira : Montez plus haut ! [3]

  1. Job ix, 20.
  2. Job vii, 20, 21.
  3. Luc. xiv, 10.