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L’Inde après le Bouddha/Livre 1/Chapitre 3

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CHAPITRE III
LES ÉCRITURES BOUDDHIQUES

Suttra-Pittagat ou Darma ou Morale générale.

Les discours ou prédications de Bouddha répétées par Ananda sont reproduits dans le Suttra Pîttaga, la collection des Suttras. Il faut distinguer les Suttras en simples-et développés[1].

Les premiers sont les seuls qu’on puisse considérer comme émanant d’Ananda et du premier concile. Par la forme plus compliquée de versifications, de répétitions, de locutions étrangères au sanscrit et préambules ; — par leur étendue exagérée et leur contenu même — il est démontré que les Suttras développés sont de beaucoup postérieurs. Ils renferment infiniment plus de merveilleux et de développemens dogmatiques et métaphysiques produits évidents d’un travail intérieur du Bouddhisme et enfin des prédictions de faits historiques postérieurs au moins aux deux premiers conciles. On y sent infiniment moins l’empreinte du milieu ambiant du Bouddha. On n’y voit plus personne se convertir, tout le monde croit.

Dans les Suttras simples la scène est l’Inde, les acteurs sont des hommes ou des divinités favorables au Bouddhisme ; il n’y a de surnaturel que l’intervention assez rare de ces divinités et la faculté de faire des miracles attribuée à Gautama et aux Arhats ses premiers disciples ; la magie en est absolument absente.

Au contraire les Suttras développés renferment tout ce qu’on peut imaginer d’immense dans le temps et dans l’espace, et, comme les Indiens conçoivent une infinité d’univers, ils augmentent à l’infini le nombre des Bouddhas et des Bodhisattvas qui coexistent dans le même temps. Par un simple acte de leur puissance surnaturelle, les Bodhisattvas se transportent pour entendre les prédications de tel ou tel de ces nombreux Bouddhas. Ils remplacent en partie, mais sans aucun avantage au point de vue de la grâce poétique les dieux Hindous qui figurent dans les Suttras simples ; il faut considérer ces fictions qui ne tiennent par aucun lien nécessaire au Bouddhisme, comme des excroissances tout aussi innocentes que certaines fantaisies anciennes et modernes sur les habitants de la Lune et des autres astres.

Les Suttras ordinaires paraissent dictés par des contemporains du maître et reproduire fidèlement la forme et les circonstances de son enseignement ; ils portent les traces de la lutte et du prosélytisme et ont, surtout ceux du Divya Avadana, une couleur toute locale.

Par eux, nous assistons à la naissance et aux premiers développements du Bouddhisme. Ils nous montrent la société dans laquelle prêchait le Bouddha comme profondément corrompue, ce qui est conforme au tableau que nous avons tracé de l’Inde au moment de la venue du Bouddha. La métaphysique occupe dans sa prédication beaucoup moins de place que les vertus morales, au premier rang desquelles figurent la charité sous le nom de compassion, la patience et la chasteté. Les Suttras ordinaires et les légendes de la même époque y reviennent sans cesse.

Tel était donc le Bouddhisme primitif, tel on le retrouve à Ceylan et en Birmanie, tel nous l’avons présenté dans la vie du Bouddha.

La Loi n’est pas dans ces premiers écrits et, par conséquent, n’a pas été dans les prédications du Bouddha, exposée dogmatiquement : elle y est souvent présentée d’une manière vague et plutôt dans ses applications que dans ses principes. Les légendes que Bouddha raconte de ses vies antérieures constituent un enseignement analogue à celui des paraboles de l’Évangile. La morale et la métaphysique ne sont point présentées systématiquement.

Il y a une série de Soutras qui confirment les dogmes du Vinaïa : par exemple, le Soutra précieux pour les Biskous ; le Soutra sur la moralité ou les vieux ; le Soutra sur les cinq péchés ; et autres.

Ainsi un Soutra se borne à comparer les bons Biskous à un troupeau de moutons et les mauvais à un troupeau d’ânes.

Viennent ensuite la série des Soutras qui commentent les dogmes ; l’un démontre par l’exemple du bois l’existence de la vie future ; dans un autre, on explique brièvement qu’il faut renoncer au monde, nettoyer l’œil de l’esprit et purifier les souillures ; un troisième parle de l’influence des œuvres. Ce qu’il y a de remarquable, c’est que ces Soutras procèdent non point par déduction mais par analogie, par des rapprochements avec les objets physiques ou les mœurs générales. Une des dénominations de l’École des Çaoutrantikas fondée par Outtara fût : « Ceux qui démontrent par des exemples ; » nous avons vu que c’était la méthode de Bouddha.

Sans les lier en rien à sa Théorie, Gautama admettait en fait dans sa prédication les dieux du jour, mais comme des êtres soumis à la mutabilité dans des durées immenses (c’était admis par les Brahmes) et subordonnés aux Bouddhas et même au pouvoir surnaturel des Parfaits, (d’après les Brahmes, des pénitents extraordinaires pouvaient détrôner les dieux). Il n’est jamais question dans les premiers Suttras, de la conception brahmanique de l’Être préexistant par lui-même. Ce qui prouve bien que la doctrine était, comme on le dirait aujourd’hui, l’homme fin en soi.

Les divinités que l’on rencontre dans les Suttras simples sont Narayana (Vichnou), Siva, Varuna, Kouvéra, Brahma ou Pitamaka, Çakra, ou Vâsava, Hari ou Djanardana, Viçvakarna, Indra ; sans compter les divinités inférieures les Nagas, les Assuras et enfin les génies bons et mauvais qui apparaissent à chaque instant, preuve que la croyance aux génies était-très répandue dans les états où eut lieu la prédication, de même qu’elle l’était dans tous les pays bouddhistes hors de l’Inde.

Indra est le dieu qui revient le plus souvent dans les légendes avec le titre de Kançika qu’il porte dans les Upanishads des Vedas Brahmaniques.

Tous les dieux qui figurent dans les légendes des Sutras ont été reproduits dans les monuments bouddhiques ; cela était naturel et M. Lebon dans ses « civilisations de l’Inde » en a conclu peut-être un peu superficiellement, que le Bouddhisme poussa très loin le polythéisme et l’Idolâtrie.

L’historien indien Dataka pense que les Soutras primitifs ont été refaits et que l’on reconnaît beaucoup d’interpolations dans un grand nombre. Il y aurait lieu d’étudier à, quel degré et dans quel sens ces interpolations ont pu modifier les premiers, textes, faire intervenir les dieux etc.

Longtemps après Bouddha, les Bouddhistes eurent leur mythologie des Bouddhas, Boddhisatwas et dans laquelle ils firent entrer tous les dieux de l’Inde, surtout Yama le dieu des enfers, mais en les subordonnant, de plus en plus aux Bouddhas « quand les bienheureux Bouddhas conçoivent une pensée mondaine, dit un Suttra développé, au même instant, Çakra, Brahma et les autres Dévas connaissent cette pensée. »

Parmi les Suttras développés, il faut distinguer : Ceux où il est parlé de personnages humains, contemporains ou postérieurs ; tels sont : la Légende Birmane, le Lalita Vistara, les légendes d’Acoka ; et les Sutras de grand développement, bien plus modernes où ne figurent presque plus d’événements humains — ainsi du Lotus de la bonne Loi.

Ces derniers sont la glorification, presque la déification des Bouddhas de tout ordre et l’exposé de la doctrine Bouddhique avec tous les développements qu’elle a successivement reçus. Ils portent le titre de Maha-yana Suttras ou Suttras du Grand Véhicule. C’étaient les livres ou traités de l’École ou des Écoles de ce nom qui indique un essor plus élevé ; les Écoles du petit Véhicule qu’on aurait volontiers appelées terre à terre, s’en tenaient aux Suttras simples.

Le moyen Véhicule est une École plus avancée que le premier Bouddhisme et qui, plus tard, s’est réunie au Petit-Véhicule. Plus tard encore, ce dernier a admis une partie des idées du Grand-Véhicule. Il faut rapporter la Légende Birmane et le Lalita Vistara plutôt au moyen-Véhicule et le Lotus de la bonne Loi à la première période du Grand-Véhicule.

On peut déjà se faire une idée du caractère des deux premières œuvres par les extraits nombreux que nous en avons donnés dans la Vie du Bouddha ; nous la complétons en reproduisant ici le récit de l’existence antérieure du Bouddha actuel, d’après la légende Birmane, plus sobre de surnaturel que le Lalita Vistara et par conséquent plus ancienne que lui, conforme d’ailleurs à la légende la plus ancienne de la collection de Ceylan (bouddhistes du sud) sur la vie de Bouddha, bien que les auteurs de ces deux biographies soient restés absolument inconnus et étrangers l’un à l’autre :

« Après avoir passé par toutes les existences et avoir vécu dans toutes les conditions, depuis celle du minéral et du végétal jusqu’à la condition humaine, pendant 7 thingies du monde (un thingie est l’unité suivie de 140 zéros) où 125,000 Bouddhas firent leur apparition, celui qui devait être le Bouddha que nous honorons, sentit s’éveiller dans son âme un désir d’arriver à l’état de Bouddha et comprit que la pratique des plus hautes vertus était nécessaire pour obtenir cette gloire.

La période d’aspiration à cet état dura 9 thingies de mondes pendant lesquelles apparurent un million de Bouddhas.

Elle fut suivie d’une autre période de 4 thingies, période d’obscurité que n’illumina la venue d’aucun Bouddha, ou Tsékiavade.

Mais pendant les 100,000 révolutions de la Nature qui suivirent, il surgit 27 Bouddhas, depuis Tahinzara le premier de la série jusqu’à Katzaba le prédécesseur immédiat de Gautama et le 3e des Bouddhas qui ont paru dans le monde où nous vivons.

Pendant que le Bouddha Deipinkara enseignait tous les êtres, notre futur Gautama, naissait au royaume d’Amarawati dans une illustre famille de Brahmes. Ayant perdu, jeune encore, son père et sa mère, il abandonna aux nécessiteux tout ce qu’il possédait et se fit Rahan, vivant, sous l’ombrage des arbres et quêtant sa nourriture. Deipinkara et le Bouddha Katzaba lui promirent qu’il deviendrait un Bouddha.

Dans sa dernière existence antérieure, il fut, sous le nom de Vethandra, le 8e roi de Kapilawot ; il distribua aux pauvres tous les trésors royaux, et se sépara même de sa femme et de ses deux enfants. À sa mort, il émigra au ciel de Thoucita où il goûta la félicité pendant 670 millions d’années où régnèrent à Kapilawit 80,000 rois dont le dernier fût le père de Gautama. »

Suit le récit que nous avons donné dans la vie du Bouddha.

Outre les soutras, il y a 12 espèces de compositions ou écrits dont l’une, les Adbouta Darma, présente un exposé analytique de la doctrine.

On peut faire remonter au premier concile le Bodhipékéra, traité des 37 préceptes que nous avons énumérés au chapitre X de la vie de Bouddha ; il se rattache aussi bien à la morale qu’à la discipline et peut servir aussi bien aux dévots laïques qu’aux religieux.

Les Agama sont des compilations de différents Suttras. On y trouve : un abrégé de tous les sujets qui composent la doctrine du Kinaiana (petit véhicule), des réflexions sur la moralité, sur les douze Nidanas, sur la rémunération des actes, sur les préceptes du chemin ; enfin des légendes qui préludent à la formation de la Mythologie des Bouddhas et Boddhi Sattras.

Les Çastras diffèrent des Soutras ordinaires qui renferment toujours des désignations de personnes ; on en rencontre aussi dans le Brahmanisme dont ils sont probablement originaires.

Ils prennent un sujet et l’analysent sous toutes ses faces dans un but particulier. Ils interprètent la doctrine, d’une manière indépendante de tout cas particulier, soit dans son ensemble, soit sur un point spécial.

Avadanas.

M. Léon Feer définit l’Avadana : une instruction destinée à rendre palpable le lien qui rattache les événements de la vie présente aux actes accomplis dans les existences antérieures, le présent étant considéré comme le produit du passé. Ainsi tout avadana, se compose essentiellement de deux récits : le récit d’un événement actuel — le récit d’un événement passé qui l’a déterminé. Ce dernier récit ne peut être fait que par le Bouddha omniscient ; et comme ce Bouddha est essentiellement un docteur, son explication est nécessairement suivie d’une leçon, d’un précepte, d’une instruction appropriée ; morale de la fable.

Un Avadâna se compose donc essentiellement de 4 parties.

1o Un préambule qui exalte plus ou moins le Bouddha en en faisant connaître le lieu de sa résidence ;

2o Un récit du temps présent fait par un narrateur quelconque ;

3o Un récit du temps passé, expliquant le récit du temps présent et fait par le Bouddha ;

4o Une conclusion qui est le précepte donné par le Bouddha à l’occasion des faits dont il vient d’être témoin et des souvenirs vient de rappeler. Il y a dans la littérature bouddhique un très grand nombre de récits faits suivant ce plan.

L’Avadâna est donc un genre bien caractérisé ; et M. Léon Feer ne peut se ranger à l’opinion de Burnouf qui a cru voir dans les recueils d’Avadânas, le Vinaya du Canon Népalais. Le Vinaya est proprement l’ensemble des règlements donnés à la Confrérie Bouddhique par son fondateur. Il est vrai qu’on peut y faire entrer et qu’on y a fait entrer bien des choses étrangères à cet objet spécial. Il est certain d’ailleurs que l’on trouve dans le Vinaya thibetain un grand nombre d’Avadânas et tout porte à croire qu’il en existe beaucoup dans le Vinaya Népalais que nous ne connaissons pas. Certains Avadânas, certaines conclusions d’Avadânas peuvent avoir un caractère nettement « disciplinaire. » En un mot il se peut que l’avis émis par Burnouf se justifie dans un grand nombre de cas particuliers, sans être la règle — Burnouf a signalé avec insistance des analogies entre les Avadânas et les Suttras ; cependant il faut bien qu’un texte bouddhique appartienne soit au Vinaya soit au Suttra. Il est vrai qu’il en est plusieurs, et non des moins importants qui sont répétés dans l’une et l’autre classe ; ce qui atténue la contradiction, mais produit la confusion. La vérité est que les avadânas font partie des Sutras, ils en constituent un genre spécial dont on peut donner la définition ci-dessus. L’Avadâna occupe la 11e place dans l’énumération des douze espèces d’écritures bouddhiques.

Jataka. Les récits de faits auxquels le Bouddha a été mêlé, ne peuvent pas être confondus avec tous les autres ; on en a fait une classe spéciale appelée Jataka, naissance qui dans l’énumération précitée occupe la 8e place.

Les Jatakas représentent une partie considérable de la littérature bouddhique et de la section Suttra, — dans le bouddhisme du sud le Jataka fait partie intégrante du Suttra.

Viâkarana. — Une série d’instructions, qui relient le présent au futur et de textes dans lesquels le récit du temps passé est remplacé par une prédiction, occupe la 3e place dans l’énumération.

Tout Viâkarana n’est pas une prédiction, mais toute prédiction est un Viâkarana. Pris en ce sens le Viâkarana est une variété du genre Avadâna. L’Avadâna mixte est celui où le Bouddha, à propos d’un fait actuel, d’une part évoque les souvenirs du passé et de l’autre dévoile les secrets de l’avenir.

Avadâna du présent. Il n’y a ni récit du temps passé, ni prédiction ; l’acte raconté est suivi de sa punition ou récompensé en très peu de temps ; et quelquefois du jour au lendemain.

Il y a donc cinq variétés d’Avadânas :

1. Avadânas du passé. — 2. Avadânas Jatakas. — 3. Avadânas du présent. — 4. Avadânas de l’avenir. — 5. Avadânas mixtes. Ils sont embrassés dans cette définition : Instruction qui démontre par des faits le lien qui existe entre un acte et sa conséquence inévitable.

Évolutions des êtres. — L’Avadâna explique aussi les évolutions des êtres, suites nécessaires de leurs actes c’est à-dire leur passage par cinq états ou conditions :

1o Divinité, humanité (bonnes) — animalité, damnation, Condition de prêtas (mauvaises). La divinité vient au 1er rang parce que les habitants du ciel sont plus heureux, plus tranquilles que ceux de la terre ; mais la véritable supériorité appartient à l’humanité, car c’est surtout par elle qu’on obtient la délivrance finale ; c’est par elle exclusivement qu’on s’élève à la dignité de Bouddha.

Le tableau suivant résume le contenu des 10 décades d’Avadânas, soit des Cent légendes bouddhiques traduites par M. Léon Feer.

I.  Futurs Bouddhas (prédictions).
II Jatakas (non classiques).
III Pratyékabouddhas (2 passés, 8 futurs).
IV Jatakas classiques.
V Prétas.
VI Dieux et animaux.
VII Arrhats Çakyas.
VIII Arrhatis (Arrahts femelles).
IX (x, 10) Arrhats irréprochables. 81-90 (100).
X Arrhats coupables et malheureux.

On a encore le tableau suivant :

1o Avadânas du passé 
 52
2o Jatakas 
 23
3o du présent 
 5
4o de l’avenir (Vyakarânas
 18
5o mixtes 
 2

Total. 100

Ces Avadânas sont remplis de récits destinés à exemplifier des idées fort communes et qu’on a appelé les lieux communs du Bouddhisme. En voici un qui est huit fois reproduit.

Manière d’obtenir des enfants.

« Il ne naissait à N… ni fils ni filles ; la joue appuyée sur sa main, il était plongé dans ses réflexions : Ma maison, pensa-t-il, se distingue par l’abondance des biens, et je n’ai ni fils ni filles. À ma mort, on dira : Il n’y a point d’héritier pour tous ces biens et ils seront mis à la disposition du roi. Les Çramanas, les Brahmanes, les devins, ses amis, ses parents, ses proches, lui dirent : Fais des invocations aux dieux, car c’est un bruit répandu dans ce monde, que, par la prière, on obtient qu’il naisse des fils et des filles. — Mais il n’en est point ainsi, car s’il en était ainsi, chacun aurait un millier de fils somme un roi Çakavartin.

C’est par le concours de trois conditions qu’il naît des fils et des filles. Les voici :

Le père et la mère sont sous l’empire de la passion et se rençontrent ; la mère ayant ses mois est prête à concevoir ; un Gandarva se présente : voilà les trois conditions.

N. donc, invoqua Çiva, Varuna, Kuvèra, Çakra, Brahma et toutes les autres divinités supérieures. ; — Puis les divinités comme celles des jardins, des bois, etc. — Les divinités nées avec lui, soumises à la même condition, liées, avec lui constamment. — C’est ainsi qu’il était tout entier aux invocations.

Un être détaché de la collection des êtres entra dans le sein de la Dame. Cinq conditions indépendantes existent en chaque individu féminin dont la nature est celle des savants ; il connaît l’homme passionné ; il connaît l’homme exempt de passion, il connaît le temps, il connaît les menstrues, il connaît la descente du fœtus. — Du moment où il connaît l’entrée du fœtus, il sait si ce sera un fils ou une fille ; si c’est un fils, il repose sur le côté droit ; si c’est une fille sur le côté gauche.

Transportée, ravie, elle en informe son seigneur ! Bonheur ; fils d’Arya, lui dit-elle, prospérité ! je me trouve enceinte ! comme le fœtus en entrant dans mon sein, repose sur le côté droit, ce sera un fils.

Lui également ravi et transporté redresse sa poitrine, étend le bras droit et exprime son allégresse. Ce visage, d’un fils désiré si longtemps, je le verrai donc ! que ce soit un fils digne de moi, non un enfant dégénéré ; qu’il remplisse ses devoirs envers moi, qu’il me rende par ses gains ce qu’il a reçu de moi ! que ma famille se maintienne longtemps et que, après notre mort, qu’il se soit écoulé peu de temps ou qu’il s’en soit écoulé beaucoup, ayant fait des dons et accompli des actions pures, il paie en notre nom les honoraires du sacrifice et s’applique à poursuivre ce double but partout où l’occasion se présentera.

Sachant donc qu’elle était enceinte, il la porte sur le seuil de sa demeure, l’y surveille et la garde avec soin. Dans la saison froide, il lui donne des préservatifs contre le froid ; dans la saison chaude des préservatifs contre le chaud ; il lui applique des médicaments préparés, lui fait servir des aliments sans saveurs piquante, acide, salée, douce, forte, astringante. Semblable à une apsara qui, couverte d’ornements sur l’épaule et sur le corps, se promène dans le bois de Nandana, elle passait d’un lit, sur un autre sans descendre à terre, et l’on avait soin qu’aucun son désagréable n’arrivât à ses oreilles.

Enfin, son fœtus étant venu à maturité parfaite, après huit à neuf mois, elle accoucha. — Un fils naquit.
Vinaia ou discipline.

Le Vini Pittagat, dans sa teneur définitive, se renferme dans l’exposition des péchés formels et de choses simplement à éviter ; c’est une discipline ou code prohibitif dont quelques règles ont dû être modifiées pour certains climats.

La collection du Vinaia (Vini Pittaga), a été nécessairement, comme celle des Suttras (Suttra Pittaga) transmise par la mémoire d’abord, puis écrite sur le papier à la même époque que nous indiquerons plus loin.

Aujourd’hui les livres du Vinaiase partagent chacun en deux parties : celle du Pratimauk, péchés, vœux et leurs explications ; celle du Vinaïavaktou qui s’occupe de l’ordination, des occupations suivant les saisons etc.

On a fait, pour l’usage quotidien des religieux, sous le nom de Pratimauk, un abrégé du Vini-Pittagat, qui se trouve dans tous les pays bouddhistes. Les divers péchés que les religieux peuvent commettre sont des contraventions à 227 règles, au nombre desquelles se trouvé l’expiation par l’aveu public des fautes, la confession publique.

Cet aveu était déjà recommandé par Manou, livre XI, versets 227, 228, 229, 230, 231, 232, mais d’après le verset 229, le repentir procurait surtout la purification d’une souillure du corps, le verset 231 fait reposer la vertu sur la crainte des châtiments futures et par conséquent sur l’intérêt ; le verset 23.2 est presque une prescription pénale dans un but social. Au fonds, rien d’élevé dans cette doctrine des Brahmes ; rien qui se rapporte soit à la haute raison et au but de perfection, objectifs des disciples de Confucius, soit à l’amour divin dont se nourrit le Christianisme ; les pénitences et expiations, détaillées si longuement par Manou, pouvaient couler beaucoup au corps et à la bourse, mais ne demandaient rien à l’âme.

Bouddha fit de la confession une institution morale ; le repentir, l’aveu, le ferme propos étaient, à ses yeux, presque exclusivement un moyen d’avancer dans la voie des mérites, de s’éloigner de celle des démérites.

Tous les ans dans le principe, et ensuite tous les 3 ou 3 ans, les laïques ou simples fidèles étaient convoqués, pour une confession générale qu’on appelait Pochada. La disposition du Pochada démontre que tout l’ancien culte bouddhiste consistait en une seule Assemblée tenue pour cette confession générale et pour le renouvellement des vœux conformément au livre Pratimauk.

Deux fois par mois, à la nouvelle et à la pleine lune, les religieux confessaient leurs fautes à haute voix devant le Bouddha et l’Assemblée. D’après le Vini, « Lorsqu’un Rahan a contrevenu à la règle, il doit aller immédiatement trouver son supérieur et lui confesser sa faute à genoux. »

Cette règle suppose l’examen de conscience quotidien que recommande la philosophie aussi bien que la religion pour étouffer dans leur germe nos mauvais sentiments et nos mauvais penchants, et pour donner à chacun de nous la mesure de son avancement dans le progrès moral. C’est la mise en œuvre du « Connais-toi toi-même » des livres sacrés de l’Inde et de Socrate.

Bouddha ne paraît pas avoir ajouté, au moins dans la forme que nous connaissons, le directeur de conscience qui aurait pu être utile pour stimuler l’indolence des religieux bouddhistes devenue aujourd’hui proverbiale, pour combattre les vices de l’enfance et de la jeunesse et venir en aide à la faiblesse des femmes. Il a sans doute craint l’abus, pire en pareille matière que le défaut ; le directeur de conscience, aux yeux du psychologue, ne devant être que l’auxiliaire, le stimulant, le guide très réservé, essentiellement et intimement personnel. La direction de conscience est exercée dans l’Inde par les grands gourous brahmaniques, et dans la Chine et au Thibet, chez les bouddhistes, par des gourous individuels, luxe à la mode pour les riches.

Abidarma ou métaphysique.

Cette section des écritures bouddhiques qui, avec les deux autres Pittagas, forme la Triple corbeille, n’a pas été exposée directement par Bouddha, mais formée après sa mort d’un certain nombre de passages philosophiques recueillis dans son enseignement.

Loin de contenir le Pyrrhonisme et le nihilisme, les Suttras émanés de la prédication de Buddha admettent la multiplicité et l’individualité des âmes, comme le Sankya. La délivrance, c’est l’affranchissement de l’esprit par l’anéantissement des conditions de l’existence relative, par le détachement absolu de la nature et du monde des formes.

Pas plus que les Brahmes, Bouddha n’avait su analyser exactement nos facultés et établir nettement la part du corps et celle de l’âme. Mais il n’en admettait pas moins pour chaque être une individualité impérissable, puisqu’il raconte dans les Soutras ses vies antérieures et celles de quelques-uns de ses disciples.

La plupart des Bouddhistes admettent, sous le nom de fourberie, un état intermédiaire de l’individu pour passer de l’existence à la renaissance ; pendant que meurt l’homme extérieur, l’homme intérieur sort orné des mêmes Skandhas, élémens, mais subtilisés (comme le corps subtil de la Sankya) et il se porte alors dans le lieu où il doit renaître en conséquence de ses œuvres.

Les premiers Bouddhistes déclarèrent l’existence de la matière ou du monde extérieur, conformément au système de Kanada auquel Bouddha a beaucoup emprunté ; ils commentèrent sur les Atomes ; mais cette opinion a été rejetée par les Écoles plus modernes.

Les Abidarma sont réputés les livres élémentaires de la doctrine des Vaïbachika qui, avec les Çaoutentriques forment l’École la plus ancienne.

On compte sept compositions principales très anciennes des Abidarma :

L’Abidarma proprement dit, présenté au 1er concile par Kacyapa et qui a dû être tout-à-fait rudimentaire.

Djanapractana qui traite de la Sagesse et qui est attribué à Katéiaiana ;

Prakaranapada composé par Vaçoumitra, abrégé des doctrines du Bouddhisme ;

Vidjanakaïa, traité de dialectique par Devakchema ; Cangatiparéiaia, dictionnaire termologique par ordre de dates attribué à Çaripoutra.

Amritachaçta, court abrégé de dogmes par Gochta.

Datoukaïa, attribué aussi à Vaçoumitra établissant les rapports entre les parties capitales traitées par les précédents.

Les six auteurs dénommés sont les six chefs d’école cités dans la vie du Bouddha : Ils conservèrent probablement chacun leur enseignement particulier en ce qui concerne la métaphysique dont Bouddha se préoccupait peu. Cet enseignement conservé et transmis par chaque école donna lieu aux sept compositions énumérées ci-dessus qui ne furent définitivement fixées qu’après l’invention de l’Écriture Sanscrite.

Le Vibacha est un énorme commentaire de ces sept compositions qui ne fut pas composé avant Kaniksha (environ 600 de l’ère Bouddhique, 40 de l’ère chrétienne). Ce fut alors seulement, selon toute probabilité, que l’École qui avait adopté cet Abidarma ainsi commenté prit le nom de Vaïbachistes. La métaphysique qui, dans l’origine, avait été propre aux vaïbachistes passa ensuite dans les autres écoles ; chacune eût son Abidarma.

Tous tes traités canoniques, Sutras, Avadanas, Abidarmas, etc., se transmettaient dans les Viharas par la mémoire ; les religieux se divisaient en plusieurs sections dont chacune apprenait une portion de ces traités. Il est possible que, pour aider la mémoire, on ait employé des écritures (vulgaires) suo olles, c’est-à-dire sur feuilles de palmier, comme le font encore aujourd’hui les Hindous. C’est ainsi qu’ils tiennent leur comptabilité élémentaire, même pour l’administration. On écrit au moyen d’une pointe sur la feuille encore verte et elle conserve l’empreinte après qu’elle s’est desséchée.

Le Bouddhisme, du Nord et celui du Sud ont eu chacun leur collection de livres canoniques ; la première nous est venue du Népaul par les soins de M. Hogson ; la seconde, de Ceylan. Il y a en outre, les collections de la Chine et du Thibet qui se composent, en grande partie de traductions des livres de l’une ou l’autre, de ces deux grandes Écoles, surtout de celle du Nord.

  1. Nous empruntons l’appréciation des Suttras à M. Eugène Burnouf qui met en relief parfaitement le caractère opposé des deux espèces de Souttras, bien que la date en ait été mieux précitée depuis. Ce qu’il a dit se rapporte aux livres de Nepaul ; Wasselief a analysé ceux de la Chine et du Thibet ; Spence Hardy ceux de Ceylan ; Comme le Nepaul est très rapproché du premier théâtre de la prédication, M. Burnouf nous fait mieux connaître que tout autre le caractère du Bouddhisme primitif.