L’Origine de nos Idees du Sublime et du Beau/PIV II

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Traduction par E. Lagentie de Lavaïsse.
Pichon et Depierreux (p. 230-231).

SECTION II.
De l’Association.

Dans le cours des recherches que nous faisons sur la cause de nos passions, nous sommes arrêtés par un grand obstacle, qui naît de ce que le sujet de plusieurs de ces passions nous est donné, et que leurs impérieux mouvemens nous sont communiqués dans un âge où nous n’avons pas la faculté d’y réfléchir, et dont notre esprit ne peut conserver aucune sorte de souvenir : car outré les objets qui nous affectent de diverses manières, suivant leurs propriétés naturelles, il se fait à cette première période de la vie des associations qu’il est par la suite très-difficile de distinguer des effets naturels. Pour ne point parler de ces antipathies inexplicables qu’on trouve en quantité de personnes, il est impossible à qui que ce soit de se souvenir du premier instant où une montagne escarpée lui parut plus terrible qu’une plaine, l’eau ou le feu plus effrayant qu’une motte de terre, quoique toutes ces notions soient très probablement, ou des résultats de notre expérience, ou le fruit des opinions d’autrui, et que, selon toute vraisemblance, nous les ayons reçues assez tard. Mais comme on doit convenir que bien des choses nous affectent d’une certaine manière, non par des pouvoirs naturels qu’elles aient à cette fin, mais par association ; d’autre part, il serait absurde de dire que toutes nos sensations se font par association seulement ; en effet, il e6t des choses qui doivent avoir été dès l’origine naturellement agréables ou désagréables, et des quelles les autres tirent leurs pouvoirs d’association. Je pense qu’il serait assez inutile de chercher la cause de nos passions dans l’association, à moins qu’on ne puisse la découvrir dans les propriétés naturelles des choses.