L’Orbe pâle/Il est des poulpes, petits et translucides

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Eugène Figuière et Cie (p. 111-112).


IL est des poulpes, petits et translucides. Il y en a des roses, il y en a des bleus, il y en a des verts. Dans les jours chauds, quand la mer est paisible jusqu’à sembler morte, ils flottent à la surface. Ils semblent de grands champignons à plusieurs racines. Il y en a des roses, il y en a des bleus, il y en a des verts. Dans le calme de la mer et du ciel, ils flottent à la surface de l’eau.

Ils sont venimeux comme les grands champignons vénéneux qu’ils évoquent.

Sur la chair, qu’insidieusement ils ont frôlé, ils laissent une trace rouge qui gonfle et brûle, une trace qui demeure de longs jours. Ce sont les champignons de la mer, de grands champignons mobiles, mobiles dans l’eau où ils flottent dans les jours calmes.

Il y en a des roses, il y en a des bleus, il y en a des verts.

Ils m’inquiètent. J’explore la surface de l’eau, autour de moi, mais l’eau du large vient sans cesse sur moi, et l’eau qui a touché la rive retourne sans cesse sous moi.

Les petits poulpes roses, bleus ou verts m’inquiètent, et je ne crains pas leur venin. Mais moi qui ne redoute pas la mort au fond de l’abîme marin, j’ai peur, effroyablement peur, de l’inattendu contact visqueux et mou, avec ma chair, des choses mystérieuses de la mer.

Et les poulpes roses, bleus et verts, inlassablement, à la surface de la mer m’attendent. Et ces poulpes sont des méduses.