L’Italie d’hier/Manetti

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Charpentier & Fasquelle (p. 123-124).
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Manetti. — Un curieux et drolatique tableau, que la « Réunion des sposi. »

Dans l’ombre, au premier plan, la joue comme cerclée d’une faucille de lumière, la joue d’une femme tendant l’oreille à la parole d’un jeune homme, en un tendre duo, et au-dessus, trois groupes s’étageant dans une sorte d’échelle d’amour.

Le premier groupe se compose d’un cavalier, au feutre garni d’une plume blanche, dans un ample manteau fleuri d’or, les jambes nues enfermées dans une guêtre héroïque, à la façon romaine, et penché sur l’haleine d’une grasse donzelle, la gorge au vent sortant d’une robe de brocard, un diadème d’orfèvrerie sur la tête, à face épanouie dans une joie jordanesque, et la main dans la main de ce cavalier, qui lui montre une pile de morions, de brassards, de cuissards, avec le geste du renoncement d’un Hercule implorant des fuseaux.

Dans le second groupe, c’est encore une entripaillée, sous un camail noir aux revers rouges, la tête un peu retirée en arrière, en une molle défense contre la tentative du baiser.

Dans le haut, enfin, c’est un troisième couple, un peu plus intimement accouplé, perdu dans la nuit. Et pour éclairer ces trois scènes amoureuses, un petit Cupidon porte-torche, au large rire, dans un vestinquin bleu aux crevés de pourpre.