L’Origine des Cons sauvages (éd. 1797)/8

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Chez Jean de la Montagne (A Lyon) (p. 50-59).


AUX LECTEURS ;

SALUT.


PROGNOSTICATION.

DES CONS SAUVAGES.



Reprenant les sots astrologues,
Elle est si vraye que c’est rage,
Et si vaut mieux pour un village,
Le tiers, qu’une poche de drogues.

Or faictes paix, taisez-vous là,
Et croyez ce que m’oyrez dire :
Autant deçà comme delà,
Pas ne suis venu pour vous nuire,

Mais afin de vous instroduire
Suis ci venu en grand instant ;
Faux astrologues contredire,
Desquels le monde est mal-content.

Ces méchans pronostiqueurs couchent
En escrit du temps advenir,
Et semble qu’aux planettes touchent
Du bout des doigts, à les ouyr,
On les deust tous vifs enfouyr,
Ou les jetter dans la riviere :
Hors du pays les ferai fuyr,
Si je puis, avant qu’il soit guere.

Savez-vous de quelle matiere
Je veux ici en droit parler ?
Je vous veux monstrer la maniere
De savoir quand devra gresler,

Plouvoir, tonner, et esclairer,
Dont souvent estes en esmoy ;
J’espere, avant que m’en aller,
Qu’en saurez autant comme moi.

Qui veut ma science comprendre,
Achepte des cons, s’il n’en a ;
Il en est qui ne font qu’attendre
Qu’on les embesogne à cela,
Mais acheptez-en de ceux-là,
Qui ont sens et entendement,
Et n’en prenez point de plus là ;
Ou vous perdriez votre argent.

Tout ce que nous prognostiquons,
Le comprenons en un vieil livre,
Nommé kalendrier des cons,
Et contenant cent et un livre ;

Et si, s’il qui aura le livre,
Veult feuilleter la librairie,
Lui fault ung cierge d’une livre,
Pour le droit de la confrairie.

Le premier du kalendrier,
Est souvent si froid que merveilles,
Aussi est-il comme Janvier,
Son bonnet a grandes oreilles.
Si les cons ont les joues vermeilles,
Coygner leur fault très-bien les aynes
Aux fillettes, non pas aux vieilles,
Nous aurons pour bled des avoynes.

En Febvrier, qu’on nomme court,
Si vous voyez les cons farouches,
C’est adventure s’il ne court,
Le mois d’après, force de mouches,

On mènera grand’guerre aux souches
Ce mois-là, s’il fait encor froid ;
De peur que vos enfans soient louches,
Il faut percer les trous à droict.

Chacun sait que le mois de Mars
Ne faudrait jamais en karême,
Si les cons sifflent comme iars,
Il ne faut point que l’on se chesme
D’avoir fromage, laict et creisme,
Autant que jamais on en vit :
Si vous n’avez un con de mesme,
Par despit coupez-vous le vit.

Le mois d’Avril regarderas
Si les cons ont vertes oorées :
S’il est ainsi, dire pourras
Qu’il sera force de porées,

Et que les Jeunes épousées
Desireront de leurs maris
Estre hochées à reposée,
Et sera force de sousris.

S’il advient qu’au mois de Mai,
Il ne fasse pluie ou rosée,
Vous savez aussi bien que moi
Que la toison sera tonsée,
Jamais ne feust tant de marée
Qu’il sera, mais nous en taison
Maquereaux, ou telle denrée,
N’empêchez point votre maison.

Le mois de Juin, donnez-vous garde
Si con ont une lippe jaulne,
Il sera force de moutarde
A digeon, et du vin de Beaulne.

On n’excommuniera au prosne
Ceux qui hocheront sans argent,
S’ils n’ont le vit plus long qu’une aulne,
A la mesure de Nogent.

Quant vient au mois de Juillet
Les cons ont souvent la consue ;
Qui voudra ouvrir le feuillet
Fasse premierement revue.
Il voirra, s’il n’a la berlue,
S’il y a boutons aux rosiers ;
Car puisqu’il faut que l’homme sue,
D’aller aux lymbes, a dangier.

En Aoust les cons ont de coustume
A estres pals et dégoûtez,
Et ont une grosse apostume,
Regardez bien où vous boutez ;

Piquez tout beau, et vous hastez,
Chevauchant par vaulx et par plains,
Car vous serez bien mal montez
Quand vous n’aurez que des poulains.

Je vous advertis, bonnes dames,
Tous les ans au mois de Septembre,
D’avoir de bonnes sages-femmes
Avecque vous en votre chambre,
Car on vous tirera un membre
Au corps, dont changerez couleur,
Chacune de vous se remembre,
De prendre en gré cette douleur.

Le mois d’Octobre vient après,
Que l’on séme les bleds en terre,
Si les cons sont pressés trop près,
Et qu’on leur veuille faire guerre,

Fault le vit aussi dur que pierre,
Si faudra-t-il qu’il amollisse ;
Et s’il cuide gagner Sanxerre,
Non sera, mais bien la police.

Pour certain, le mois de Novembre,
Si les cons font laide grimace,
Par cela donnent à entendre,
Que c’est afin qu’on les rebrace.
Si le con d’une jeune garce
Se met à muer ce moys-là
Pourroit-on le suivre à la trace,
Jusques à Sens, et bien pus-là.

S’ils ont la motte grosse et dure,
En Décembre, il est fort à craindre,
Qu’il en sortira de l’ordure,
Si peu ne les sauroit-on poindre,

Et ne pourra, la playe rejoindre,
Pour oingture que l’on lui baille,
L’on oira maint bon homme plaindre,
Qu’on lui baille trop de la taille.

Messieurs, voilà les influences,
Qui peuvent advenir sous les cieux,
De ces cons l’on dict par sentence,
L’ung sent le jeune, l’autre le vieulx ;
Vous en voyez devant vos yeux,
La bulle vraye et authentique ;
Acheptez-là, pour la voir mieulx,
Si sentez y avoir pratique.

Prince, nous aimons les flâcons
Remplis, afin que y croquons
Et les perdrix prins aux faulcons,
La moitié plus que ces gros cons.