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L’Italie libérée - Lettres au prince Napoléon/03

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L’Italie libérée - Lettres au prince Napoléon
Revue des Deux Mondes7e période, tome 13 (p. 845-861).
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L’ITALIE LIBÉRÉE
(1857-1862)

LETTRES ET DÉPÊCHES

DU ROI VICTOR EMMANUEL II
ET DU COMTE DE CAVOUR

AU PRINCE NAPOLÉON

III [1]
DE GÊNES À VILLAFRANCA

Resté à Gènes après le départ de l’Empereur pour Alexandrie, le prince Napoléon devait compléter l’organisation de son corps d’armée (le cinquième), composé presque entièrement de troupes d’Afrique. Il avait adressé à ses soldats une proclamation où il disait : « Le pays qui fut le berceau de la Civilisation antique et de la Renaissance moderne va nous devoir la liberté. Vous allez le délivrer à jamais de ses dominateurs, de ces éternels ennemis de la France, dont le nom se confond dans notre histoire avec le souvenir de toutes nos luttes et de toutes nos victoires. »

Le Prince reçut le 17 mai une lettre de l’Empereur, lui prescrivant de s’embarquer avec la division Uhrich pour Livourne, d’où il gagnerait Florence. Il recevait de l’Empereur des instructions ainsi conçues : « Ne rien faire contre Bologne et contre les États pontificaux, tant que les Autrichiens n’auront pas violé la neutralité ; et, dans ce cas, expliquer, par une proclamation, l’entrée des troupes sur le territoire pontifical. » Pour plus de sûreté, d’accord avec le duc de Gramont, ambassadeur de l’Empereur près le Saint-Siège, le Prince rédigeait, le 18 mai, à Alexandrie où il s’était rendu près de l’Empereur, une note destinée au Gouvernement pontifical où se trouvaient énumérées les conditions déterminatives de la neutralité accordée aux Autrichiens pour leurs troupes stationnées dans les États de l’Église (Déclaration du 18 mai 1859). Le 19, le Prince expédiait à Livourne le général Coffinières, commandant le génie du corps d’armée, et lui remettait une lettre adressée à M. Buoncompagni, commissaire du Roi à Florence. Il disait : « J’ai reçu, sur la demande de deux envoyés toscans auprès de Sa Majesté l’Empereur, l’ordre d’occuper la Toscane avec le 5e corps d’armée. L’Empereur et le Roi veulent que je prenne sous mon commandement les troupes italiennes.

« Je suis envoyé par l’Empereur, dans un but exclusivement militaire, pour aider le pays dans la guerre de l’Indépendance italienne qu’il a entreprise. Je ne compte me mêler en rien de la direction du Gouvernement du pays.

« Je tiens à ce que vous fassiez bien connaître partout que j’arrive, non comme un prince français avec des vues politiques, mais uniquement comme commandait du 5e corps d’armée pour des opérations militaires.

« Le choix de ma personne n’a été fait par Sa Majesté que parce que les quatre premiers corps d’armée sont déjà échelonnés sur le Pô, tandis que la plus grande portion du mien se trouve encore en route. »

Avant son arrivée à Livourne, le Prince recevait du Roi les lettres suivantes :


Le roi Victor-Emmanuel au prince Napoléon


D’Occimiano, le 19 mai 1859.

Cher beau-fils,

Je t’envoie la lettre en question. Fais de belles choses et que le bon Dieu te bénisse ! Je sais que tu as des talents, mais écoute un conseil : sur ce qui regarde la politique, fais-toi donner par l’Empereur des instructions bien précises ; pour le reste, tire-toi d’affaire. Les Romagnes vont se soulever à ton arrivée, cela est positif. Mezzacapo, comme tu sais, a déjà réuni 2 500 hommes en Romagne ; dégagée la question politique du Pape, le reste ira au galop. Il faut que tu saches aussi que si la France a reconnu la neutralité du Pape, nous, ou pour mieux dire moi, je ne l’ai pas reconnue, exprès pour être libre : que cela te serve de règle.

Je vais faire partir Massimo qui doit diriger le mouvement romain, tiens-toi avec lui, il est habile politique, etc., etc.

J’ai reçu la lettre de Clotilde, je t’en remercie, je t’enverrai l’homme dont elle me parle en Toscane, fais-en quelque chose. Adieu, je t’embrasse et te souhaite beaucoup de bonheur.

Ton très affectionné beau-père,

VICTOR-EMMANUEL.


De Casal, le 21 mai 1859.

Cher beau-fils.

Je te remercie de ta lettre. Je t’envoye le comte Saint-Front, mon aide de camp, te porter cette lettre ; il est chargé par moi de la mission Toscane, c’est-à-dire de porter à Buoncompagni le proclame aux troupes de ce pays-là, chose qui doit précéder ton arrivée et préparer les esprits pour l’union entière et complète à ce royaume, je crois cela nécessaire actuellement, l’avenir arrangera puis tout. Fais ce que tu pourras en ce but, et, si cela est possible, que ce soit fait de bonne grâce de la part de cette nation. Hier, bataille à Montebello acharnée de part et d’autre. Les Français l’ont repris ; beaucoup de morts. Les Français ont perdu un général, et moi un colonel de cavalerie. Aujourd’hui, je vais passer la Sésia sur plusieurs points, et je m’avance sur Mortara, et en avant, à la grâce de Dieu. Je ne sais pas si l’armée française sera nouvellement attaquée, ou si elle s’avance. Je pense que tout ira bien à l’Empereur, à toi et à moi. Je t’embrasse de tout mon cœur.

Ton très affectionné beau-père,

VICTOR-EMMANUEL.


Embarqué le 22 mai sur la Reine Hortense, le Prince entra le 23 en rade de Livourne. Il adressa immédiatement aux habitants du Grand-Duché une proclamation où il exposa d’autant plus nettement la politique désintéressée qu’il entendait conserver vis à vis des Toscans, qu’il n’ignorait point quelles étaient les intentions de son beau-père. Ainsi disait-il : « Napoléon III a déclaré qu’il n’avait qu’une seule ambition, celle de faire triompher la cause sacrée de l’affranchissement d’un peuple et qu’il ne serait jamais influencé par des intérêts de famille. Il a dit que le seul but de la France, satisfaite de sa puissance, était d’avoir à sa frontière un peuple qui lui devra sa régénération. Si Dieu nous protège et nous donne la victoire, l’Italie se constituera librement, et, en comptant désormais parmi les nations, elle affermira l’équilibre de l’Europe. »

Le Prince avait beaucoup à faire pour mettre les Toscans en état de prendre part à la lutte. Le Roi avait mis sous ses ordres l’armée toscane ; par une proclamation vibrante, il avait annoncé aux soldats du Grand-Duché qu’ils « n’étaient plus les soldats d’une province italienne, mais qu’ils faisaient partie de l’armée d’Italie, » et il avait ajouté : « Vous estimant dignes de combattre aux côtés des braves soldats de la France, je vous place sous les ordres de mon bien-aimé gendre, le prince Napoléon, à qui sont confiées par l’Empereur des Français d’importantes opérations militaires. »

Mais, durant que l’armée franco-sarde, après son premier succès à Montebello, poursuivait sa marche offensive, le prince Napoléon était réduit à des tâtonnements sans parvenir à organiser les cinq ou six mille hommes qui, sous le général Ulloa, formaient l’armée toscane et que flanquait un corps de volontaires romagnols sous les ordres du général Mezzacapo. Pour se rendre compte des difficultés de la situation, il profita du premier jour où il eut une brigade française à sa disposition pour se diriger immédiatement sur Pistoia, en lançant des détachements aux Bains de Lucques à San Marcello. Le 28 mai, accompagné de son état-major, il se rendit lui-même à Pistoia afin de s’assurer que les Autrichiens dont on avait annoncé la présence à Cello-Pelago, n’avaient point d’intentions immédiatement offensives.

Le 31 mai, le jour de Palestro, le Prince transporta son quartier général à Florence : il chargea son premier aide de camp, le colonel de Franconière, de porter à l’Empereur un état détaillé de la situation. L’Empereur approuva complètement les dispositions prises par le Prince et lui fit savoir qu’il eût jusqu’à nouvel ordre à rester à Florence, avec la 2e division du 5e corps (deux brigades d’infanterie et une brigade de cavalerie). On pouvait croire qu’elle aurait à y jouer un rôle de quelque importance, mais la victoire de Magenta avait pour le moment décidé la question, le feld-maréchal de Wimpffen évacuait Parme, Plaisance, Pavie, [Bologne, Ancône. Le Prince reçut l’ordre de concentrer son corps d’armée à Plaisance où la division d’Autemarre devait rejoindre la division Uhrich.

Les lettres de Cavour montrent assez au milieu de quelles difficultés et de quels embarras le Prince dut se débattre :


Turin, 8 juin 1839.

Monseigneur,

Tous les matins depuis quelque temps, je prends la plume pour répondre à la lettre dans laquelle Votre Altesse trace d’une manière si vive et si frappante le tableau de la Toscane, et, chaque fois, je la dépose dans l’espoir, le lendemain, de lui annoncer un remède aux maux qu’elle signale. Mais les jours passent, et j’ai beau chercher, je ne trouve pas le secret de sortir cette partie de l’Italie du triste état où elle est plongée. Je prends donc le parti de ne plus attendre pour remercier Votre Altesse de sa lettre, précieux document historique, et de [peut-être] m’unir à elle pour déplorer ce qui se passe sur les bords de l’Arno.

En Toscane, nous avons fait fausse route dès les premiers instants qui ont suivi la fuite honteuse du Grand-Duc. Mais qu’il me soit permis de dire que nous ne sommes pas responsables entièrement de la fausse direction suivie alors. Votre Altesse se rappellera que, lorsque je lui annonçais le mouvement populaire de Florence, j’ajoutais que nous avions l’intention, à défaut d’annexion immédiate, de proclamer la dictature du roi Victor-Emmanuel. De Paris, Votre Altesse se hâta de me répondre : « Pas de dictature, un gouvernement provisoire. » Quoique les gouvernements provisoires partout, mais en Italie surtout, soient d’assez tristes institutions, nous avons suivi les conseils de Votre Altesse et établi un gouvernement provisoire. Dieu sait comment ce malheureux gouvernement a fonctionné ! C’est lui qui a donné une fausse direction au mouvement toscan en s’occupant de tout, excepté de la guerre, en voulant réorganiser les services civils, en désorganisant l’armée. Nous avons écrit lettres sur lettres à Buoncompagni pour qu’il fit cesser ce scandale en organisant un gouvernement où, sous le nom de protecteur, il eût à exercer la dictature de fait.

Buoncompagni n’exécuta nos instructions qu’à demi. Il détruisit le gouvernement provisoire, mais, au lieu d’une dictature, il organisa une espèce de régime constitutionnel, à la tête duquel il plaça les hommes les plus honorables.

Buoncompagni eut tort, mais, pour être juste, il faut lui tenir compte des difficultés immenses de sa position. Lorsqu’on n’a pas d’armée à sa disposition, lorsqu’on doit exercer une dictature populaire appuyée sur l’opinion publique et le sentiment des masses, il faut pouvoir présenter, à ce public et à ces masses, des idées facilement accessibles qui les excitent et les passionnent. Or, Buoncompagni, ne pouvant parler de fusion, n’ayant aucun candidat au trône grand-ducal à mettre en avant, était réduit à s’appuyer sur des idées négatives. Les deux seules parties de son programme, nettes et précises : l’exclusion de la famille de Lorraine et la guerre, n’étaient pas de nature à passionner les Toscans. Trois siècles de gouvernements corrupteurs ne les ont pas disposés aux sacrifices que la guerre exige. Ils détestent les Autrichiens, sans avoir un goût bien décidé pour l’emploi des moyens qu’il faut employer pour les chasser. Quant à la Maison de Lorraine, ils ne la détestent pas : ils la méprisent. Or le mépris n’est pas un sentiment qui pousse à faire de grandes choses.

Sans forces matérielles, avec peu de forces morales, Buoncompagni s’est livré au parti dominant à Florence. Il s’en est suivi les résultats que Votre Altesse décrit de main de maître. Pour sortir de cet état fâcheux, un seul moyen pouvait être employé. Votre Altesse, avec le tact pratique qui la distingue, a voulu l’employer ; nous étions prêts à la seconder de toutes nos forces. Malheureusement, la diplomatie et une Volonté Suprême ont paralysé nos efforts et condamné à subir un statu quo désolant.

Maintenant, je crois qu’il ne faut plus se préoccuper de la question politique en Toscane, et songer uniquement à faire participer le pays à la guerre, dans les limites du possible. Aussi, je supplie Votre Altesse de vouloir bien encadrer le plus tôt possible les troupes toscanes avec les troupes françaises, et de les envoyer là où l’on se bat. Je suis persuadé que Votre Altesse saura faire battre les Toscans. Une fois sortis de l’atmosphère énervante qu’on respire sur les bords de l’Arno, excités par l’exemple de vos troupes, ils se montreront de bons soldats. Les volontaires Toscans que nous avons dans l’armée se conduisent fort bien. Il y en avait un grand nombre dans les chevau-légers de Novare qui ont pris une part brillante à la bataille de Montebello.

Buoncompagni s’effraie déjà de l’idée de rester sans soldats ; il réclame l’envoi de soldats du Piémont. Je lui réponds que l’armée toscane ne venant pas remplir les vides que le canon a faits dans les rangs de notre armée, nous ne pouvons pas l’amoindrir encore, pour envoyer des soldats se promener sur les quais de Florence. Il me parait que Votre Altesse, si elle emmène tous les soldats toscans, pourrait bien laisser en Toscane quelques compagnies qui, par le prestige qu’exerce l’uniforme français, seraient plus que suffisantes pour maintenir l’ordre, qui ne court, à mon avis, aucun danger sérieux d’être troublé. La réaction et la révolution ne seraient à craindre que dans le cas d’un revers des armées alliées. Or, du train où vont les choses, cette éventualité devient chaque jour moins probable.

Pendant que l’on patauge en Toscane, nos armées font de bien belles choses en Lombardie. La grande manœuvre par laquelle l’armée autrichienne a été tournée d’abord, et battue ensuite à Magenta, rappelle les plus glorieux événements du premier Empire, et fait le plus grand honneur à l’Empereur..

J’aurais désiré pouvoir tenir Votre Altesse au courant des opérations militaires, ainsi qu’elle a bien voulu m’en manifester le désir, mais je n’ai pas pu le faire, car il parait qu’aux deux quartiers généraux, on s’est donné le mol de ne rien dire à personne. J’ai eu beau écrire lettres sur lettres, multiplier les dépêches télégraphiques, m’adresser successivement à l’Empereur, au Roi, au maréchal Vaillant, au général La Marmora, je n’ai rien obtenu. On m’a traité jusqu’ici, en fait de nouvelles, comme on traite un commis dont on craint les indiscrétions. Il faut dire que ce n’est pas seulement en amour que « les absents ont toujours tort. »

Au reste, la satisfaction que j’éprouve des magnifiques résultats que nos souverains ont obtenus, me dédommage amplement du dépit que, comme ministre, je devrais ressentir.

J’ai revu hier M. Pietri et le général Klapka de retour de la Toscane. On est parvenu à mettre ensemble trois cents prisonniers hongrois. C’est un premier germe de Légion que nous allons nous occuper à faire fructifier, malgré les recommandations de Walewski, qui préfère chercher ses appuis dans la diplomatie hostile, que parmi les peuples prêts à se lever à la voix de la France.

Je renouvelle à Votre Altesse la prière d’excuser mon long silence et d’agréer l’assurance de mon respectueux et profond dévouement.

C. CAVOUR.


Le Comte de Cavour au Prince Napoléon.


Turin, le 15 juin 1859

Télégraphe a été cause d’un retard de trente-six heures. J’ai écrit à Mezzacapo que, s’il est encore temps, il exécute votre projet.

C. CAVOUR.


Le Comte de Cavour au Prince Napoléon.


Turin, le 15 juin 1859.

Dans ma dernière entrevue avec Empereur, Sa Majesté a daigné m’accorder que 2 000 Français resteraient en Toscane à disposition du Gouvernement. Celui-ci se rendrait responsable du maintien de l’ordre public.

Je supplie Voire Altesse de ne pas mettre d’obstacle à cette détermination. Nous n’avons point de troupes disponibles, le maintien de l’ordre a été justement une des raisons principales de l’entrée des Français en Toscane. Tout serait compromis, si Votre Altesse Impériale emmène toutes les troupes toscanes. Qu’elle les conduise sur le champ de bataille le plus tôt possible, mais qu’elle n’abandonne pas la Toscane à elle-même. Ce serait nous abandonner, et je sais combien je puis compter sur l’appui bienveillant de Votre Altesse.

C. CAVOUR.


Le Comte de Cavour au Prince Napoléon.


Turin, 21 juin 1859.

Monseigneur,

J’ai vivement regretté que Buoncompagni et Mezzacapo n’aient pas exécuté les ordres de Votre Altesse. Mais que Votre Altesse me permette de lui dire que l’expédition aurait eu lieu également, si elle m’avait fait savoir qu’elle l’avait ordonné. Le télégramme que Votre Altesse m’a adressé, me faisait supposer un conseil, non un ordre. Par conséquent, j’ai cru devoir consulter l’Empereur ; l’irrégularité qui a régné dans le service télégraphique au delà de Milan pendant quelques jours, a causé un retard de trente-six heures. Lorsque la réponse de l’Empereur est arrivée, j’ai télégraphié de suite à Florence, mais il était trop tard. Je pouvais adresser de sévères reproches à Buoncompagni, c’est ce que j’ai fait. Mais je n’étais plus à temps pour réparer une erreur ou une faute que je déplore autant que Votre Altesse.

Votre Altesse trouvera peut-être une certaine indécision, et même un peu de faiblesse, dans la direction des affaires. Votre Altesse n’a pas tort ; mais si elle pouvait se mettre pendant quarante-huit heures à ma place, elle verrait, je le pense du moins, que je suis autant à plaindre qu’à blâmer. Je me trouve, depuis un mois, poussé dans les directions les plus différentes par les conseils qui me viennent de Paris, de Votre Altesse et du grand quartier général. Et encore, sauf pour ce qui regarde Votre Altesse, de la même source découlent des avis qui se heurtent et se contredisent.

Walewski a fini, par être enchanté de Buoncompagni ; ses dépêches en font les plus grands éloges ; il assure qu’il a suivi parfaitement la question toscane, et se conduit conformément aux intentions de l’Empereur et de son gouvernement. En présence d’assurances aussi positives, qui me sont données d’une manière officielle, puis-je rappeler Buoncompagni ? Cet acte ne sera-t-il pas blâmé ouvertement à Paris ? Ne se pourrait-il pas que le Moniteur, en faisant son oraison funèbre, ne rendît impossible à son successeur de gouverner ?

Si le quartier général de Votre Altesse n’était pas plus éloigné du grand quartier général que le Palais-Royal ne l’est des Tuileries, je recourrais à elle pour obtenir la solution de ces épineuses questions. Mais, privé de l’appui que Votre Altesse me donnait autrefois, je suis, la plupart du temps, dans l’embarras le plus pénible. Je ne puis aller au camp à tous les instants, et d’ailleurs je doute que des courses fréquentes fussent utiles à notre cause. J’ai pris le parti d’expédier Nigra à l’Empereur pour le supplier de me faire connaître ses intentions sur la Toscane. Si l’opinion de Sa Majesté n’est pas conforme à celle de Walewski, Votre Altesse peut compter que Buoncompagni sera immédiatement rappelé.

Si l’appui de Votre Altesse nous serait d’un grand secours pour la Toscane, il nous serait d’une bien plus grande utilité encore pour les affaires de la Romagne. Je ne sais en vérité ce qu’il faut faire.

Toute la Romagne s’est prononcée, demandant à grands cris la dictature et la protection du roi Victor-Emmanuel. Du camp, on me mande : refuser la dictature, refuser la protection, mais accepter le concours à la guerre. Cela veut dire : n’envoyer à Bologne ni troupes, ni Azeglio. Or tout était prêt pour l’envoi dans cette ville et d’Azeglio, et d’un tout petit noyau de soldats. Lorsqu’on Romagne on saura qu’on n’envoie personne à Bologne, qu’arrivera-t-il ? Probablement des désordres et une réaction violente contre les prêtres.

— La députation romagnole composée de Pepoli, Rasponi et d’autres personnes notables du pays, est partie pour le camp. Elle espère obtenir une autre solution. Mais, si elle ne réussit pas, que faire ? Je regrette bien que le chemin de fer de l’Italie centrale ne soit pas en activité jusqu’à Parme, car je n’hésiterais pas un instant à aller conférer avec Votre Altesse sur cette question qui peut avoir des conséquences incalculables.

J’aurais bien d’autres choses à dire à Votre Altesse que je ne puis qu’indiquer par écrit.

Nos consuls dans les Principautés m’écrivent tout épouvantés, que leurs collègues de France viennent de recevoir de Walewski une protestation formelle contre l’appui donné par le prince Couza aux Hongrois. Le Prince ne sait que faire. Klapka est furieux et moi je ne sais en vérité que répondre à nos agents qui ne savent que faire des 20 000 fusils qui vont leur arriver.

Je supplie Votre Altesse de nous tirer du terrible embarras où Walewski nous met. C’est Votre Altesse qui a traité cette affaire. Pour l’amour du ciel, qu’elle ne l’abandonne pas ! Je suis certain qu’une conversation avec l’Empereur, ou même une lettre que Votre Altesse lui dirigerait, aplanirait toutes les difficultés et nous permettrait d’exécuter le plan, du succès duquel peut dépendre l’issue finale de la guerre.

Passant à des questions moins importantes, j’ajouterai deux mots à Votre Altesse sur celle des transports par les chemins de fer, qui doit l’intéresser du moment où le corps d’armée qu’elle commande devra être alimenté en partie par le port de Gênes.

Il a régné dans ces derniers temps beaucoup de confusion dans le service des chemins de fer. L’Empereur s’en est plaint et l’a attribué à notre administration. Je puis assurer Votre Altesse que celle-ci a fait tout ce qu’il a été humainement possible de faire dans les circonstances où elle s’est trouvée placée. S’il y a eu confusion et désordre, il faut l’attribuer : 1° au défaut d’ensemble dans les requêtes et les ordres transmis à l’administration. Le service des transports de l’armée française n’est pas centralisé. Les généraux, les intendants, à Gênes, à Alexandrie, à Novare, à Suze, réclament des wagons, donnent des ordres, sans aucun concert préalable ; ce qui rend le service infiniment plus difficile.

En second lieu, le service de déchargement des wagons se fait de la manière la plus imparfaite, faute d’un nombre suffisant d’employés de l’administration française pour le diriger. Nos chefs de gare ne peuvent pas décharger, lorsqu’il n’y a personne pour recevoir les objets expédiés. Il en est résulté, dans toutes les gares d’arrivée, des encombrements énormes. Celles peu étendues ont été plus d’une fois tellement bourrées de wagons, qu’il fallut interrompre le service. A Vercelli, en outre, on a eu le talent d’accumuler jusqu’à 500 wagons à la fois,

Contre un tel inconvénient, j’ai réclamé, j’ai protesté de toutes les manières, et j’ai obtenu quelques résultats. Mais cela n’empêche pas qu’au quartier général, on ne continue à se plaindre de cette malheureuse administration des chemins de fer qui ne néglige rien pour que le service se fasse bien.

Afin que le corps d’armée de Votre Altesse n’ait pas à souffrir, je la supplie de veiller à ce que les inconvénients que j’ai signalés ne se reproduisent pas à Stradella. Qu’elle donne des ordres pour que tous les wagons qui arrivent soient déchargés dans les vingt-quatre heures, et il n’y aura pas de retard, quelles que soient les expéditions de Gênes. Mais, si l’on laisse un encombrement se former dans la petite gare de Stradella, il n’y aura plus moyen de faire un service régulier, quelque bonne volonté que l’administration y apporte.

Je prie Votre Altesse d’excuser mon long verbiage, et d’agréer l’hommage de mon profond et respectueux dévouement.

C. CAVOUR.

P.-S. — J’envoie la copie d’une lettre du général Klapka et un extrait de la correspondance de notre ministre à Constantinople, et consul à Galata.

La situation de la Roumanie s’aggrave de jour en jour. Le prince Couza parait avoir de la peine à se soutenir. On voudrait de nouveau recourir à la proclamation d’un Prince étranger. M. Balatchano, préfet de Bucarest, aurait reçu la mission de venir en Europe, sonder les intentions de l’Empereur à cet égard, et de se rendre aussi en Angleterre.

Il doit exister des conflits entre les intérêts hongrois et roumains. M. Saury, agent de Klapka à Belgrade, se rend également en Europe ; il doit représenter en haut lieu la situation précaire du prince Milosk père, qu’un certain parti voudrait faire abdiquer en faveur de son fils. Cet agent parait vouloir agir en sens contraire de M. Balatchano.

Le général Durando pense que la chute de Couza et de Milosk serait pleine d’inconvénients dans le moment actuel.

M. Durio, consul du Roi à Galatz, a parlé au prince Couza, qui a paru inquiet de n’avoir pas encore reçu des armes. Ce retard semble lui faire douter que l’on veuille poursuivre l’entreprise, et cela d’autant plus d’après les termes d’une lettre confidentielle écrite par le comte Walewski aux consuls de France à Bucarest et à Jassy.

Le comte Walewski dément formellement toute participation du Gouvernement français dans l’affaire de Klapka, et déclare que les allégations du général et celles du consul sarde à Belgrade, sont radicalement fausses. Cette lettre a jeté le plus grand trouble dans l’esprit du Prince et de ses amis


ANNEXE
Le Général Klapka au Comte de Cavour.


Gênes, le 18 juin 1859.

Excellence,

Un de mes agents vient d’arriver des pays du Danube, il a passé successivement par Belgrade, Jassy et Constantinople.

Les dispositions du prince Milosk nous sont toujours favorables, mais, pour arriver à nos fins au moment venu, il faudrait que le consul français reçût l’instruction d’appuyer M. Astengo.

Dans les Principautés unies, les affaires commencent à s’embrouiller. Le prince Couza a évidemment perdu du terrain et, pour pouvoir lutter avec succès contre ses adversaires, il a besoin de la protection énergique des Cabinets qui ont pris, jusqu’ici, sa cause entre leurs mains. Malheureusement, le comte Walewski fait justement tout le contraire, tandis que l’Autriche et l’Angleterre lui font des avances qui l’embarrassent et qui tendent à compromettre sa position. Leurs bons procédés cachent évidemment un piège.

En ce qui me concerne, je dois dire à Votre Excellence que le comte Walewski a donné à mes démarches dans les Principautés un désaveu qui n’était pas fait pour encourager le Prince à nous aider. Malgré cela, nous pouvons toujours compter sur lui. Ses sentiments n’ont pas varié.

M. Balatchano, son ministre de la Police, un de ses plus dévoués partisans, homme intègre et énergique, vient d’arriver avec les pleins pouvoirs pour soumettre certaines questions aux Puissances protectrices et régler définitivement avec nous les derniers arrangements pour faciliter notre entrée en campagne du côté de la Transylvanie.

M. Balatchano, un de mes anciens amis, a combattu avec nous contre les Autrichiens, c’est tout dire. Il n’est pas doctrinaire comme M. Alexandri, c’est au contraire un homme d’action avec lequel l’entente est facile sur tous les points et qui nous sera bien autrement précieux que le dernier.

M. Balatchano est en outre chargé par le Prince d’insister sur la livraison des 10 000 fusils qui lui furent promis par l’Empereur, et dont la remise n’a pas encore été faite. Le Prince en a le plus grand besoin et je vous supplie de vouloir bien appuyer de toute votre bienveillance son envoyé. Peut-être serait-il préférable de les obtenir de la même manière que les 20 000 autres, dont la première partie a passé par le Bosphore dans les premiers jours du mois.

Nous n’avons pas de nouvelles de M. Benzi relativement aux munitions. Nous ne savons donc pas si elles sont parties ou non de Marseille. Je crois prudent de m’informer auprès du consul de Marseille de ce qui leur est relatif. C’est d’autant plus nécessaire que je crois que le moment ne peut plus tarder où nous serons appelés à agir.

Une difficulté relative au transport et aux dépôts des armes s’était élevée, dans les Principautés, par suite de la pénurie du Gouvernement, qui ne peut nous venir en aide. Ces objets resteront donc à notre charge.

Je remercie beaucoup Votre Excellence de la bonté qu’elle a mise à arranger l’affaire du passeport. Nous attendons K... pour la semaine prochaine. Sa présence qui sera très efficace dans le pays pourra-t-elle exercer ici le même effet ? Je l’ignore.

Je ne finirai pas cette lettre sans revenir sur le désaveu plus que désagréable que M. le comte Walewski a jugé à propos de donner à ma mission. J’ignore à quel sentiment il a obéi. Quoi qu’il en soit, il s’est attaqué à la politique de l’Empereur, et en sapant, comme il l’a fait, le succès de ma mission, bien loin de rendre un service à l’Empereur, il pourrait, au contraire, avoir fait les affaires de l’Autriche. Toujours est-il que son procédé est impolitique et déplorable.

Je prierai Votre Éminence qu’elle veuille bien donner quelques assurances à cet égard à M. Balatchano qui aura l’honneur de lui présenter ses respectueux devoirs demain ou après-demain.

Quant à l’organisation de la Légion, elle marche aussi bien que possible, et j’aurai l’honneur d’envoyer à Votre Excellence diverses propositions à ce sujet. J’ai à cœur d’améliorer ce travail pour pouvoir nous montrer à nos compatriotes sur le champ de bataille, et leur montrer où est leur drapeau.

Que Votre Eminence veuille bien agréer l’expression de mon respectueux dévouement.

Général KLAPKA.

Le 24 juin, les armées alliées livrent et gagnent la bataille de Solférino. Le résultat majeur est donc obtenu et l’on peut penser que la Lombardie va être libre. Mais ce n’est pas là ce que désire seulement M. de Cavour.


Le Comte de Cavour au Prince Napoléon.


Turin, 1er juillet 1859.

Monseigneur,

Je remercie Votre Altesse de la lettre qu’elle a bien voulu m’écrire le 23 de ce mois de Bercetto. Je l’ai trouvée ici à mon retour du quartier général où le Roi m’avait appelé. Si je n’avais pas dû faire cette course, je me serais rendu avec empressement à l’invitation de Votre Altesse, et j’aurais été passer vingt-quatre heures à Parme avec elle. J’aurais été bien heureux de causer à fond sur bien des questions d’une solution excessivement difficile. Forcé, par l’immensité de la besogne que j’ai sur les bras, à renoncer au projet de faire une visite à Votre Altesse, je prends la liberté de traiter rapidement, par écrit, les points les plus intéressants que j’aurais désiré lui soumettre.

Pour le moment, je considère les questions de politique intérieure, même celle de la Romagne, comme d’une importance secondaire. L’essentiel, à mon avis, c’est d’empêcher qu’une intrigue diplomatique ne vienne empêcher l’accomplissement de l’œuvre admirable entreprise par l’Empereur, en arrêtant le cours victorieux des armées alliées sur l’Adige, sinon sur le Mincio.

Il parait qu’à Paris, le parti de la paix redouble d’efforts pour amener une médiation des Grandes Puissances sur les bases d’un nouveau Campo-Formio. Ce parti est secondé par lord Cowley, ennemi acharné de l’Italie, et de la Sardaigne en particulier, et il trouve dans le comte Kisseleff un appui auquel il ne s’attendait pas.

J’espère que cette intrigue sera déjouée. L’Empereur est trop généreux pour sacrifier une portion quelconque du peuple qu’il est venu régénérer. Mais elle pourrait lui créer des embarras, si on n’y prend garde. J’avoue que j’ai de la peine à pénétrer la pensée secrète de la Russie, et que je suis à me demander si elle veut la paix ou la guerre. Quoi qu’il en soit, il me paraît qu’elle ne peut exercer qu’une influence secondaire. Rien n’est à craindre tant que l’Angleterre ne se prononce pas contre notre programme. Alors, je sais de la manière la plus positive que lord Palmerston ne partage nullement les opinions et les sentiments de lord Cowley, et qu’il est très disposé à favoriser l’émancipation complète de l’Italie. Je suis persuadé que, si l’Empereur le faisait interpeller, il en recevrait des assurances très satisfaisantes.

Une fois tranquillisé du côté de la diplomatie, il n’y a plus à songer qu’à la guerre. Les armées alliées sont trop braves, elles sont dirigées par une intelligence trop supérieure, pour qu’il y ait lieu de douter du résultat final. Toutefois, je crois que notre but serait plus vite et plus complètement atteint, si nous pouvions pousser vigoureusement l’affaire de la Hongrie. Malheureusement, nos projets se trouvent entravés, pour ce qui a rapport à la formation de la Légion hongroise, par l’indécision, pour ne pas dire la désunion, qui règne dans le Comité hongrois, et quant aux préparatifs à faire en Hongrie, par l’état fâcheux où se trouvent les Principautés et la position embarrassante du prince Couza.

Malgré toute notre bonne volonté, et quoique j’aie brisé tous les obstacles administratifs, la formation de la Légion procède avec lenteur. Le général Klapka fait ce qu’il peut, mais il me paraît entravé par la partie civile du Comité. Non que Kossuth soit mal disposé, au contraire, j’ai été on ne peut plus satisfait de sa loyauté et de sa modération ; mais parce qu’il parait croire que la question de la Légion doive être subordonnée à la question de l’insurrection, ce qui est, à mon avis, une grande erreur. J’espère que Votre Altesse le fera comprendre à Kossuth et que celui-ci, au retour du camp, donnera au général Klapka un concours sincère.

La formation de la Légion n’est, pour les Hongrois, qu’une question secondaire, la principale pour eux est l’insurrection. Malheureusement, les préparatifs que celle-ci nécessite sont entravés par l’état des Principautés. Votre Altesse ayant vu M. Bratiano, chef du parti avancé, pouvant interroger M. Balatchano qui lui remettra cette lettre, en saura autant et plus que moi. Le prince Couza, devant faire fonctionner une constitution absurde et impossible en présence d’intérêts hostiles, combattu par l’influence des Grandes Puissances qui l’entourent, ne trouvant d’appui nulle part, ne sait que faire, il suit une marche incertaine qui risque de le conduire, lui et son pays, à une ruine complète. Cela serait très fâcheux pour la France qui a pris sous sa protection le Prince et les Roumains ; cela aurait des conséquences fatales pour la cause de la Hongrie. Je pense que ce danger pourrait être évité, si la France prenait à son égard une position nette et lui traçait d’une manière précise la marche qu’il doit suivre. Au contraire, les agents de cette Puissance lui donnent les conseils les plus disparates. Le consul de Bucarest l’engage à l’immobilité, tandis que celui de Jassy le pousse pour le faire aller grand train. M. Bratiano et M. Balatchano m’ayant demandé quel était le plus fidèle représentant des idées de l’Empereur, j’ai répondu sans hésiter que c’était M. Place ; mais je crains bien que les dépêches de M. Walewski ne contredisent cette assertion. Si Votre Altesse pouvait obtenir de l’Empereur que le consul de Bucarest, qui veut défranchiser (?) une personne alliée aux familles hostiles au Prince, fût remplacé par un second M. Place, je crois que le Prince pourrait encore marcher jusqu’à ce que la guerre ou les négociations amènent une modification à l’organisation qui a été imposée aux Principautés.

Il est une autre question relative à la guerre qui a pour nous une bien autre importance. Il serait difficile et trop long de la traiter par écrit. J’en ai causé avec M. Cipriani qui lui rendra compte de ma manière de voir à cet égard.

Gramont et Walewski sont parvenus à embrouiller les questions des Romagnes d’une singulière manière. Gramont, après avoir donné à Pepoli des instructions tout à fait révolutionnaires, après être venu me les communiquer au milieu de la nuit, jette maintenant feu et flamme contre le mouvement de Bologne et des autres villes des Légations. Il crie au sacrilège, à la profanation. Walewski, dans ses dépêches au prince de la Tour d’Auvergne, renchérit encore sur Gramont, et me menace des foudres du ciel. Je ne sais trop que répondre à ce singulier argument.

J’espère que, malgré Gramont, nous finirons par nous tirer d’affaire, mais ce sera avec une extrême difficulté. Je prie Votre Altesse d’excuser le décousu de cette lettre écrite au milieu d’interruptions continuelles et d’agréer l’hommage de mon respectueux dévouement.

C. CAVOUR.


Le 6 juillet, l’Empereur, averti des dispositions de la Prusse et de la Confédération germanique, envoie le général Fleury, son aide de camp, pour remettre une lettre autographe à l’empereur d’Autriche, lui proposant un armistice. Le général Fleury atteint l’empereur d’Autriche à Vérone. Le 14 juillet au matin, une entrevue a lieu à Villafranca entre l’empereur Napoléon III et l’empereur François-Joseph. Le même jour, l’empereur Napoléon envoie le Prince Napoléon à Vérone pour arrêter les bases de la paix. Après une négociation assez difficile, le Prince rentre à Valeggio, apportant l’acceptation de l’Autriche, « le Roi (de Sardaigne) est assez satisfait. L’Empereur m’embrasse et est très content. » Le récit qu’écrivit le lendemain le Prince Napoléon a été publié dans la Revue en 1909 (tome LII, p. 481 et suiv.). Cavour, voyant ainsi brisées ses espérances, donna bruyamment sa démission. L’Empereur, sur le rapport autographe du Prince, écrivait au crayon cette courte phrase qui résumait la situation tout entière : « Il ne faut pas oublier qu’après Austerlitz, vient Iéna. »

  1. Voyez la Revue des 1er janvier et 1er février.