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L’Origine de nos Idees du Sublime et du Beau\PIII IX

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Traduction par E. Lagentie de Lavaïsse.
Pichon et Depierreux (p. 195-196).

SECTION IX.
La perfection n’est pas la cause de la beauté.

C’est une notion généralement reçue, et assez étroitement liée à la précédente, que la perfection est la cause constituante de la beauté. Cette opinion s’étend beaucoup plus loin qu’aux objets sensibles. Mais, en ceux-ci, il s’en faut tant que la perfection considérée en elle-même, soit la cause de la beauté, que cette dernière qualité, chez les femmes où elle se trouve au plus haut degré, emporte presque toujours avec elle une idée de faiblesse et d’imperfection. Les femmes le savent très-bien ; c’est pourquoi elles s’étudient à grasseyer, à chanceler dans leur démarche, à imiter la faiblesse et même la maladie. C’est la nature qui leur donne cette leçon. La beauté souffrante est la plus touchante des beautés. La rougeur a presque autant de pouvoir ; et la modestie en général, qui est un aveu tacite d’imperfection, est elle-même regardée comme une qualité aimable, qui répand un nouveau charme sur toutes celles qui le sont. Je sais que partout on répète que nous devons aimer la perfection. Ce m’est une preuve suffisante qu’elle n’est pas l’objet propre de l’amour. Qui jamais s’avisa de dire que nous devons aimer une belle femme, ou même quel qu’un de ces beaux animaux qui nous plaisent ? Ici, pour être touché, on n’a nul besoin du concours de la volonté.