L’Oiseau bleu (Maeterlinck)/Acte 4

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Librairie Charpentier et Fasquelle (p. 104-141).
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ACTE IV


Tableau VI

DEVANT LE RIDEAU


(Entrent Tyltyl, Mytyl, la Lumière, le Chien, le Chat, le Pain, le Feu, le Sucre, l’Eau et le Lait.)
LA LUMIÈRE

J’ai reçu un petit mot de la Fée Bérylune qui m’apprend que l’Oiseau-Bleu se trouve probablement ici…

TYLTYL

Où ça ?…

LA LUMIÈRE

Ici, dans le cimetière qui est derrière ce mur… Il paraît qu’un des morts de ce cimetière le cache dans sa tombe… Reste à savoir lequel… Il faudra qu’on les passe en revue…

TYLTYL

En revue ?… Comment qu’on fera ?…

LA LUMIÈRE

C’est bien simple : à minuit, pour ne pas trop les déranger, tu tourneras le Diamant. On les verra sortir de terre ; ou bien on apercevra au fond de leurs tombes ceux qui ne sortent pas…

TYLTYL

Ils ne seront pas fâchés ?…

LA LUMIÈRE

Nullement, ils ne s’en douteront même pas… Ils n’aiment pas qu’on les dérange ; mais comme de toutes façons ils ont coutume de sortir à minuit, cela ne les gênera pas…

TYLTYL

Pourquoi que le Pain, le Sucre et le Lait sont si pâles et pourquoi qu’ils ne disent rien ?…

LE LAIT, chancelant.

Je sens que je vais tourner…

LA LUMIÈRE, bas, à Tyltyl.

Ne fais pas attention… Ils ont peur des morts…

LE FEU, gambadant.

Moi, je n’en ai pas peur !… J’ai l’habitude de les brûler… Dans le temps, je les brûlais tous ; c’était bien plus amusant qu’aujourd’hui…

TYLTYL
Et pourquoi Tylô tremble-t-il ?… Est-ce qu’il a peur aussi ?
LE CHIEN, claquant des dents.

Moi ?… Je ne tremble pas !… Moi, je n’ai jamais peur ; mais si tu t’en allais, je m’en irais aussi…

TYLTYL

Et le Chat ne dit rien ?…

LE CHAT, mystérieux.

Je sais ce que c’est…

TYLTYL, à la Lumière.

Tu viendras avec nous ?…

LA LUMIÈRE

Non, il est préférable que je reste à la porte du cimetière avec les Choses et les Animaux… Les uns auraient trop peur, et je crains que les autres ne se conduisent pas convenablement… Le Feu, notamment, voudrait brûler les morts comme autrefois, et cela ne se fait plus. Je vais te laisser seul avec Mytyl…

TYLTYL

Et Tylô ne peut pas rester avec nous ?…

LE CHIEN

Si, si, je reste, je reste ici… Je veux rester près de mon petit dieu !…

LA LUMIÈRE
C’est impossible… L’ordre de la Fée est formel ; du reste, il n’y a rien à craindre…
LE CHIEN

Bien, bien, tant pis… S’ils sont méchants, mon petit dieu, tu n’as qu’à faire comme ça (Il siffle.) et tu verras… Ce sera comme dans la forêt : Wa ! Wa ! Wa !…

LA LUMIÈRE

Allons, adieu, mes chers petits… Je ne serai pas loin… (Elle embrasse les enfants.) Ceux qui m’aiment et que j’aime me retrouvent toujours… (Aux Choses et aux Animaux.) Par ici, vous autres…

(Elle sort avec les Choses et les Animaux. Les enfants restent seuls au milieu de la scène. Le rideau s’ouvre pour découvrir le septième tableau.)

Tableau VII

LE CIMETIÈRE


Il fait nuit. Clair de lune. Un cimetière de campagne. Nombreuses tombes, tertres de gazon, croix de bois, dalles funéraires, etc.

(Tyltyl et Mytyl sont debout près d’un cippe.)

MYTYL

J’ai peur !…

TYLTYL, assez peu rassuré.

Moi, je n’ai jamais peur…

MYTYL

C’est méchant, les morts, dis ?…

TYLTYL

Mais non, puisqu’ils ne vivent pas…

MYTYL

Tu en as déjà vu ?…

TYLTYL

Oui, une fois, dans le temps, lorsque j’étais très jeune…

MYTYL

Comment c’est fait, dis ?…

TYLTYL

C’est tout blanc, très tranquille et très froid, et ça ne parle pas…

MYTYL

Nous allons les voir, dis ?…

TYLTYL

Bien sûr, puisque la Lumière l’a promis…

MYTYL

Où c’est qu’ils sont, les morts ?…

TYLTYL

Ici, sous le gazon ou sous ces grosses pierres.

MYTYL

Ils sont là toute l’année ?…

TYLTYL

Oui.

MYTYL, montrant les dalles.

C’est les portes de leurs maisons ?…

TYLTYL

Oui.

MYTYL

Est-ce qu’ils sortent quand il fait beau ?…

TYLTYL

Ils ne peuvent sortir qu’à la nuit…

MYTYL

Pourquoi ?…

TYLTYL

Parce qu’ils sont en chemise…

MYTYL

Est-ce qu’ils sortent aussi quand il pleut ?

TYLTYL

Quand il pleut, ils restent chez eux…

MYTYL

C’est beau chez eux, dis ?…

TYLTYL

On dit que c’est fort étroit…

MYTYL

Est-ce qu’ils ont des petits enfants ?…

TYLTYL

Bien sûr ; ils ont tous ceux qui meurent…

MYTYL

Et de quoi vivent-ils ?…

TYLTYL

Ils mangent des racines…

MYTYL

Est-ce que nous les verrons ?…

TYLTYL

Bien sûr, puisqu’on voit tout quand le diamant est tourné.

MYTYL

Et qu’est-ce qu’ils diront ?…

TYLTYL

Ils ne diront rien, puisqu’ils ne parlent pas…

MYTYL

Pourquoi qu’ils ne parlent pas ?…

TYLTYL

Parce qu’ils n’ont rien à dire…

MYTYL

Pourquoi qu’ils n’ont rien à dire ?…

TYLTYL

Tu m’embêtes…

(Un silence.)
MYTYL

Quand tourneras-tu le diamant ?…

TYLTYL

Tu sais bien que la Lumière a dit d’attendre à minuit, parce qu’alors on les dérange moins…

MYTYL

Pourquoi qu’on les dérange moins ?…

TYLTYL

Parce que c’est l’heure où ils sortent prendre l’air.

MYTYL

Il n’est pas minuit ?…

TYLTYL

Vois-tu le cadran de l’église ?…

MYTYL

Oui, je vois même la petite aiguille…

TYLTYL

Et bien ! minuit va sonner… Là !… Tout juste… Entends-tu ?…

(On entend sonner les douze coups de minuit.)
MYTYL

Je veux m’en aller !…

TYLTYL

Ce n’est pas le moment… Je vais tourner le diamant…

MYTYL

Non, non !… Ne le fais pas !… Je veux m’en aller !… J’ai si peur, petit frère !… J’ai terriblement peur !…

TYLTYL

Mais il n’y a pas de danger…

MYTYL

Je ne veux pas voir les morts !… Je ne veux pas les voir !…

TYLTYL

C’est bon, tu ne les verras pas, tu fermeras les yeux…

MYTYL, s’accrochant aux vêtements de Tyltyl.

Tyltyl, je ne peux pas !… Non, ce n’est pas possible !… Ils vont sortir de terre !…

TYLTYL

Ne tremble pas ainsi… Ils ne sortiront qu’un moment…

MYTYL

Mais tu trembles aussi, toi !… Ils seront effrayants !…

TYLTYL

Il est temps, l’heure passe…

(Tyltyl tourne le diamant. Une terrifiante minute de silence et d’immobilité ; après quoi, lentement, les croix chancellent, les tertres s’entr’ouvrent, les dalles se soulèvent.)

MYTYL, se blottissant contre Tyltyl.

Ils sortent !… Ils sont là !…

(Alors, de toutes les tombes béantes monte graduellement une floraison d’abord grêle et timide comme une vapeur d’eau, puis blanche et virginale et de plus en plus touffue, de plus en plus haute, surabondante et merveilleuse, qui peu à peu, irrésistiblement, envahissant toutes choses, transforme le cimetière en une sorte de jardin féerique et nuptial, sur lequel ne tardent pas à se lever les premiers rayons de l’aube. La rosée scintille, les fleurs s’épanouissent, le vent murmure dans les feuilles, les abeilles bourdonnent, les oiseaux s’éveillent et inondent l’espace des premières ivresses de leurs hymnes au soleil et à la vie. Stupéfaits, éblouis, Tyltyl et Mytyl, se tenant par la main, font quelques pas parmi les fleurs en cherchant la trace des tombes.)
MYTYL, cherchant dans le gazon.

Où sont les morts ?…

TYLTYL, cherchant de même.

Il n’y a pas de morts…

RIDEAU

Tableau VIII

LE ROYAUME DE L’AVENIR


Les salles immenses du Palais d’Azur, où attendent les enfants qui vont naître. — Infinies perspectives de colonnes de saphir soutenant des voûtes de turquoise. Tout ici, depuis la lumière et les dalles de lapis-lazuli jusqu’aux pulvérulences du fond où se perdent les derniers arceaux, jusqu’aux moindres objets, est d’un bleu irréel, intense, féerique. Seuls les chapiteaux et les socles des colonnes, les clefs de voûte, quelques sièges quelques bancs circulaires sont de marbre blanc ou d’albâtre. — À droite, entre les colonnes, de grandes portes opalines. Ces portes, dont le Temps, vers la fin de la scène, écartera les battants, s’ouvrent sur la vie actuelle et les quais de l’Aurore. Partout, peuplant harmonieusement la salle, une foule d’enfants vêtus de longues robes azurées. — Les uns jouent, d’autres se promènent, d’autres causent ou songent ; beaucoup sont endormis, beaucoup aussi travaillent, entre les colonnades, aux inventions futures ; et leurs outils, leurs instruments, les appareils qu’ils construisent, les plantes, les fleurs et les fruits qu’ils cultivent ou qu’ils cueillent sont du même bleu surnaturel et lumineux que l’atmosphère générale du Palais. — Parmi les enfants, revêtues d’un azur plus pâle et plus diaphane, passent et repassent quelques figures de haute taille, d’une beauté souveraine et silencieuse, qui paraissent être des anges.


(Entrent à gauche, comme à la dérobée, en se glissant parmi les colonnes du premier plan, Tyltyl, Mytyl et la Lumière. Leur arrivée provoque un certain mouvement parmi les Enfants-Bleus qui bientôt accourent de toutes parts et se groupent autour des insolites visiteurs qu’ils contemplent avec curiosité.)
MYTYL

Où est le Sucre, le Chat et le bon Pain ?…

LA LUMIÈRE

Ils ne peuvent pas entrer ici ; ils connaîtraient l’avenir et n’obéiraient plus…

TYLTYL

Et le Chien ?…

LA LUMIÈRE

Il n’est pas bon, non plus, qu’il sache ce qui l’attend dans la suite des siècles… Je les ai emprisonnés dans les souterrains de l’église…

TYLTYL

Où sommes-nous ?…

LA LUMIÈRE

Nous sommes dans le Royaume de l’Avenir, au milieu des enfants qui ne sont pas encore nés. Puisque le Diamant nous permet de voir clair en cette région que les hommes n’aperçoivent pas, nous y trouverons fort probablement l’Oiseau-Bleu…

TYLTYL

Bien sûr que l’Oiseau sera bleu, puisque tout y est bleu… (Regardant tout autour de soi.) Dieu que c’est beau tout ça !…

LA LUMIÈRE

Regarde les enfants qui accourent…

TYLTYL

Est-ce qu’ils sont fâchés ?…

LA LUMIÈRE

Pas du tout… Tu vois bien, ils sourient, mais ils sont étonnés…

LES ENFANTS-BLEUS, accourant de plus en plus nombreux.

Des petits Vivants !… Venez voir les petits Vivants !…

TYLTYL

Pourquoi qu’ils nous appellent « les petits Vivants » ?…

LA LUMIÈRE

Parce qu’eux, ils ne vivent pas encore…

TYLTYL

Qu’est-ce qu’ils font alors ?…

LA LUMIÈRE

Ils attendent l’heure de leur naissance…

TYLTYL

L’heure de leur naissance ?…

LA LUMIÈRE

Oui ; c’est d’ici que viennent tous les enfants qui naissent sur notre Terre. Chacun attend son jour… Quand les Pères et les Mères désirent des enfants, on ouvre les grandes portes que tu vois là, à droite ; et les petits descendent…

TYLTYL

Y en a-t-il ! Y en a-t-il !…

LA LUMIÈRE

Il y en a bien davantage… On ne les voit pas tous… Pense donc, il en faut de quoi peupler la fin des temps… Personne ne saurait les compter…

TYLTYL

Et ces grandes personnes bleues, qu’est-ce que c’est ?…

LA LUMIÈRE

On ne sait plus au juste… On croit que ce sont des gardiennes… On dit qu’elles viendront sur terre après les hommes… Mais il n’est pas permis de les interroger…

TYLTYL

Pourquoi ?

LA LUMIÈRE

Parce que c’est le secret de la Terre…

TYLTYL

Et les autres, les petits, on peut leur parler ?…

LA LUMIÈRE

Bien sûr, il faut faire connaissance… Tiens, en voilà un plus curieux que les autres… Approche-toi, parle-lui…

TYLTYL

Qu’est-ce qu’il faut lui dire ?…

LA LUMIÈRE

Ce que tu voudras, comme à un petit camarade…

TYLTYL

Est-ce qu’on peut lui donner la main ?

LA LUMIÈRE

Évidemment, il ne te fera pas de mal… Mais voyons, n’aie donc pas l’air si emprunté… Je vais vous laisser seuls, vous serez plus à l’aise entre vous… J’ai d’ailleurs à causer avec la Grande-personne Bleue…

TYLTYL, s’approchant de l’Enfant-Bleu et lui tendant la main.

Bonjour !… (Touchant du doigt la robe bleue de l’Enfant.) Qu’est-ce que c’est que ça ?

L’ENFANT, touchant gravement du doigt le chapeau de Tyltyl.

Et ça ?…

TYLTYL

Ça ?… C’est mon chapeau… Tu n’as pas de chapeau ?…

L’ENFANT

Non ; pourquoi c’est faire ?…

TYLTYL

C’est pour dire bonjour… Et puis, pour quand il fait froid…

L’ENFANT

Qu’est-ce que c’est faire froid ?…

TYLTYL

Quand on tremble comme ça : brrr ! brrr !… qu’on souffle dans ses mains et qu’on fait aller les bras comme ceci…

(Il se brasse vigoureusement.)
L’ENFANT

Il fait froid sur la Terre ?…

TYLTYL

Mais oui, des fois, l’hiver, quand on n’a pas de feu…

L’ENFANT

Pourquoi qu’on n’en a pas ?…

TYLTYL

Parce que ça coûte cher et qu’il faut de l’argent pour acheter du bois…

L’ENFANT

Quoi que c’est de l’argent ?

TYLTYL

C’est avec quoi l’on paie…

L’ENFANT

Ah !…

TYLTYL

Il y en a qui en ont, d’autres qui n’en ont point…

L’ENFANT

Pourquoi ?…

TYLTYL

C’est qu’ils ne sont pas riches… Est-ce que tu es riche ?… Quel âge as-tu ?…

L’ENFANT

Je vais naître bientôt… Je naîtrai dans douze ans… Est-ce que c’est bon, naître ?…

TYLTYL

Oh oui !… C’est amusant !…

L’ENFANT

Comment que tu as fait ?…

TYLTYL

Je ne me rappelle plus… Il y a si longtemps !…

L’ENFANT

On dit que c’est si beau, la Terre et les Vivants !…

TYLTYL

Mais oui, ce n’est pas mal… Il y a des oiseaux, des gâteaux, des jouets… Quelques-uns les ont tous ; mais ceux qui n’en ont pas peuvent regarder les autres…

L’ENFANT

On nous dit que les mères attendent à la porte… Elles sont bonnes, est-ce vrai ?…

TYLTYL

Oh oui !… Elles sont meilleures que tout ce qu’il y a !… Les bonnes-mamans aussi ; mais elles meurent trop vite…

L’ENFANT

Elles meurent ?… Qu’est-ce que c’est ça ?…

TYLTYL

Elles s’en vont un soir, et ne reviennent plus…

L’ENFANT

Pourquoi ?…

TYLTYL

Est-ce qu’on sait ?… Peut-être qu’elles sont tristes…

L’ENFANT

Elle est partie, la tienne ?…

TYLTYL

Ma bonne-maman ?…

L’ENFANT

Ta maman ou ta bonne-maman, est-ce que je sais, moi ?…

TYLTYL

Ah ! mais, ça n’est pas la même chose !… Les bonnes-mamans s’en vont d’abord ; c’est déjà assez triste… La mienne était très bonne…

L’ENFANT

Qu’est-ce qu’ils ont, tes yeux ?… Est-ce qu’ils font des perles ?…

TYLTYL

Mais non ; c’est pas des perles…

L’ENFANT

Qu’est-ce que c’est alors ?…

TYLTYL

C’est rien, c’est tout ce bleu qui m’éblouit un peu…

L’ENFANT

Comment que ça s’appelle ?…

TYLTYL

Quoi ?…

L’ENFANT

Là, ce qui tombe ?…

TYLTYL

C’est rien, c’est un peu d’eau…

L’ENFANT

Est-ce qu’elle sort des yeux ?…

TYLTYL

Oui, des fois, quand on pleure…

L’ENFANT

Qu’est-ce que c’est pleurer ?

TYLTYL

Moi, je n’ai pas pleuré ; c’est la faute à ce bleu… Mais si j’avais pleuré ce serait la même chose…

L’ENFANT

Est-ce qu’on pleure souvent ?…

TYLTYL

Pas les petits garçons, mais les petites filles… On ne pleure pas ici ?…

L’ENFANT

Mais non, je ne sais pas…

TYLTYL

Eh bien, tu apprendras… Avec quoi que tu joues, ces grandes ailes bleues ?…

L’ENFANT

Ça ?… C’est pour l’invention que je ferai sur Terre…

TYLTYL

Quelle invention ?… Tu as donc inventé quelque chose ?…

L’ENFANT

Mais oui, tu ne sais pas ?… Quand je serai sur Terre, il faudra que j’invente la Chose qui rend Heureux…

TYLTYL

Est-elle bonne à manger ?… Est-ce qu’elle fait du bruit ?…

L’ENFANT

Mais non, on n’entend rien…

TYLTYL

C’est dommage…

L’ENFANT

J’y travaille chaque jour… Elle est presque achevée… Veux-tu voir ?…

TYLTYL

Bien sûr… Où donc est-elle ?…

L’ENFANT

Là, on la voit d’ici, entre ces deux colonnes… ?

UN AUTRE ENFANT-BLEU, s’approchant de Tyltyl
et le tirant par la manche.

Veux-tu voir la mienne, dis ?…

TYLTYL

Mais quoi, qu’est-ce que c’est ?…

DEUXIÈME ENFANT

Les trente-trois remèdes pour prolonger la vie… Là, dans ces flacons bleus…

TROISIÈME ENFANT, sortant de la foule.

Moi, j’apporte une lumière que personne ne connaît !… (Il s’illumine tout entier d’une flamme extraordinaire.) C’est assez curieux, pas ?…

QUATRIÈME ENFANT, tirant Tyltyl par le bras.

Viens donc voir ma machine qui vole dans les airs comme un oiseau sans ailes !…

CINQUIÈME ENFANT

Non, non ; d’abord la mienne qui trouve les trésors qui se cachent dans la lune !…

(Les Enfants-Bleus s’empressent autour de Tyltyl et de Mytyl en criant tous ensemble : Non, non, viens voir la mienne !… Non, la mienne est plus belle !… La mienne est étonnante !… La mienne est tout en sucre !… La sienne n’est pas curieuse… Il m’en a pris l’idée !… etc., etc. Parmi ces exclamations désordonnées, on entraîne les petits Vivants du côté des ateliers bleus ; et là, chacun des inventeurs met en mouvement sa machine idéale. C’est un tournoiement céruléen de roues, de disques, de volants, d’engrenages, de poulies, de courroies, d’objets étranges et encore innommés qu’enveloppent les bleuâtres vapeurs de l’irréel. Une foule d’appareils bizarres et mystérieux s’élancent et planent sous les voûtes, ou rampent au pied des colonnes, tandis que des enfants déroulent des cartes et des plans, ouvrent des livres, découvrent des statues azurées, apportent d’énormes fleurs, de gigantesques fruits qui semblent formés de saphirs et de turquoises.)
UN PETIT ENFANT-BLEU, courbé sous le poids
de colossales pâquerettes d’azur.

Regardez donc mes fleurs !…

TYLTYL

Qu’est-ce que c’est ?… Je ne les connais pas…

LE PETIT ENFANT-BLEU

Ce sont des pâquerettes !…

TYLTYL

Pas possible !… Elles sont grandes comme des roues…

LE PETIT ENFANT-BLEU

Et ce qu’elles sentent bon !…

TYLTYL, les humant.

Prodigieux !…

LE PETIT ENFANT-BLEU

Elles seront comme ça quand je serai sur Terre…

TYLTYL

Quand donc ?…

LE PETIT ENFANT-BLEU

Dans cinquante-trois ans, quatre mois et neuf jours…

(Arrivent deux Enfants-Bleus qui portent comme un lustre, pendue à une perche, une invraisemblable grappe de raisins dont les baies sont plus grosses que des poires.)

L’UN DES ENFANTS QUI PORTENT LA GRAPPE

Que dis-tu de mes fruits ?…

TYLTYL

Une grappe de poires !…

L’ENFANT

Mais non, c’est des raisins !… Ils seront tous ainsi, lorsque j’aurai trente ans… J’ai trouvé le moyen…

UN AUTRE ENFANT, écrasé sous une corbeille de pommes bleues
grosses comme des melons.

Et moi !… Voyez mes pommes !…

TYLTYL

Mais ce sont des melons !…

L’ENFANT

Mais non !… Ce sont mes pommes, et les moins belles encore !… Toutes seront de même quand je serai vivant… J’ai trouvé le système !…

UN AUTRE ENFANT, apportant sur une brouette bleue
des melons bleus plus gros que des citrouilles.

Et mes petits melons ?…

TYLTYL

Mais ce sont des citrouilles !…

L’ENFANT AUX MELONS

Quand je viendrai sur terre, les melons seront fiers !… Je serai le jardinier du Roi des neuf Planètes…

TYLTYL

Le Roi des neuf Planètes ?…

L’ENFANT AUX MELONS

Ce sera le grand roi qui durant trente-cinq ans fera le bonheur de la Terre, de Mars et de la Lune… On peut le voir d’ici…

TYLTYL

Où est-il ?…

L’ENFANT AUX MELONS

Là, le petit qui dort au pied de la colonne…

TYLTYL

À gauche ?…

L’ENFANT AUX MELONS

Non, à droite… À gauche c’est le petit qui apportera la joie pure sur le globe…

TYLTYL

Comment ?…

L’ENFANT, celui qui vint le premier à la rencontre de Tyltyl.

Par des idées qu’on n’a pas encore eues…

TYLTYL

Et l’autre, le petit gros qui a les doigts dans le nez, qu’est-ce qu’il fera, lui ?…

L’ENFANT

Il doit trouver le feu pour réchauffer la Terre quand le soleil sera plus pâle…

TYLTYL

Et les deux qui se tiennent par la main et s’embrassent tout le temps ; est-ce qu’ils sont frère et sœur ?…

L’ENFANT

Mais non, ils sont très drôles… Ce sont les Amoureux…

TYLTYL

Qu’est-ce que c’est ?…

L’ENFANT

Je ne sais pas… C’est le Temps qui les appelle ainsi pour s’en moquer… Ils se regardent tout le jour dans les yeux, ils s’embrassent et se disent adieu…

TYLTYL

Pourquoi ?

L’ENFANT

Il paraît qu’ils ne pourront pas partir ensemble…

TYLTYL

Et le petit tout rose, qui semble si sérieux et qui suce son pouce, qu’est-ce que c’est ?…

L’ENFANT

Il paraît qu’il doit effacer l’injustice sur la Terre…

TYLTYL

Ah !…

L’ENFANT

On dit que c’est un travail effrayant…

TYLTYL

Et le petit rousseau qui marche comme s’il n’y voyait pas. Est-ce qu’il est aveugle ?…

L’ENFANT

Pas encore ; mais il le deviendra… Regarde-le bien ; il paraît qu’il doit vaincre la Mort…

TYLTYL

Qu’est-ce que ça veut dire ?…

L’ENFANT

Je ne sais pas au juste ; mais on dit que c’est grand…

TYLTYL, montrant une foule d’enfants endormis au pied des colonnes,
sur les marches, les bancs, etc.

Et tous ceux-là qui dorment, — comme il y en a qui dorment ! est-ce qu’ils ne font rien ?…

L’ENFANT

Ils pensent à quelque chose…

TYLTYL

À quoi ?…

L’ENFANT

Ils ne le savent pas encore ; mais ils doivent apporter quelque chose sur la Terre ; il est défendu de sortir les mains vides…

TYLTYL

Qui est-ce qui le défend ?…

L’ENFANT

C’est le Temps qui se tient à la porte… Tu verras quand il ouvrira… Il est bien embêtant…

UN ENFANT, accourant du fond de la salle, en fendant la foule.

Bonjour, Tyltyl !…

TYLTYL

Tiens !… Comment sait-il mon nom ?…

L’ENFANT, qui vient d’accourir et qui embrasse
Tyltyl et Mytyl avec effusion.

Bonjour !… Ça va bien ?… — Voyons, embrasse-moi, et toi aussi, Mytyl… Ce n’est pas étonnant que je sache ton nom, puisque je serai ton frère… On vient seulement de me dire que tu es là… J’étais tout au bout de la salle, en train d’emballer mes idées… Dis à maman que je suis prêt…

TYLTYL

Comment ?… Tu comptes venir chez nous ?

L’ENFANT

Bien sûr, l’année prochaine, le dimanche des Rameaux… Ne me tourmente pas trop quand je serai petit… Je suis bien content de vous avoir embrassés d’avance… — Dis à Papa qu’il répare le berceau… Est-ce qu’on est bien chez nous ?…

TYLTYL

Mais on n’y est pas mal… Et Maman est si bonne !…

L’ENFANT

Et la nourriture ?…

TYLTYL

Ça dépend… Il y a même des jours où l’on a des gâteaux, n’est-il pas vrai, Mytyl ?…

MYTYL

Au Nouvel An et le Quatorze Juillet… C’est maman qui les fait…

TYLTYL

Qu’as-tu là, dans ce sac ?… Tu nous apportes quelque chose ?…

L’ENFANT, très fièrement.

J’apporte trois maladies : la fièvre scarlatine, la coqueluche et la rougeole…

TYLTYL

Eh bien, si c’est tout ça !… Et après, que feras-tu ?…

L’ENFANT

Après ?… Je m’en irai…

TYLTYL

Ce sera bien la peine de venir !…

L’ENFANT

Est-ce qu’on a le choix ?…

(À ce moment, on entend s’élever et se répandre une sorte de vibration prolongée, puissante et cristalline qui semble émaner des colonnes et des portes d’opale que touche une lumière plus vive.)

TYLTYL

Qu’est-ce que c’est ?…

UN ENFANT

C’est le Temps !… Il va ouvrir les portes !…

(Aussitôt, un vaste remous se propage dans la foule des Enfants-Bleus. La plupart quittent leurs machines et leurs travaux, de nombreux dormeurs s’éveillent, et les uns comme les autres tournent les yeux vers les portes d’opale et se rapprochent de celles-ci.)

LA LUMIÈRE, rejoignant Tyltyl.

Tâchons de nous dissimuler derrière les colonnes… Il ne faut pas que le Temps nous découvre…

TYLTYL

D’où vient ce bruit ?…

UN ENFANT

C’est l’Aurore qui se lève… C’est l’heure où les enfants qui naîtront aujourd’hui vont descendre sur Terre…

TYLTYL

Comment qu’ils descendront ?… Il y a des échelles ?…

L’ENFANT

Tu vas voir… Le Temps tire les verrous…

TYLTYL

Qu’est-ce que c’est le Temps ?…

L’ENFANT

C’est un vieil homme qui vient appeler ceux qui partent…

TYLTYL

Est-ce qu’il est méchant ?…

L’ENFANT

Non, mais il n’entend rien… On a beau supplier, quand ce n’est pas leur tour, il repousse tous ceux qui voudraient s’en aller…

TYLTYL

Est-ce qu’ils sont heureux de partir ?

L’ENFANT

On n’est pas content quand on reste ; mais on est triste quand on s’en va… Là ! Là !… Voilà qu’il ouvre !…

(Les grandes portes opalines roulent lentement sur leurs gonds. On entend, comme une musique lointaine, les rumeurs de la Terre. Une clarté rouge et verte pénètre dans la salle ; et le Temps, haut vieillard à la barbe flottante, armé de sa faux et de son sablier, paraît sur le seuil, tandis qu’on aperçoit l’extrémité des voiles blanches et dorées d’une galère amarrée à une sorte de quai que forment les vapeurs roses de l’Aurore.)
LE TEMPS, sur le seuil.

Ceux dont l’heure est sonnée sont-ils prêts ?…

DES ENFANTS-BLEUS, fendant la foule et accourant de toutes parts.

Nous voici !… Nous voici !… Nous voici !…

LE TEMPS, d’une voix bourrue,
aux enfants qui défilent devant lui pour sortir.

Un à un !… Il s’en présente encore beaucoup plus qu’il n’en faut !… C’est toujours la même chose !… On ne me trompe pas !… (Repoussant un enfant.) Ce n’est pas ton tour !… Rentre, c’est pour demain… Toi non plus, rentre donc et reviens dans dix ans… Un treizième berger ?… Il n’en fallait que douze ; on n’en a plus besoin, nous ne sommes plus au temps de Théocrite ou de Virgile… Encore des médecins ?… Il y en a déjà trop ; on s’en plaint sur la Terre… Et les ingénieurs, où sont-ils ?… On veut un honnête homme, un seul, comme phénomène… Où donc est l’honnête homme ?… C’est toi ?… (L’enfant fait signe que oui.) Tu m’as l’air bien chétif… tu ne vivras pas longtemps !… Holà, vous autres, là, pas si vite !… Et toi, qu’apportes-tu ?… Rien du tout ? les mains vides ?… Alors on ne passe pas… Prépare quelque chose, un grand crime, si tu veux, ou une maladie, moi, cela m’est égal… mais il faut quelque chose… (Avisant un petit que d’autres poussent en avant et qui résiste de toutes ses forces.) Eh bien, toi, qu’as-tu donc ?… Tu sais bien que c’est l’heure… On demande un héros qui combatte l’Injustice ; c’est toi, il faut partir…

LES ENFANTS-BLEUS

Il ne veut pas, monsieur…

LE TEMPS

Comment ?… Il ne veut pas ?… Où donc se croit-il, ce petit avorton ?… Pas de réclamations, nous n’avons pas le temps…

LE PETIT, que l’on pousse.

Non, non !… Je ne veux pas !… J’aime mieux ne pas naître !… J’aime mieux rester ici !…

LE TEMPS

Il ne s’agit pas de ça… Quand c’est l’heure, c’est l’heure !… Allons, vite, en avant !…

UN ENFANT, avançant.

Oh ! laissez-moi passer !… J’irai prendre sa place !… On dit que mes parents sont vieux et m’attendent depuis si longtemps !…

LE TEMPS

Pas de ça… L’heure est l’heure et le temps est le temps… On n’en finirait pas si l’on vous écoutait… L’un veut, l’autre refuse, c’est trop tôt, c’est trop tard… (Écartant des enfants qui ont envahi le seuil.) Pas si près, les petits… Arrière les curieux… Ceux qui ne partent pas n’ont rien à voir dehors… Maintenant vous avez hâte ; puis, votre tour venu, vous aurez peur et vous reculerez… Tenez, en voilà quatre qui tremblent comme des feuilles… (À un enfant qui, sur le point de franchir le seuil, rentre brusquement.) Eh bien, quoi ?… Qu’as-tu donc ?…

L’ENFANT

J’ai oublié la boîte qui contient les deux crimes que je devrai commettre…

UN AUTRE ENFANT

Et moi le petit pot qui renferme l’idée pour éclairer les foules…

TROISIÈME ENFANT

J’ai oublié la greffe de ma plus belle poire !…

LE TEMPS

Courez vite les chercher !… Il ne nous reste plus que six cent douze secondes… La galère de l’Aurore bat déjà des voiles pour montrer qu’elle attend… Vous arriverez trop tard et vous ne naîtrez plus… Allons, vite, embarquons !… (Saisissant un enfant qui veut lui passer entre les jambes pour gagner le quai.) Ah ! toi, non, par exemple !… C’est la troisième fois que tu essayes de naître avant ton tour… Que je ne t’y prenne plus, sinon ce sera l’attente éternelle près de ma sœur l’Éternité ; et tu sais qu’on ne s’y amuse pas… Mais voyons, sommes-nous prêts ?… Tout le monde est à son poste ?… (Parcourant du regard les enfants réunis sur le quai ou déjà assis dans la galère.) Il en manque encore un… Il a beau se cacher, je le vois dans la foule… On ne me trompe pas… Allons, toi, le petit qu’on appelle l’Amoureux, dis adieu à ta belle…

(Les deux petits qu’on appelle « les Amoureux », tendrement enlacés et le visage livide de désespoir, s’avancent vers le Temps et s’agenouillent à ses pieds.)
PREMIER ENFANT

Monsieur le Temps, laissez-moi partir avec lui !…

DEUXIÈME ENFANT

Monsieur le Temps, laissez-moi rester avec elle !…

LE TEMPS

Impossible !… Il ne nous reste plus que trois cent quatre-vingt-quatorze secondes…

PREMIER ENFANT

J’aime mieux ne pas naître !…

LE TEMPS

On n’a pas le choix…

DEUXIÈME ENFANT, suppliant.

Monsieur le Temps, j’arriverai trop tard !…

PREMIER ENFANT

Je ne serai plus là quand elle descendra !…

DEUXIÈME ENFANT

Je ne le verrai plus !…

PREMIER ENFANT

Nous serons seuls au monde !…

LE TEMPS

Tout ça ne me regarde pas… Réclamez auprès de la Vie… Moi, j’unis, je sépare, selon ce qu’on m’a dit… (Saisissant l’un des enfants.) Viens !…

PREMIER ENFANT, se débattant.

Non, non, non !… Elle aussi !…

DEUXIÈME ENFANT, s’accrochant aux vêtements du premier.

Laissez-le !… Laissez-le !…

LE TEMPS

Mais voyons, ce n’est pas pour mourir, c’est pour vivre !… (Entraînant le premier enfant.) Viens !…

DEUXIÈME ENFANT, tendant éperdument les bras
vers l’enfant qu’on enlève.

Un signe !… Un seul signe !… Dis-moi, comment te retrouver !…

PREMIER ENFANT

Je t’aimerai toujours !…

DEUXIÈME ENFANT

Je serai la plus triste !… Tu me reconnaîtras !…

(Elle tombe et reste étendue sur le sol.)
LE TEMPS

Vous feriez beaucoup mieux d’espérer… Et maintenant, c’est tout… (Consultant son sablier.) Il ne nous reste plus que soixante-trois secondes…

(Derniers et violents remous parmi les enfants qui partent et qui demeurent. — On échange des adieux précipités : « Adieu, Pierre !… Adieu Jean… As-tu tout ce qu’il faut ?… Annonce ma pensée !… — As-tu le nouveau carburateur ?… — Parle de mes melons !… — N’as-tu rien oublié ?… — Tâche de me reconnaître !… — Je te retrouverai !… — Ne perds pas tes idées !… — Ne te penche pas trop sur l’Espace !… — Donne-moi de tes nouvelles !… — On dit qu’on ne peut pas !… Si, si !… essaie toujours !… — Tâche de dire si c’est beau !… — J’irai à ta rencontre !… — Je naîtrai sur un trône !… etc., etc. »)

LE TEMPS, agitant ses clefs et sa faux.

Assez ! assez !… L’ancre est levée !…

(Les voiles de la galère passent et disparaissent. On entend s’éloigner les cris des enfants dans la galère : « Terre !… terre !… Je la vois !… Elle est belle !… Elle est claire !… Elle est grande !… » Puis, comme sortant du fond de l’abîme, un chant extrêmement lointain d’allégresse et d’attente.)

TYLTYL, à la Lumière.

Qu’est-ce ?… Ce n’est pas eux qui chantent… On dirait d’autres voix…

LA LUMIÈRE

Oui, c’est le chant des Mères qui viennent à leur rencontre…

(Cependant, le Temps referme les portes opalines. Il se retourne pour jeter un dernier regard dans la salle, et soudain aperçoit Tyltyl, Mytyl et la Lumière.)

LE TEMPS, stupéfait et furieux.

Qu’est-ce que c’est ?… Que faites-vous ici ?… Qui êtes-vous ?… Pourquoi n’êtes-vous pas bleus ?… Par où êtes-vous entrés ?…

(Il s’avance en les menaçant de sa faux.)
LA LUMIÈRE, à Tyltyl.

Ne réponds pas !… J’ai l’Oiseau-Bleu… Il est caché sous ma mante… Sauvons-nous… Tourne le Diamant, il perdra notre trace…

(Ils s’esquivent à gauche, entre les colonnes du premier plan.)

RIDEAU