L’Union latine et la Nouvelle conférence monétaire/01

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L’Union latine et la Nouvelle conférence monétaire
Revue des Deux Mondes3e période, tome 114 (p. 101-122).
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L’UNION LATINE
ET LA
NOUVELLE CONFERENCE MONÉTAIRE

I.
L’UNION LATINE.

Essayons de démêler les intérêts divers qui s’agitent, en ce moment, autour de la question monétaire. Recherchons en même temps pourquoi chaque année ramène une campagne contre le maintien de l’Union latine, c’est-à-dire du pacte monétaire qui lie la France, la Belgique, la Suisse, l’Italie et la Grèce, et pourquoi on voit se renouveler périodiquement la tentative d’imposer à l’Europe l’examen d’une question plusieurs fois tranchée. Le monde commercial est-il donc atteint d’un mal si violent qu’il ne s’en puisse guérir par sa vitalité propre ? On le croirait volontiers à en juger seulement par la vivacité et la persistance des plaintes que l’agriculture et certaines industries font entendre dans quelques-uns des États européens et au-delà de l’Atlantique.

Après une longue quiétude, dont on s’accorde à reporter le mérite à la loi du 7 germinal an XI, c’est-à-dire à l’équitable transaction qui avait déterminé en France le rapport de valeur entre l’or et l’argent, et qui avait reçu l’assentiment implicite de la plupart des autres nations, notre siècle a vu s’accomplir à quelques années d’intervalle, et en sens inverse l’une de l’autre, deux révolutions monétaires presque égales en importance à celle qui a suivi la découverte de l’Amérique. Le commerce universel se ressent encore de la double secousse qu’en ont éprouvée toutes les transactions, ainsi que des fluctuations rapides autant que considérables qu’ont subies les valeurs de toute nature.

Pendant la première moitié de ce siècle, l’Angleterre a été le seul pays où les affaires se réglassent en or et qui possédât une quantité assez considérable de ce métal pour suffire à toutes les transactions. En France, sous le gouvernement de juillet, en dépit de l’incontestable richesse et de la prospérité du pays, l’or était invisible : il ne s’en trouvait que chez les changeurs à qui il fallait l’acheter moyennant une prime qui oscillait entre 0,60 et 1 pour 100, mais qui s’élevait très vite, dès qu’il s’agissait d’un besoin un peu considérable. La découverte des gisemens aurifères de la Californie a changé cette situation, comme par un coup de la baguette des fées : l’or arriva en abondance en Europe, surtout dans les pays riches comme la France, et vint frapper à la porte de tous les hôtels des monnaies. Bientôt après, les mines de l’Australie, bien qu’exploitées par les procédés les plus primitifs, rivalisèrent avec la Californie pour l’exportation du précieux métal, dont la production se trouva brusquement décuplée. On s’alarma de cette abondance extrême : on pensa que de pareilles masses d’or ne pouvaient être incessamment déversées sur l’Europe, sans déprécier la valeur de ce métal. Le cri d’alarme fut jeté ici même par un économiste éminent, chez qui la science n’avait pas affaibli la vivacité de l’imagination. Il demanda, comme une mesure urgente et de toute nécessité, la démonétisation immédiate de ces pièces d’or qui commençaient à peine à circuler : tout retard devait avoir pour conséquence une perte considérable pour l’État et pour le public. Il pouvait, du reste, invoquer à l’appui de son argumentation la conduite de quelques États qui, par une hâte inconsidérée qu’ils eurent sujet de regretter, s’empressèrent de démonétiser leurs pièces d’or.

Malgré l’exemple que lui donnaient ces États, et notamment la Hollande et la Belgique, le gouvernement français appréhenda d’apporter trop de précipitation en cette grave affaire : il voulut prendre conseil des faits, et renvoya l’étude de la question à une commission d’enquête. Celle-ci procéda avec la lenteur caractéristique des commissions françaises, et conclut à l’ajournement de toute mesure. Elle constatait, dans son rapport, que l’or n’avait subi aucune dépréciation, malgré les quantités considérables que la France en avait reçues, que par conséquent il n’y avait pas lieu d’agir. Cette conclusion n’avait lieu de surprendre que les gens qui ne prenaient pas la peine de réfléchir. L’or ne se dépréciait pas, malgré son abondance soudaine, parce qu’il satisfaisait à un besoin impérieux d’une nation riche et populeuse. Avant 1848, lorsqu’il n’y avait en France ni or ni billet de banque au-dessous de 500 francs, le modeste employé qui touchait 300 francs au bout du mois avait à emporter chez lui un poids d’un kilogramme et demi pour lequel aucune poche n’était ni assez grande ni assez solide. L’or de la Californie venait donc combler à propos une lacune de notre circulation : il venait occuper une place vide.

La sage temporisation du gouvernement français mérite d’autant plus d’éloges que l’afflux de l’or coïncidait avec une raréfaction temporaire de l’argent qui pouvait faire illusion, et qui explique l’erreur où plusieurs États étaient tombés. Les relations commerciales de l’Europe avec l’extrême Orient n’avaient cessé de se développer depuis que les portes de la Chine avaient été ouvertes à coups de canon, et les affaires avec les Orientaux ne pouvaient se régler qu’en argent. L’exportation de l’argent s’accrut dans des proportions considérables lorsque, par suite de la guerre civile des États-Unis, l’Europe dut demander à l’Égypte, à l’Inde, à l’Indo-Chine les matières premières que la république américaine ne lui fournissait plus et, en première ligne, le coton. Les arrivages d’argent étant insuffisans, l’Angleterre dut s’adresser au continent, et les pièces de cinq francs de la Belgique, de la France, de la Suisse furent activement recherchées pour être fondues et transformées en roupies ou en lingots : bientôt ces opérations s’étendirent jusqu’aux pièces de deux francs, qui furent mises au creuset. Grâce à son énorme approvisionnement en monnaie d’argent et à la diffusion de la monnaie d’or, la France n’éprouva point de ces faits une gêne appréciable ; cependant, le gouvernement essaya de mettre un terme à ces opérations en faisant revivre une ancienne loi qui interdit sous des peines sévères de fondre les monnaies nationales, et des poursuites furent instituées contre des commerçans en métaux. La Suisse, moins bien pourvue de numéraire que la France, souffrit davantage, et la disparition de la monnaie divisionnaire y apporta un trouble notable dans les petites transactions. Le gouvernement fédéral pensa que le plus sûr moyen de protéger la monnaie divisionnaire contre la fonte était d’en affaiblir le titre de façon à faire disparaître le bénéfice de l’opération. Une loi du 31 janvier 1860 abaissa à huit dixièmes la proportion de l’argent dans la frappe des pièces divisionnaires.

La mesure était efficace, mais elle avait un inconvénient grave, dont la Suisse ne tarda pas à s’apercevoir. Rien n’était plus facile, dans la zone frontière, que de se procurer des pièces suisses de deux francs du nouveau titre et de les échanger en France contre des pièces françaises au titre de neuf dixièmes de fin, dont on aurait retiré un dixième d’argent pur avant de les faire remonnayer en Suisse, et cette opération fructueuse aurait pu se renouveler indéfiniment au détriment de la France qui se serait vue envahie par une monnaie divisionnaire inférieure à la sienne. Le gouvernement français y coupa court en interdisant aux caisses publiques de recevoir désormais les pièces divisionnaires suisses ; la Banque de France et les établissemens de crédit les repoussèrent également, et leur exemple fut bientôt suivi par les particuliers. La Belgique et l’Italie, dont les monnaies étaient au même titre que les monnaies françaises, prirent des mesures analogues. Il en résulta un grand trouble dans les relations de la Suisse avec ses voisins, et des deux côtés de la frontière le commerce de détail ne tarda point à se plaindre.

Ces plaintes ouvrirent les yeux aux gouvernemens et aux particuliers et leur firent mesurer de quels avantages ils avaient joui, sans les apprécier et peut-être sans s’en rendre compte. La domination de Napoléon, bien que passagère, avait eu pour conséquence d’établir l’uniformité des monnaies dans toute l’étendue de son vaste empire : des bouches de l’Escaut au détroit de Messine, on rencontrait partout les mêmes monnaies, frappées au même titre, et l’on n’avait de change à supporter nulle part. Au contraire, passait-on le Rhin : on rencontrait en Allemagne huit systèmes monétaires différens, et l’on avait fait le calcul que, sans solder aucun achat ni aucune dépense, par le seul effet des huit changes qu’il était possible de lui faire subir, en territoire allemand, une pièce de vingt francs, changée pour la première fois à Bade, pouvait être presque entièrement absorbée avant l’arrivée à Berlin. Les États occidentaux, par des atteintes individuelles au régime dont ils avaient éprouvé les avantages, allaient-ils dériver, à leur tour, vers l’anarchie monétaire ?

On put l’appréhender quelque temps, lorsqu’au bout de dix-huit mois seulement, on vit l’Italie, par les mêmes motifs que la Suisse, décider à son tour, par la loi du 24 août 1862, l’affaiblissement de sa monnaie divisionnaire, mais en adoptant un titre supérieur à celui des monnaies helvétiques, le titre de 835 millièmes de fin, qui est le titre des monnaies divisionnaires de l’Angleterre et des États-Unis. Puis ce fut le tour de la France, qui, par la loi du 25 mai 1864, adopta le titre de 835 millièmes de fin, mais seulement pour les pièces de 0 fr. 50 et de 0 fr. 20, sans toucher à celles de 1 franc et de 2 francs. On rencontrait donc déjà dans la circulation trois pièces de 1 franc et trois pièces de 2 francs, de la même valeur nominale, mais de trois titres différens, 800 millièmes pour la Suisse, 835 millièmes pour l’Italie, 900 millièmes pour la France. La Belgique, seule, demeurait complètement fidèle au système monétaire napoléonien, et c’était pour son gouvernement un sujet de préoccupation. Dès 1861, M. Nothomb avait demandé avec insistance qu’on adoptât le même régime que la Suisse, mais on lui répondait qu’en raison de la position géographique de la Belgique et de l’étendue de ses relations avec la France, c’était l’uniformité avec cette puissance qu’il importait surtout de maintenir. La Belgique fit donc, en vue d’une action commune, des ouvertures au gouvernement français, qu’elle trouva animé des idées les plus larges et les plus libérales. Ce n’est que justice de rendre ici hommage à un homme éminent, qui avait fait des questions monétaires l’étude la plus approfondie et qui exerça une influence décisive sur la marche et l’issue des négociations. M. de Parieu, qui avait combattu avec succès la démonétisation de l’or, dans lequel il voyait, au contraire, l’étalon unique de l’avenir, s’autorisait de l’introduction du système décimal dans les monnaies d’un grand nombre d’États pour réclamer un nouveau progrès. Il se déclarait hautement partisan d’une monnaie uniforme pour toutes les nations, et dans de nombreux écrits il ne cessait de faire ressortir l’action favorable que cette uniformité exercerait sur le développement des relations internationales. Ces idées, qu’on a trop perdues de vue depuis cette époque, gagnaient du terrain et, sous l’influence de l’opinion publique, les gouvernemens occidentaux consentirent à étudier la possibilité d’assurer au moins une uniformité partielle par un accord international. Les ouvertures de la France ayant été favorablement accueillies par ses voisins immédiats, une conférence fut convoquée et se réunit à Paris, le 20 novembre 1865. La France, la Belgique, la Suisse et l’Italie y prirent part : postérieurement la Grèce demanda et fut admise à accéder aux résolutions adoptées. M. de Parieu et M. Pelouze, président de la commission des monnaies, représentaient notre gouvernement.

Six séances suffirent pour transformer en une convention définitive l’accord préalable qui s’était établi entre les gouvernemens. Cette convention ne comprenait que quinze articles très simples, dont le premier indiquait clairement l’objet que s’étaient proposé les contractans : « La Belgique, la France, l’Italie et la Suisse, disait cet article, sont constituées à l’état d’union pour ce qui regarde le poids, le titre, le module et le cours de leurs espèces monnayées d’or et d’argent. Il n’est rien innové, quant à présent, dans la législation relative à la monnaie de billon, pour chacun des quatre États. » Le nom d’Union latine, sous lequel on désigne habituellement la collectivité des États signataires de la convention, est, on le voit, parfaitement exact. Les contractons prenaient l’engagement de ne laisser fabriquer à leur empreinte aucune monnaie d’or ou d’argent dans d’autres types que ceux nominativement désignés et en dehors des conditions de poids, de titre, de tolérance et de diamètre déterminés par la convention. Les pièces fabriquées par un des quatre États devaient être reçues dans les caisses publiques des autres contractans, sous la réserve d’exclure celles que le frai aurait réduites au-dessous d’un certain poids. Le titre de 835 millièmes de fin était adopté pour la monnaie divisionnaire, ce qui entraînait pour les États dont les monnaies étaient au-dessous de ce titre, comme la Suisse, la nécessité d’une refonte. Enfin, chaque État ne pouvait avoir ou mettre en circulation de monnaies divisionnaires que pour une valeur correspondant à 6 francs par habitant. Les contractans s’obligeaient à inscrire sur leurs monnaies d’or et d’argent le millésime de fabrication, ce qui était un moyen de contrôle réciproque : ils devaient se communiquer annuellement la quotité de leurs émissions, l’état du retrait et de la refonte des anciennes pièces, toutes les dispositions et tous les documens administratifs relatifs aux monnaies : ils devaient également se donner avis de tous les faits intéressant la circulation réciproque de leurs espèces d’or et d’argent. Le droit d’accession à la convention était réservé à tout État qui en accepterait les obligations et adopterait le système monétaire de l’union, en ce qui concerne les espèces d’or et d’argent. Nous venons de dire que la Grèce profita de cette clause pour se faire admettre dans l’union. La durée de la convention était fixée à quinze années qui devaient prendre fin le 1er janvier 1880 : si, un an avant ce terme, elle n’était pas dénoncée, elle devait demeurer obligatoire de plein droit pendant une nouvelle période de quinze années.

La convention du 23 décembre 1865 produisit en Europe et au-delà de l’Atlantique l’impression la plus favorable. Elle fut universellement considérée comme un acte de progrès, comme un exemple qui devait être suivi. La presse anglaise ne lui épargna point l’éloge, bien que la situation morale qu’elle créait à la France pût éveiller l’envie. Le Times et le Globe se montrèrent particulièrement favorables : l’organe le plus important du parti libéral, la Revue d’Edimbourg, consacra un article étendu à l’étude des moyens qui pourraient permettre d’élargir le cadre de la nouvelle union. L’Economiste dont on connaît le crédit dans le monde du haut commerce et de la finance, se signala entre tous les journaux par l’approbation éclatante qu’il donna à la convention : il n’hésita pas à l’appeler un des traités les plus caractéristiques du XIXe siècle. Le principe lui en paraissait excellent et susceptible d’être généralisé : « Nous ne voyons point, disait-il, de motif à ce que chaque État ait une monnaie séparée. Chaque État peut garder son contrôle, parce que sa loyauté est toujours mieux appréciée par ses propres sujets ; mais le contrôle de tous peut s’exercer sur des monnaies de même poids et de même qualité. » Après avoir reconnu que l’échelle des monnaies consacrée par la convention était excellente, le journal anglais insistait sur les avantages qui pouvaient découler de son extension : « Ce serait, disait-il, matière à de graves regrets si nos vieilles habitudes insulaires nous empêchaient de l’adopter. Si nous l’adoptions, nous pourrions espérer qu’elle deviendrait d’abord l’unique monnaie européenne, et, plus tard, du monde civilisé. Si nous donnions l’exemple, il serait sans aucun doute suivi par l’Allemagne, les États du Nord de l’Europe, et, bientôt, par la Russie. Chaque nouvelle accession au système d’une monnaie uniforme constitue un nouveau motif à d’autres accessions. L’inconvénient pour nous de rester en dehors de cette association augmente avec son extension. Si nous nous y joignons, nous pouvons exercer de l’influence sur le commerce universel à un bien plus haut degré que tout autre État. Nous pouvons introduire la nouvelle monnaie dans l’Inde, l’Afrique, l’Australie et l’Amérique. Les États-Unis ont trop d’activité et d’initiative pour demeurer en arrière. Ils se joindraient bientôt à un mouvement dont l’utilité est évidente et qui serait soutenu par la France et l’Angleterre. » On voit quelles vastes perspectives l’écrivain anglais ouvrait devant l’Union latine et avec quelle impartialité et quelle justice il appréciait l’initiative prise par la France ; mais la partie la plus importante et la plus remarquable de son article consistait dans les argumens pratiques qu’il faisait valoir pour persuader ses compatriotes : « En restant étranger à cette union, non-seulement nous perdons le grand avantage d’avoir une monnaie unique au point de vue des voyages, mais bien d’autres bénéfices plus grands encore, quoique moins apparens. Et d’abord une immense simplification de toutes les transactions du change. Si tous les États avaient une seule monnaie, le change serait regardé à son vrai point de vue, comme la marque de la dette comparative des divers États. Ce qui est pour tout le monde un problème insoluble deviendrait alors un fait simple et clair. D’un autre côté, nous autres Anglais, nous y gagnerions une somme considérable de connaissances utiles. Une monnaie unique supprimerait mainte difficulté artificielle : les prix du Havre seraient ceux de Liverpool ; les comptes-rendus de la Banque de France seraient analogues à ceux de la Banque d’Angleterre… Si la civilisation pouvait donner une seule monnaie à tous les hommes, ce serait un grand pas de fait pour les amener à penser qu’ils sont du même sang. »

Des écrivains anglais de réputation abondèrent dans le sens de l’Economiste. Parmi eux, il convient de citer M. Frédéric Hendriks, membre de la Société de statistique de Londres et auteur de nombreux ouvrages d’économie politique, qui publia un plan raisonné pour appliquer le système décimal aux monnaies anglaises et mettre celles-ci en rapport avec les monnaies de l’Union latine ; mais les changemens à apporter dans les habitudes de nos voisins étaient trop considérables pour que de semblables réformes n’exigeassent pas une longue préparation et l’évidence de grands avantages matériels. C’eut été se bercer d’illusions que d’espérer l’accession de l’Angleterre à l’Union latine ; mais le mouvement se continua ailleurs. Nous avons mentionné l’accession de la Grèce. Le gouvernement italien n’avait pu stipuler que pour la portion de la péninsule qui reconnaissait l’autorité de Victor-Emmanuel : par un édit de 1867, le gouvernement pontifical accéda à la convention pour les États romains. À la suite de la guerre de 1866, l’Autriche, en créant le double florin d’argent qui équivalait exactement à notre pièce de 5 francs, et la pièce d’or de 4 florins qui correspondait à notre pièce de 10 francs, sembla préparer l’assimilation de son système monétaire à celui de l’Union latine : elle vient, au contraire, sous l’influence de la Prusse, de s’en écarter définitivement par l’adoption, comme base de son système, de la couronne d’argent dont la valeur est supérieure de 0 fr. 03 à celle de notre franc. Le courant qui emportait l’opinion générale vers les idées d’uniformité monétaire semblait se fortifier, et l’Exposition universelle de 1867 parut une occasion toute naturelle d’appeler sur cette question l’attention du public et des gouvernemens. Une conférence internationale à laquelle prirent part un certain nombre de puissances en dehors de l’Union latine se réunit donc à Paris à la fin de 1807. Elle fut présidée par M. de Parieu, à qui cet honneur était bien dû. Les délégués se mirent aisément d’accord pour recommander à tous les États l’adoption de l’or comme étalon unique, mais ils ne purent s’entendre sur le choix de la pièce qui devrait servir de base à la monnaie universelle ; les uns proposaient une pièce d’or de 25 francs pour se rapprocher de la livre sterling anglaise, les autres la pièce française de 10 francs, d’autres enfin le gramme d’or fin, auquel chaque État aurait donné la forme et la dénomination qui lui auraient convenu. La conférence se sépara sans avoir abouti, et le seul résultat pratique qu’elle produisit fut que certains États de l’Amérique du Sud, qui avaient fait preuve d’un sincère désir d’arriver à une solution, introduisirent le système décimal dans leurs monnaies et adoptèrent notre pièce de 5 francs et ses divisions. La question fut reprise, en 1869, dans une nouvelle conférence, mais sans plus de succès. Une grande enquête, organisée, en 1870, à la demande de la France, ne conduisit pas davantage à la solution désirée ; mais elle constata qu’il n’existait plus qu’une seule divergence qui portait encore sur la monnaie-type à adopter. Les événemens de 1870 mirent fin à ces études en commun, qui avaient conservé un caractère trop exclusivement académique, et auxquelles avaient manqué surtout l’appui et la publicité de la presse. Le gouvernement français s’est désintéressé dès lors de discussions qui avaient, à ses yeux, le tort de ramener l’attention sur une œuvre considérable et utile du gouvernement précédent ; l’Allemagne prit à tâche de rendre impossible l’extension de l’Union latine et se préoccupa de préparer une union germanique, dans laquelle elle ne désespère même pas de faire entrer l’Italie lorsque cette puissance sera sortie de ses embarras financiers.

C’est de ce côté que vinrent, en effet, les premiers coups portés à l’Union latine : nous voulons parler de l’adoption de l’étalon d’or et de la démonétisation de l’argent par l’Allemagne. Ces mesures causèrent une grande surprise en Europe parce qu’elles étaient tout à fait imprévues : elles furent considérées presque comme un coup de tête de M. de Bismarck, ou comme une brusque détermination inspirée par le désir de nuire aux deux principaux voisins de la Prusse, la France et la Russie. Ces jugemens ne sont pas fondés ; les mesures de M. de Bismarck n’avaient point le caractère d’une improvisation. Aussitôt après la guerre de 1866, le gouvernement prussien s’était préoccupé de l’anarchie monétaire qui régnait en Allemagne ; et il avait vu dans une réforme un premier moyen de s’assimiler les populations nouvellement soumises à son joug. Il était du nombre des États dont les délégués avaient préconisé l’adoption de l’étalon d’or, et ne faisait donc que conformer sa conduite aux opinions professées par ses délégués ; seulement, plus attentif aux faits et plus prévoyant que les gouvernemens occidentaux, il tint compte, avec sa décision habituelle, de deux circonstances qui lui commandaient une prompte action. La première était le paiement de la rançon française qui mettait à sa disposition des quantités considérables d’or et lui donnait la facilité de multiplier rapidement les monnaies d’or. La seconde circonstance, encore inaperçue de la masse du public, était l’abondance des arrivages d’argent qui faisait présager une prompte et importante baisse dans la valeur de ce métal. Il fallait donc agir sans retard si l’on voulait épargnera l’empire allemand une perte sensible sur les espèces d’argent qui formaient sa principale circulation. Mais où trouver des acquéreurs pour cet argent démonétisé et comment en obtenir un prix avantageux, alors que le cours du métal baissait de jour en jour à Londres ? C’est ici qu’éclatèrent l’habileté de M. de Bismarck et la coupable ignorance du gouvernement français.

Conclue à une époque où l’argent n’avait encore subi aucune dépréciation et où le rapport de 1 à 15 1/2 établi entre la valeur de l’or et celle de l’argent par notre loi de germinal an XI semblait définitivement consacré par l’expérience de soixante années et par l’assentiment du monde commercial, la convention de 1865 n’avait imposé aux contractans de l’Union latine aucune limitation quant au monnayage des deux métaux précieux. Le gouvernement prussien mit à profit cette lacune. Les agens ou les banquiers qu’il avait agréés comme acquéreurs s’empressèrent de porter aux hôtels des monnaies de Paris et de Bruxelles les lingots d’argent provenant de la démonétisation : ils étaient convertis presque sans frais en pièces de cinq francs françaises et belges qui étaient échangées ou directement contre de l’or, ou contre des billets de la Banque de France ou de la Banque nationale de Belgique, à l’aide desquels on soutirait l’or de ces deux établissemens. Cette opération se faisait sur une grande échelle. L’hôtel des monnaies de Bruxelles qui avait frappé 25 millions et demi de pièces de cinq francs en 1871, et pour 10 millions seulement en 1872, en frappa pour 111,704,795 francs en 1873 et, de son côté, la Monnaie de Paris en frappait pour près de 250 millions. Si l’on met en regard des ventes d’argent de l’Allemagne le monnayage insolite d’argent qui eut lieu à Paris et à Bruxelles pendant les dix-huit mois qui ont immédiatement suivi la démonétisation de l’argent par l’Allemagne, on se convainc que cette puissance s’est débarrassée d’un demi-milliard d’argent et s’est procuré un demi-milliard d’or aux dépens de la France et de la Belgique. Cette opération, si fructueuse pour l’Allemagne, qui obtenait pour ses lingots d’argent un prix fort supérieur aux cours de Londres et le remplaçait par de l’or presque sans frais, aurait pu se renouveler indéfiniment si, dans le parlement belge, dès le milieu de juillet 1873, une interpellation de M. Frere-Orban n’avait appelé l’attention du cabinet belge sur le monnayage insolite de la Monnaie de Bruxelles et n’en avait signalé l’origine et les conséquences. Le gouvernement belge n’hésita pas ; il prit sous sa responsabilité de limiter par ordonnance les opérations de frappe de la Monnaie de Bruxelles ; et il demanda ensuite aux chambres un bill d’indemnité qui lui fut accordé par une loi du 18 décembre 1873, en même temps que l’autorisation de limiter et même de suspendre le monnayage de l’argent. Cette prompte action de nos voisins tira de sa torpeur le gouvernement français, qui convoqua pour le mois de janvier 4874 une conférence des États membres de l’Union latine : cette conférence se prononça pour une étroite limitation du monnayage de l’argent et pour sa suspension provisoire. Cette suspension fut renouvelée en Belgique par la loi du 21 décembre 1876 et en France par les lois des 5 août 1876 et 31 janvier 1878, qu’on peut considérer comme ayant mis fin à la frappe des pièces d’argent de cinq francs. Ce qui montra à la fois la nécessité et l’efficacité de ces mesures, c’est que l’Allemagne suspendit immédiatement ses ventes d’argent, bien qu’elle en eût encore pour plus de 450 millions à céder : elle ne les a pas reprises depuis lors ; et même elle a suspendu le retrait de ses monnaies d’argent, en mettant en avant les réclamations de l’agriculture allemande qui se plaint d’une trop grande contraction de la circulation métallique.


II

Poursuivons l’histoire de l’Union latine. Établie pour une durée de quinze années, elle devait prendre fin le 1er janvier 1880, si son existence n’était pas prolongée par les contractans. Le gouvernement français crut devoir devancer le terme des engagemens pris et il provoqua, dans l’automne de 1878, une réunion des puissances intéressées. Le maintien de l’Union fut décidé à l’unanimité, mais seulement pour une durée de cinq années qui devaient commencer le 1er janvier 1880 et se terminer le 1er janvier 1885.Si la nouvelle convention, qui porte la date du 5 novembre 1878, n’était pas dénoncée un an avant ce terme, elle serait prorogée de plein droit d’année en année, par voie de tacite reconduction, et demeurerait obligatoire jusqu’à l’expiration d’une année après la dénonciation qui en serait faite. Cette abréviation de la durée de l’Union n’était pas la seule modification apportée au pacte de 1865 : la convention tenait compte des faits nouveaux qui s’étaient produits au regard des métaux précieux. Elle suspendait le monnayage des pièces de 5 francs en or qui avaient trouvé peu de faveur dans le public, qui ne pouvaient être utilisées dans les paiemens internationaux et qui faisaient concurrence, dans la circulation intérieure, aux pièces de 5 francs en argent, à la dépréciation desquelles il importait de ne pas ajouter.

Quant à ces dernières, le monnayage n’en était suspendu que provisoirement, mais comme il était spécifié qu’il ne pourrait être repris que lorsqu’un accord unanime se serait établi, à cet égard, entre tous les États contractans, on pouvait prédire à ce provisoire une longue durée. La nouvelle convention ne devant entrer en vigueur que le 1er janvier 1880, et la convention précédente, qui avait encore une année à courir, ne contenant aucune clause suspensive du monnayage de l’argent ; les contractans, par une clause additionnelle, s’interdirent de frapper aucune pièce d’argent de 5 francs, pendant l’année 1879. Exception était faite pour l’Italie, qui était autorisée à fabriquer pour 20 millions de ces pièces. L’Italie, à ce moment, aspirait à sortir du régime du papier-monnaie et du cours forcé ; elle avait fait part de ses intentions à ses associés et réclamé leur concours. Elle déclarait vouloir commencer par retirer les coupures inférieures à 5 francs, et pour n’avoir point à frapper d’urgence et, à nouveaux frais, les pièces divisionnaires à délivrer au public en échange de ces coupures, elle avait demandé aux membres de l’Union latine de retirer de leur circulation et de lui restituer, contre paiement, les monnaies divisionnaires italiennes circulant sur leur territoire. Sur les 156 millions de monnaies divisionnaires frappées à l’effigie de Victor-Emmanuel, le gouvernement italien estimait que 100 millions avaient émigré d’Italie : 87 millions en France et 13 millions en Belgique, en Suisse et en Grèce. L’article 8 de la convention consacra le principe de l’assistance à donner à l’Italie pour lui faire récupérer ses monnaies divisionnaires ; et un arrangement annexe détermina le mode et les conditions de cette assistance. La France devait servir d’intermédiaire et recevoir des puissances les monnaies qu’elles avaient à remettre à l’Italie. Celle-ci ne s’étant pas trouvée en mesure de commencer ses opérations aussi promptement qu’elle l’avait espéré, un acte additionnel, en date du 20 juin 1879, prorogea les délais qui lui étaient impartis pour prendre livraison de ses monnaies et en rembourser le montant. La France, avec une infatigable complaisance, accepta de devenir dépositaire de toutes ces monnaies et de les garder à la disposition de l’Italie moyennant un très faible intérêt jusqu’à ce que cette puissance les lui redemandât. La Banque de France fut chargée de recueillir et de conserver ces pièces italiennes. Il s’en trouva une quantité moindre que celle que le cabinet italien avait annoncée : au lieu de 100 millions, la Banque de France n’eut à remettre à l’Italie, en 1881, que pour 79,090,121 fr. 30 de monnaies divisionnaires, et cette somme lui fut remboursée par les contractans de l’emprunt de 650 millions négocié par M. Magliari en vue de la suppression du cours forcé.

Si l’accord s’était établi aisément entre les puissances en 1878, il n’en fut pas de même en 1885, lorsqu’il s’agit de prolonger une troisième fois l’existence de l’Union latine. Ce n’était pas qu’aucune des cinq puissances en méconnût les avantages ; mais une question grave avait surgi par suite de la dépréciation constante et progressive de l’argent. On désespérait maintenant de voir la valeur du métal blanc se relever. On regrettait qu’au lieu d’en suspendre seulement le monnayage, on ne l’eût pas démonétisé. Des esprits absolus poussaient de toutes leurs forces à cette démonétisation ; et les gouvernemens étaient surtout retenus par l’énormité du sacrifice que cette opération entraînerait pour eux. Qu’adviendrait-il dans le cas où l’un des contractans, à l’expiration de la nouvelle période pour laquelle on était disposé à renouveler les contrats de 1865 et de 1878, voudrait reprendre sa liberté, userait du droit de dénonciation, et rendrait indispensable une liquidation de l’Union latine ? Comment s’opérerait cette liquidation, et à qui incomberait la prise en charge des écus de 5 francs, à ce moment en circulation sur le territoire des cinq confédérés ? Ces questions, qui empruntaient leur gravité à la dépréciation de l’argent, n’avaient été ni examinées, ni même prévues en 1865 et en 1878 : la première fois parce que le rapport entre l’or et l’argent n’avait pas varié, et la seconde fois parce que la baisse de l’argent était encore considérée comme un fait transitoire, imputable surtout à la brusque action de la Prusse. N’était-il pas prudent de les discuter et de les résoudre afin de n’être pris au dépourvu dans aucune éventualité, et afin de donner un élément de stabilité de plus aux accords qu’on allait renouveler ?

Telles étaient surtout les préoccupations du gouvernement helvétique : bien que l’Union latine eût été très avantageuse à la Suisse, certains esprits, partisans de la démonétisation de l’argent, faisaient remarquer que, si cette opération devenait nécessaire, elle serait moins onéreuse pour la Suisse que pour ses associés, à cause de la quantité très restreinte d’écus que la confédération avait fait fabriquer, et qu’elle entraînerait un sacrifice d’autant moins grand qu’elle serait accomplie plus tôt, avant la survenance d’une nouvelle baisse de métal blanc. On insistait surtout pour que la Suisse évitât de se lier pour une période d’années et conservât sa liberté pour le cas où ses intérêts lui commanderaient d’agir. Bien que favorable à la continuation de l’Union, le directoire fédéral crut devoir tenir compte de ces considérations, et afin de rendre indispensable un examen contradictoire approfondi de ces questions, avant que son pays se trouvât engagé de nouveau, même pour un an, il usa de son droit de dénonciation, et le 11 juin 1884, il dénonça la convention de 1878 qui n’expirait que le 1er janvier 1886. Le gouvernement français, sur l’avis de ses confédérés, convoqua une conférence, qui se réunit à Paris, le 18 juillet 1885. Les instructions des délégués étant favorables à la continuation de l’Union, aux conditions précédentes et pour une période de cinq années, la conférence entama aussitôt l’examen des conditions dans lesquelles la liquidation devrait s’opérer à l’expiration de cette période, si la convention n’était pas renouvelée, ou si la démonétisation de l’argent était décidée. Deux systèmes se trouvèrent aussitôt en présence.

On pouvait, en cas de démonétisation partielle ou totale des écus de 5 francs, faire une masse de la perte qui résulterait de cette opération, et répartir cette perte entre les membres de l’Union, au prorata de l’utilité qu’ils avaient retirée de l’usage de la monnaie d’argent. On pouvait prendre, pour mesure de cette utilité, le chiffre de la population, comme on avait fait pour déterminer la quotité de monnaie divisionnaire que chaque État pouvait émettre ; ou toute autre base à arrêter en commun. On pouvait, par un mode plus simple, rendre chaque État garant des écus frappés à ses armes. Les délégués belges se prononcèrent pour le premier système et soutinrent que le second était contraire à l’équité parce qu’il faisait peser sur la Belgique la responsabilité de la frappe excessive de 1873, frappe qui n’avait apporté aucun bénéfice à l’État belge et qui n’avait donné lieu à aucune observation de la part d’aucun des confédérés. La France, qui aurait eu intérêt à soutenir la même opinion que la Belgique, se trouva d’accord avec les autres membres de l’Union, pour subordonner le renouvellement du contrat à l’engagement que prendrait chaque pays de garantir désormais le retrait des écus de 5 francs frappés à ses armes, en s’obligeant, pour le jour de la liquidation, à rembourser à ses confédérés, en or ou en équivalens, l’excédent des pièces qui lui seraient remises par eux sur les pièces qu’il serait en mesure de leur remettre. Devant cette unanimité des autres contractans, les délégués belges offrirent, comme concession, l’engagement de la part de la Belgique de ne mettre, lors de la cessation de l’Union, aucun obstacle au rapatriement en Belgique des écus belges circulant en territoire étranger. Cette concession fut jugée insuffisante par les autres États ; ceux-ci, tout en reconnaissant que le silence gardé sur la question dans les conventions précédentes leur ôtait le droit d’imposer leur manière de voir à la Belgique, maintinrent à leur proposition le caractère d’une condition absolue.

Les délégués belges déclarèrent alors, le 1er août 1885, à la fin de la sixième séance, qu’ils se retiraient de la conférence, et ils ne parurent plus. Les autres délégués se réunirent encore le 5 août, et se mirent d’accord sur la prolongation de l’Union pour cinq années, expirant le 1er janvier 1891, avec prolongation d’année en année par voie de tacite reconduction. La convention nouvelle qui porte la date du 6 novembre 1885, jour de sa signature définitive, reproduit les dispositions de la convention antérieure, avec quelques modifications qui attestent que la surabondance des écus d’argent était la préoccupation dominante des négociateurs. Les contractans s’engagent, en effet, à retirer ou à refuser le cours légal aux pièces de 5 francs des États ne faisant pas partie de l’Union. « Ces pièces, dit l’article 12 qui eût été applicable aux monnaies belges, ne pourront être acceptées ni dans les caisses publiques, ni dans les banques d’émission. » La faculté de reprendre la frappe des écus de 5 francs était reconnue à chacun des États, mais à des conditions qui en rendent l’exercice impossible : à savoir l’obligation d’échanger ou de rembourser, pendant toute la durée de la convention, en or et à vue, aux autres pays contractans, sur leur demande, les pièces de 5 francs d’argent frappées à son effigie et circulant sur leur territoire, et, en outre, le droit pour les autres États de ne plus recevoir les écus de l’État qui reprendrait la frappe. Suivant la juste remarque d’un des ministres belges, les écus frappés dans ces conditions auraient été de véritables monnaies fiduciaires dont la valeur eût reposé exclusivement sur le droit de les échanger contre de l’or, et pour lesquelles il aurait fallu avoir provision. La Suisse était autorisée à se retirer de l’Union avant l’expiration de la convention, mais cette faculté était également subordonnée à des conditions qui la rendaient illusoire. L’article essentiel de la convention était l’article 14 ainsi conçu : « En cas de dénonciation de la présente convention, chacun des États contractans sera tenu de reprendre les pièces de 5 francs en argent qu’il aurait émises et qui se trouveraient dans la circulation ou dans les caisses publiques des autres États, à charge de payer à ces États une somme égale à la valeur nominale des espèces reprises. » C’était cette clause qui avait déterminé la retraite des délégués belges.

Il fallait en régler l’application en tenant compte de la position des contractans et de la diversité de leurs intérêts. C’était une tâche malaisée à laquelle la conférence s’appliqua, lorsqu’elle reprit ses travaux le 22 octobre, et il ne lui fallut pas moins de onze séances pour rédiger, sous le nom d’Arrangement, une seconde convention qui fut annexée à l’acte principal. Une des difficultés qui restaient à résoudre fut écartée par l’engagement que le gouvernement français fit prendre à la Banque de France de recevoir, conjointement avec les caisses publiques, pendant la durée de la convention, les pièces de 5 francs de l’Union latine dans des conditions identiques à celles où elle reçoit les pièces d’argent françaises ; la liquidation des pièces étrangères qui se trouveraient dans ses caisses à l’expiration de la convention devant s’effectuer pour le compte de l’État français. C’était une importante concession que le gouvernement français faisait à ses associés : elle leur ôtait la préoccupation de voir leur circulation intérieure surchargée par la surabondance des écus d’argent dont le trop-plein allait graduellement sortir de la circulation générale pour s’entreposer dans les caves de la Banque de France jusqu’au jour de la liquidation définitive, si celle-ci devait jamais avoir lieu.

L’Union latine se trouvait donc reconstituée, mais réduite de cinq membres à quatre par suite de la retraite de la Belgique. Cette retraite avait causé une vive émotion dans les départemens français, limitrophes de la Belgique, qui avaient entrevu aussitôt une perturbation dans leurs rapports commerciaux avec leurs voisins ; mais l’impression fut bien plus forte encore en Belgique, où les affaires étaient loin d’être prospères. On en put juger à la séance du 11 août, dans laquelle les chambres belges furent officiellement avisées que la Belgique était sortie de l’Union latine. Le gouvernement belge eut soin d’ajouter que tout espoir d’une entente n’était pas abandonné, et il s’empressa de prêter l’oreille aux propositions conciliantes qui ne tardèrent pas à lui arriver de Paris. Les négociations se poursuivirent en même temps que la rédaction de l’arrangement explicatif de la convention, et la Belgique demanda à user de la faculté qui lui avait été ménagée d’entrer dans l’Union reconstituée. Par un acte additionnel, en date du 12 décembre, elle adhéra à la convention du 6 novembre 1885 et à l’arrangement qui y était annexé. Elle acceptait de rembourser la moitié en excès de ses écus de cinq francs, d’après le mode adopté par les autres États, mais adouci par des concessions importantes quant aux délais de paiement : pour le rapatriement de l’autre moitié, on acceptait le mode proposé au début par les délégués belges, c’est-à-dire la voie naturelle du commerce et des échanges. Le gouvernement belge garantissait que l’excédent à prévoir ne dépasserait pas 200 millions, et se rendait responsable du surplus, ce qui limitait à un maximum de 100 millions la masse d’écus belges qui demeurerait en suspens entre la France et la Belgique, après la compensation opérée.

L’Union latine se trouva donc reconstituée sur ses anciennes bases, à la grande satisfaction des contractans. Les concessions faites à la Belgique par les autres États attestaient le prix que ceux-ci attachaient au maintien intégral de leur association. Quant à la Belgique, l’exposé des motifs de la loi destinée à ratifier la convention du 6 novembre faisait entrevoir la perspective d’une prolongation indéfinie de l’Union : « Il est permis d’espérer, y lisait-on, que les avantages considérables que l’Union assure aux nations associées ne seront pas méconnus, et qu’une nouvelle prorogation sera consentie. Le vote de la Belgique est assuré d’avance à toute mesure qui pourrait prolonger, consolider ou étendre l’Union. » Le rapporteur de la chambre des représentans, M. Jacobs, s’exprimait ainsi : « L’isolement est, en matière monétaire, un sérieux inconvénient pour les petits pays. En supposant qu’il fût possible de nous rattacher au système adopté par d’autres États, il eût fallu rompre avec d’anciennes habitudes et jeter le trouble dans de nombreuses et importantes relations commerciales. En ce moment de crise, une rupture n’était à conseiller qu’à la dernière extrémité. La commission approuve le gouvernement d’avoir accepté la transaction qui lui était offerte. »


La convention du 6 novembre 1885 expirait le 1er janvier 1891 : elle n’a pas été renouvelée et l’Union latine ne subsiste plus que par tacite reconduction. Pourquoi les gouvernemens associés n’ont-ils pas conclu une convention nouvelle ? On est fondé à croire, puisqu’aucun d’eux n’a usé de son droit de dénonciation, qu’ils ont jugé qu’une expérience de vingt-six ans avait suffisamment établi aux yeux de tous les intéressés les avantages de l’Union, pour qu’il fût inutile désormais d’en assurer l’existence par un acte diplomatique nouveau, et que la voie de la tacite reconduction y pourvoyait sans enchaîner la liberté de personne. La Suisse, dont les inquiétudes ont été apaisées par l’arrangement de 1885, est si loin de songer à sortir de l’Union, qu’elle travaille activement à la refonte de ses vieilles pièces de cinq francs, dont beaucoup ont souffert du frai. En Belgique, le 20 mai dernier, le président du conseil, M. Beernaert, interrogé au sein de la chambre des représentans sur l’accueil que le gouvernement belge comptait faire à la proposition de réunir une nouvelle conférence monétaire, s’exprimait en ces termes : « On a dit avec raison que la démonétisation de l’argent par l’Union latine serait le point de départ d’une catastrophe dont nul ne pourrait mesurer les effets. Ce péril, le maintien de l’Union latine l’a écarté. L’argent y circule pour sa pleine valeur, sans que personne souffre de sa dépréciation, et même sans que personne s’en aperçoive. Il en sera de même aussi longtemps que l’on aura la certitude de pouvoir échanger cet argent contre sa valeur nominale en or. À l’étranger, on tire sur nous en or ; à l’intérieur, l’argent vaut l’or. Et tandis que nous avons ainsi tous les avantages de l’or, nous n’avons pas les inconvéniens de sa rareté ; nous ne souffrons pas du manque de monnaie. D’autre part, l’on a vu, à Paris comme à Bruxelles, les cours du change presque invariables, et la Banque de France en mesure d’aider la place de Londres… C’est donc un grand avantage que le maintien de l’Union latine. »

Il est impossible de faire ressortir avec plus de force et de clarté les heureux effets du pacte qui unit les cinq États confédérés. Venons maintenant à l’Italie. L’éminent économiste qui tenait encore au commencement de cette année le portefeuille des finances, M. Luzzatti, répondant à une interpellation de M. Rossi, disait, dans la séance du sénat italien du 26 janvier 1892 : « C’est une fiction que l’Union latine, mais une fiction opportune et une fiction efficace, puisqu’elle a pu donner à environ 4 milliards d’écus d’argent la sanction de l’or. Nous avons ainsi réussi à tresser autour de l’or, qui fait défaut, une couronne d’argent qui, grâce aux fictions établies, conserve la valeur de l’or… La conservation de l’Union latine n’a pas seulement exercé son effet dans les limites du territoire auquel elle s’applique, mais dans le monde entier. Combien de fois n’a-t-on pas entendu proposer, en Allemagne, la vente des thalers ou l’adoption d’un monométallisme plus rigide, sans que ces propositions aient abouti ? Et pourquoi ? Parce que, là aussi, on regarde ce que font les autres. Et la conservation de cette Union qui permet artificiellement à de nombreux millions d’hommes de donner à l’argent la valeur de l’or, et qui fait ainsi moins sentir les inconvéniens de la rareté de celui-ci, fait qu’on s’abstient de prendre une initiative qui pourrait être l’exorde d’une grande catastrophe monétaire. »

Le mot de catastrophe qui s’est trouvé presque simultanément dans la bouche de M. Beernaert et de M. Luzzatti est-il une exagération ? Sur 4 milliards en écus de 5 francs qui circulent sur le territoire de l’Union latine, les statisticiens estiment que les écus français comptent pour 3,100 millions. Ne tenons pas compte des progrès que la dépréciation de l’argent a faits depuis vingt ans, et mesurons par les effets attribués à la démonétisation d’un demi-milliard de monnaies allemandes les conséquences inévitables de la démonétisation d’une masse d’écus six lois supérieure ; et le langage des deux ministres nous paraîtra justifié. Nous comprendrons que le plus fort ciment de l’Union latine se trouve dans la communauté et l’étendue du péril dont elle préserve tous les intéressés, et comme c’est sur la France que retomberaient, et les plus lourds sacrifices et la plus violente perturbation, nous ne nous expliquerons pas que l’Union latine puisse trouver en France des adversaires. Il en est cependant ainsi, et une campagne s’était organisée, l’automne dernier, pour mettre le gouvernement en demeure de dénoncer l’Union, au nom du devoir de faire reprendre à la France sa liberté d’action. Cet argument, qui aurait pu avoir une apparence de valeur pendant la durée de la dernière convention, est devenu une puérilité, depuis que l’Union ne subsiste que d’année en année, et que la France est toujours maîtresse d’y mettre fin dès qu’elle le jugera à propos. On a invoqué aussi le patriotisme qui commanderait d’accroître notre trésor de guerre en faisant rentrer au plus tôt dans les caves de la Banque de France les 200 millions en or que la Belgique et l’Italie auraient à nous payer pour l’excédent de leurs écus sur les nôtres, lors de la liquidation. Ces chiffres, purement hypothétiques, reposent sur des calculs qui remontent à plus de six ans, et dans cet espace de temps les situations ont pu se modifier. La Belgique et l’Italie auraient une année pour établir leur compte, et ensuite cinq années pour s’acquitter de la somme mise à leur charge. Cela ferait 40 millions par an, et il suffit d’une bonne année où la balance du commerce nous soit favorable, pour que l’encaisse or de la Banque s’accroisse d’une somme plus considérable. Les écus italiens et belges qui reposent dans les caves de la Banque ne représentent-ils pas de l’or, de l’or à terme, il est vrai, mais ce terme est dénonçable à la volonté de la France. Supposons les 200 millions effectivement réalisés en or et remis à la Banque, quels services la communauté commerciale en retirera-t-elle qui ne lui soient rendus, comme garantie de la circulation fiduciaire, par les écus d’argent qu’ils auront remplacés ? Ces 200 millions d’or, enlevés au marché européen, ne lui feront-ils pas faute et les embarras actuels n’en seront-ils pas aggravés ?

Il est impossible d’apercevoir quel inconvénient l’Union latine peut avoir pour la France. Ses détracteurs eux-mêmes reconnaissent qu’à l’origine elle a procuré des avantages sérieux à tous les contractans en leur assurant les plus grandes facilités pour leurs échanges internationaux. Peut-on faire fi de ces avantages, maintenant que les rapports commerciaux des pays associés se sont accrus et fortifiés par une longue pratique ? L’Union rompue, ne faudra-t-il pas que la France traite les écus de ses anciens associés comme elle fait aujourd’hui de ces beaux écus du Chili, si bien frappés et absolument semblables aux nôtres par le poids et le titre ? Voilà les écus belges, italiens et suisses arrêtés à notre frontière, et nos écus frappés du même ostracisme ; se figure-t-on le trouble profond qui en résulterait dans les relations de tous les jours, et le concert de plaintes légitimes qui s’élèverait de toutes parts ? Tandis que la Prusse travaille assidûment à introduire en Allemagne son régime monétaire, la France se dépouillerait des avantages qu’elle possède pour se condamner volontairement à l’isolement. Après avoir eu pendant un quart de siècle la direction, au point de vue monétaire, d’une partie considérable de l’Europe, elle renoncerait à cette prééminence et sacrifierait l’influence qui en découle pour elle ? Pourquoi et dans quel intérêt ?

Le seul inconvénient de notre situation monétaire est la surabondance des écus d’argent. Cet inconvénient a atteint son maximum, il y a quinze ans ; il a cessé de s’accroître le jour où le monnayage a été arrêté. L’Union latine allège pour nous le poids de cette masse d’écus d’argent, sans nous enlever en quoi que ce soit le bénéfice éventuel d’une nouvelle évolution dans la production des métaux précieux et d’un retour de faveur pour le métal blanc. En attendant, ces écus remplissent utilement le rôle de monnaie d’appoint. Ils font face aux besoins d’une clientèle étendue et à une multitude de transactions auxquelles la monnaie divisionnaire ne satisferait pas. Dès qu’un règlement, il est vrai, atteint ou dépasse une cinquantaine de francs, l’or ou les billets de banque interviennent ; mais au-dessous de ce chiffre la place des écus d’argent devrait être tenue par ces petites coupures de papier-monnaie que tous les États qui en ont fait l’expérience s’empressent de rejeter, dès qu’ils le peuvent, et pour lesquelles nos populations rurales conservent une méfiance et une aversion traditionnelles.

Certains esprits absolus reprochent à l’Union latine de mettre obstacle à ce que la France rejette définitivement le bimétallisme qu’elle pratique, et adopte le régime de l’étalon d’or. Ils ne se préoccupent point de démontrer que les circonstances actuelles soient favorables à cette évolution et que notre pays soit mûr pour elle ; et ils paraissent prendre très peu de souci de la perte énorme que la démonétisation de l’argent infligerait à la France. Voici quinze ans que l’Allemagne garde dans les caves de ses banques un demi-milliard d’argent qu’elle ne peut vendre : comment la France en vendrait-elle cinq ou six Ibis autant ? On s’explique d’autant moins cette préoccupation théorique que, si la France comme la Belgique est légalement pour ses nationaux au régime du bimétallisme, pratiquement et dans ses échanges internationaux, elle est au régime de l’étalon d’or, aussi bien que l’Angleterre : seulement, voici l’avantage de sa situation sur celle de nos voisins. Paris ne ressent pas au même degré que Londres le contre-coup des moindres variations des marchés étrangers ; il est à l’abri des brusques resserremens de la circulation et des paniques qui résultent de la nécessité d’envoyer au dehors de grandes quantités d’or. La Banque de France, si de pressans besoins d’or se produisent, n’est pas, comme la Banque d’Angleterre, réduite à l’élévation de l’escompte comme unique moyen de défendre sa réserve : elle n’est pas contrainte de faire pâtir notre commerce intérieur pour les besoins ou les fautes de l’étranger. Libre de donner à volonté de l’or ou de l’argent, elle ne puise dans sa réserve d’or que dans la mesure qui- lui convient : les négocians qui ont absolument besoin d’or pour les envois à l’étranger en obtiennent en payant une prime qui est un obstacle aux spéculations des marchands de métaux, mais qui ne représente, en définitive, qu’une augmentation de l’escompte à laquelle échappe l’ensemble du commerce. L’écart de 2 et quelquefois de 3 pour 100, qu’on voit se produire en notre faveur entre le taux et l’escompte à Paris et à Londres, n’a pas d’autre origine ; mais cet écart est encore un avantage moins précieux pour la majorité des industriels et des commerçans que la stabilité de l’escompte, incessamment variable à Londres et presque immuable à Paris.

La France possède 80 milliards de valeurs mobilières, et ce n’est pas exagérer que d’évaluer à plus de 1 milliard le revenu des valeurs étrangères comprises dans ce chiffre et dont les arrérages sont le plus souvent stipulés payables en or. Ces remises de l’étranger, s’ajoutant au produit de ses exportations, assurent la reconstitution régulière de sa circulation métallique. Son approvisionnement d’argent représente 82 francs par tête, chiffre qui n’est égalé, à beaucoup près, dans aucun pays, et qui assure aux transactions intérieures les plus grandes facilités. Ses prix sont établis sur la base de l’or, comme si elle n’avait pas d’autre monnaie, et elle est à l’abri des brusques et violentes variations du change dont souffrent d’autres pays. Sa situation monétaire est donc unique au monde : pourquoi s’exposerait-elle à la compromettre ? Pourquoi inquiéterait-elle sa population sur la valeur de l’agent le plus fréquent des transactions intérieures ? Pourquoi irait-elle, en rompant l’Union latine, courir le risque de rendre inévitable la démonétisation de l’argent et d’accroître une dépréciation du métal blanc dont les conséquences pèseraient sur elle plus que sur toute autre nation ? Si la France n’a point ressenti les effets du trouble que la moins-value de l’argent a jeté dans la situation monétaire d’un si grand nombre de pays, il est indéniable qu’elle le doit à ce fait que, grâce à l’abondance de ses réserves en or et à la suppression de la frappe de l’argent, elle s’est vue en fait, au regard de l’étranger, au régime de l’étalon d’or. Mettre en péril cette situation, ce serait s’en prendre aux sources vives de la puissance nationale.

Les trois conventions qui se sont succédé depuis 1865 ont toutes imposé au gouvernement français la mission de centraliser et de tenir à la disposition des autres puissances contractantes tous les documens administratifs et statistiques relatifs aux émissions de monnaies, à la production et à la consommation des métaux précieux, à la circulation monétaire, à la contrefaçon et à l’altération des monnaies. C’est fort tardivement que le gouvernement s’est mis en mesure de s’acquitter de cette mission : un décret du 1er février 1886, rendu sur la proposition de M. Sadi Carnot, alors ministre des finances, a constitué, sous le nom de commission permanente des monnaies, un centre d’informations et d’études ; mais l’activité de cette commission ne s’est encore traduite que par un avis récent en faveur du maintien de l’Union ; et les commissions analogues, créées dans les autres pays, ne paraissent pas avoir été plus laborieuses. Bien que tous les membres de l’Union aient proclamé la nécessité de se préparer pour le grand jour de la démonétisation universelle de l’argent, ils s’en sont tenus à cette déclaration : la Belgique seule a tenté quelque chose. Comme sa monnaie divisionnaire n’atteignait pas le chiffre qui lui était attribué par les conventions, elle l’a complétée par la frappe de 7,800,000 francs dont le métal a été prélevé sur les écus belges de 5 francs en circulation. Ses écus étant à 900 millièmes de fin, et ses monnaies divisionnaires à 835 millièmes seulement, il est résulté de cette opération, tous frais déduits, un bénéfice d’environ 400,000 francs que le gouvernement belge a appliqué à créer un commencement de dotation pour « un fonds spécial de provision monétaire » qui servira à réduire le nombre des écus belges. La somme ainsi mise en réserve peut paraître insignifiante relativement à l’importance de la circulation belge ; cette initiative n’en est pas moins louable par l’esprit de prévoyance qu’elle atteste. Depuis lors, le gouvernement belge a annoncé aux chambres qu’il comptait mettre en réserve, pour la dotation du fonds de prévision, le boni de plusieurs millions réalisé par la Caisse des dépôts et consignations. La France également n’a point le contingent de monnaies divisionnaires auquel elle a droit : il s’en faut de 18 à 20 millions ; et la pénurie des petites pièces provoque souvent des plaintes dans les centres manufacturiers. On n’oserait cependant donner à la France le conseil de suivre l’exemple de la Belgique : il serait à craindre que le bénéfice de l’opération, au lieu d’être mis en réserve, ne servît à boucher quelque trou du budget. Une occasion s’offre aujourd’hui aux commissions monétaires permanentes de donner enfin signe de vie ; c’est la proposition faite par le gouvernement américain de réunir une conférence universelle ; mais avant d’émettre une opinion sur cette proposition, il convient de retourner de quelques années en arrière et de faire un court historique des conférences antérieures.


CUCHEVAL-CLARIGNY.