L’Onanisme (Tissot 1769)/Article 1/Section 2

La bibliothèque libre.


SECTION II.


Observations communiquées.


Je ne suivrai d’autre ordre que celui des dates de réception. J’ai vu, me dit mon illustre ami, M. Zimmermann, un homme de ving-trois ans qui devint épileptique, après s’être affoibli le corps par de fréquentes manustuprations. Toutes les fois qu’il avoit des pollutions nocturnes il tomboit dans un accès d’épilepsie parfait. La même chose lui arrivoit après les manustuprations, dont il ne s’abstenoit point, malgré les accidens & tout ce que l’on pouvoit lui dire. Quand l’accès étoit passé, il éprouvoit des douleurs très-fortes aux reins & autour du coccyx. Cependant ayant enfin cessé cette manœuvre pendant quelque temps, je le guéris des pollutions, & j’espérai même de le guérir de l’épilepsie, dont les accès avoient déjà disparu. Il avoit repris les forces, l’appétit, le sommeil, & une très-belle couleur, après avoir ressemblé à un cadavre. Mais, étant revenu à ses masturbations, qui étoient toujours suivies d’une attaque, il eut enfin les accès dans les rues même, & on le trouva mort un matin dans sa chambre, tombé hors de son lit, & baigné dans son sang. Qu’on me permette ici une question qui se présenta à moi quand je lus cette observation : ceux qui se tuent d’un coup de pistolet, qui se noient volontairement, ou qui s’égorgent, sont ils plus comptables de leur mort, sont-ils plus suicidés que cet homme ci ? Sans entrer dans le détail, mon ami ajoute qu’il en connoît un autre qui est dans le même cas : j’ai appris, depuis, qu’il avoit fini de la même manière. J’ai connu, (c’est encore M. Zimmermann qui parle), un homme d’un très-beau génie, & d’un sçavoir presqu’universel, à qui de fréquentes pollutions avoient fait perdre toute l’activité de son esprit, & dont le corps étoit exactement dans l’état de celui du malade qui consulta M. Boerhaave[1], & que je rapporterai ailleurs.

Je dois les deux faits suivants à M. Raft le fils, célèbre Médecin de Lyon, avec qui j’ai eu le plaisir de passer quelques mois à Montpellier. Un jeune homme de Monpellier, étudiant en Médecine, mourut par l’excès de ces sortes de débauches. L’idée de son crime avoit tellement frappé son esprit, qu’il mourut dans une espece de désespoir, croyant voir l’enfer ouvert à ses côtés, prêt à le recevoir. Un enfant de cette ville, âgé de six ou sept ans, instruit, je crois, par une servante, se pollua si souvent, que la fièvre lente qui survint l’emmena bientôt. Sa fureur pour cet acte étoit si grande, qu’on ne put l’en empêcher jusqu’aux derniers jours de sa vie. Lorsqu’on lui représentoit qu’il hâtoit sa mort, il se consoloit, en disant qu’il iroit plutôt trouver son père, mort depuis quelques mois.

M. Mieg, célèbre Médecin de Basle, connu dans le monde sçavant par d’excellentes dissertations, & à qui sa patrie a l’obligation de l’inoculation, qu’il continue avec autant de succès que d’habileté, m’a communiqué une lettre de M. le Professeur Stehelin, nom cher aux lettres, dans laquelle j’ai trouvé plusieurs observations intéressantes & utiles. J’en réserve quelques-unes pour la suite de cet Ouvrage, où elles seront mieux placées, c’est ici le lieu des deux autres. Le fils de M ***, âgé de quatorze à quinze ans, est mort de convulsions, & d’une espece d’épilepsîe, dont l’origine venoit uniquement de la masturbation : il a été traité inutilement par les Médecins les plus expérimentés de notre ville. Je connois aussi une jeune Demoiselle de douze à treize ans qui, par cette détestable manœuvre, s’est attiré une consomption, avec le ventre gros & tendu, une perte blanche, & une incontinence d’urine. Quoique les remèdes l’aient soulagée, elle languit toujours, & je crains des suites funestes.

  1. Consul. Med. c. II, p. 36.