L’Origine de nos Idees du Sublime et du Beau/PII VI

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Traduction par E. Lagentie de Lavaïsse.
Pichon et Depierreux (p. 127-128).

SECTION VI.
La privation.

Toutes les privations générales sont grandes, parce qu’elles sont toutes terribles ; le vide, les ténèbres, la solitude, et le silence. Avec quel feu d imagination, mais avec quelle sévérité de jugement, Virgile a accumulé toutes ces cir constances aux portes des enfers, sachant que toutes les images d’une dignité effroyable de vaient être rassemblées dans ce lieu de déso lation. Là, avant de pénétrer dans les mystères du grand abîme, il semble être saisi d’une reli gieuse horreur, et reculer étonné de l’audace de son dessein :

Di quibus imperium, est animamm umbraeque silentesi
Et Chaos, et Phlegton ! Loca nocte silentia late !
Sit mihi fas audita loqui ! Sit numine vestro
Pandere res alla terra et caligine mersas !
lbant obscuri, sola sub nocte, per umbram,
Perque domos ditis vacuas, et inania regna.

[1] Dieux puissans qui régnez sur les demeures sombres !
Styx, Chaos, Phlegeton, silencieuses ombres,
Pardonnez si ma main soulève le rideau
Qui dérobe aux vivans les secrets du tombeau.
Seuls dans l’épaisse nuit de ces royaumes vides,
Que la mort a peuplés de fantômes livides,
Ils marchaient, comme on voit errer le voyageur,
Qui franchit les guérets et les bois sans couleur,
Quand la pâle Phaebé sur sa route incertaine
Jette un rayon mourant qu’il entrevoit à peine.

Jette un rayon mourant qu’il entrevoit Gaston.

  1. M. Burke rapporte à la suite des vers de Virgile une excellente traduction en vers qu’en a faite M.