L’astronomie, poème en six chants/Chant troisième
CHANT TROISIEME.
Comment du sein des nuits put jaillir la lumière ?
Quand commença le temps ? d’où sortit la matière ?
L’espace est-il fini ? Tous ces mondes divers,
Éternels ou créés, habités ou déserts,
Seraient-ils destinés à tracer leurs orbites
Pendant des jours sans fin dans des cieux sans limites ?
Des limites ? le temps, l’espace, n’en ont pas :
Ils échappent à l’œil, aux nombres, au compas.
C’est en les divisant que notre intelligence
De ces corps, de ces faits signale l’existence,
Trésor mystérieux de la nature : en vain
À concevoir en eux un principe, une fin,
Notre esprit se consume. Il doit enfin se rendre
À ce double infini qu’il ne saurait comprendre.
Mais d’où viennent les corps, l’ordre, le mouvement ?
Ces mondes que leur centre attire incessamment ?
Cette lumière enfin, qui des cieux descendue
Coule sans s’épuiser, et remplit l’étendue ?
Ô méditations ! voiles mystérieux,
Délice et désespoir de l’esprit curieux !
Que notre âme, attachée à ces rêves sublimes,
Se plonge avec orgueil dans ces vastes abîmes !
Eh ! qui put contempler ces mondes enflammés,
S’agitant dans l’espace, et peut-être animés,
Sans s’élancer vers eux, et vouloir sur des ailes
Aller interroger les sphères éternelles ?
L’homme est un vermisseau sur la terre banni,
Il rampe, mais son œil aperçoit l’infini ;
Tout le frappe à-la-fois dans ce dédale immense,
Ces feux, ce mouvement, cet éternel silence,
Tout l’écrase et l’élève. En vain ces vastes corps
Échappent à sa vue et bravent ses efforts :
D’un vol audacieux, sous ces voûtes profondes,
Il poursuit, il atteint, il pèse tous ces mondes.
L’art d’un cristal magique arme ses faibles yeux ;
Il force les soleils à descendre des cieux ;
Des siècles engloutis dans la nuit des ténèbres
S’éveillent à sa voix les ruines célèbres ;
Et cet être éphémère, aveugle, avec fierté
S’élance dans les temps et dans l’immensité.
Mais, en osant tenter ces sublimes problêmes,
Combien l’esprit de l’homme enfanta de systèmes !
De nos propres erreurs esclaves complaisants,
Vainement avertis du mensonge des sens,
Nous aimons le prestige, et la raison confuse
Sortant péniblement d’un songe qui l’abuse,
N’abjure qu’à regret tous ces romans divers,
Qui sans l’étudier expliquent l’univers.
Qu’aux rives de l’Ægos un brûlant météore
Tombe du haut des airs aux pieds d’Anaxagore,
La Grèce adorera cet informe débris,
Comme un fragment lancé des célestes lambris(1).
Mais, le premier, qu’il dise à la savante Éphèse :
Le soleil est plus grand que le Péloponèse ;
Aux erreurs de leurs sens intéressant les cieux,
Nul n’osera le croire et démentir ses yeux.
Si je demande aux Grecs d’où jaillit la lumière ?
Ce soleil quel est-il ? l’un répond : une pierre,
Un immense rubis brillant sur nos climats ;
Pour d’autres, le soleil n’existe même pas(2) ;
Des parcelles de feu s’élevant de la terre
Forment un météore au séjour du tonnerre.
Le disque étincelant s’arrondit tous les jours
Pour verser la lumière, et suivre un même cours ;
Et le soir, tous ces feux dispersés dans l’espace,
À la voûte d’azur vont prendre une autre place.
De l’univers la terre est le centre et l’autel :
Les sept astres errants dans les plaines du ciel
De la lyre sacrée entendent la cadence,
Et règlent sur ses tons leur marche et leur distance. (3)
C’est par de tels discours qu’à l’Olympe autrefois
L’esprit léger des Grecs croyait donner des lois.
Ils savaient que non loin des sables de Libye,
À l’étude du ciel un roi vouant sa vie,
Avait tracé la sphère, et de l’astre des jours
Dans des cercles d’airain déterminé le cours :
Qu’Hercule, parcourant cette terre étrangère,
Des mains du sage Atlas avait reçu la sphère ;
La Grèce va prêter à ces inventions
Le voile ingénieux de vaines fictions.
Atlas est un géant chargé du poids du monde ;
Dans ce travail immense Hercule le seconde.
Les fruits d’or à Vesper par le héros ravis
Sont les astres brillant au céleste parvis(4),
Que l’on voit chaque jour, quand leur course s’achève.
S’évanouir aux feux du soleil qui s’élève.
Hercule a triomphé de cinquante beautés,
Par le nombre des mois ses exploits sont comptés ;
Et le soleil aussi cinquante fois ramène
Le cercle étroit des jours qui forment la semaine.(5)
De la fable trompeuse ainsi prenant les traits,
La vérité perdit ses pudiques attraits.
De ces vains ornements la parure étrangère
Trop long-temps dégrada son front noble et sévère.
Le voile allégorique est une ombre de plus
Qui dérobe Uranie à nos regards confus.
Elle a ses mots sacrés, sans doute, et ses mystères ;
Mais son temple est ouvert, et ses prêtres austères
Par un art mensonger n’osent plus l’avilir ;
Car c’est la profaner que vouloir l’embellir.
Instruire est son partage, et suffit à sa gloire.
Elle permet pourtant qu’ami de la mémoire,
Doux charme de l’oreille, en doublant d’heureux sons
Le vers en traits plus vifs y grave ses leçons.
De la science enfin quelques lois plus certaines
De la terre d’Isis vont passer dans Athènes :
Le Nil instruit Thalès à lire dans les cieux ;
À sa voix tombera le glaive furieux
Par qui le sang du Mède inondait la Lydie.
Après cinq ans entiers de meurtre et d’incendie,
Deux peuples, vers l’Halys, dont ils couvrent les bords,
Dans un dernier combat épuisent leurs efforts.
Thalès paraît ; il dit qu’à leur rage guerrière
Le soleil indigné refuse sa lumière,
Qu’il va voiler son front, si les crimes de Mars
Insultent plus long-temps et souillent ses regards.
Vains discours ! la fureur est sourde à la menace :
Mais quoi ! l’astre pâlit, et son disque s’efface.(6)
Ô terreur ! ces guerriers, l’un sur l’autre acharnés,
Des ombres de la nuit soudain environnés,
Ne reconnaissent plus leurs enseignes flottantes,
Frappent leurs compagnons égarés sous leurs tentes,
Et de la guerre enfin maudissant les forfaits,
Ne demandent au ciel que le jour et la paix.
Ils ont jeté le fer ; et bientôt à leur vue
Le soleil reparaît, la paix leur est rendue.
Sarde, Éphèse, Théos, Mèdes et Lydiens
Accueillent à grands cris l’auteur de tous ces biens.
Quel dieu l’a revêtu de ce pouvoir suprême ?
Il parle, et du soleil tombe le diadème.
Ma voix, leur répond-il, n’a pas un tel pouvoir :
C’est la voix d’un mortel. Quand vous avez cru voir
L’astre du jour s’éteindre au haut de sa carrière,
Un astre sans clarté nous voilait sa lumière.
De ce grand phénomène un savant autrefois
M’enseigna vers l’Euphrate et la cause et les lois.
Le globe de Diane au soleil qui l’éclaire
Présente et tour à tour dérobe un hémisphère ;
Et, suivant les aspects qu’elle montre à nos yeux,
Le disque ou le croissant resplendissent aux cieux.
De l’hémisphère obscur s’allonge dans l’espace
Un cône ténébreux attaché sur sa trace, (7)
Une ombre qui voyage, asile de la nuit,
Dans cette mer de flamme où l’astre la conduit.
Vers ce disque brillant la lumière élancée
Du globe qu’elle frappe est au loin repoussée,
Et porte jusqu’à nous, sur son rayon brisé,
L’éclat de ce grand corps au soleil opposé ;
Phébé rend tous les feux dont son frère l’inonde ;
Mais si l’astre des nuits, la terre et l’œil du monde,
Dans un ordre pareil amenés par le temps,
Sur un axe commun tournent quelques instants,
L’un de l’autre au soleil va dérober la vue ;
L’ombre fuyant alors dans l’immense étendue,
Dans son cône jaloux reçoit pour l’éclipser
L’astre aux feux empruntés qui l’ose traverser :
Ainsi vous avez vu Phébé d’un crêpe sombre
Couvrir le dieu du jour et nous plonger dans l’ombre ;
Et ses feux s’éteindront par un effet pareil
Quand la terre à ses yeux voilera le soleil.
La Lydie écoutait ces savantes merveilles
Qui jamais des Romains n’occuperont les veilles.
Empédocle, en des vers par le temps respectés (8),
Traçait l’ordre prescrit aux célestes clartés.
Cependant de Thalès émule ardent et sage,
Pythagore au savoir voue un noble courage.
Vers le Gange, dit-on, des hommes révérés
Célèbrent de Witsnou les mystères sacrés.
Il part, et le disciple est aux pieds de ses maîtres.
« Reçois la vérité de la bouche des prêtres ;
« Witsnou, dit le Brachman, est l’être universel (9) ;
« D’une fleur qui flottait sur l’abîme éternel
« Il engendra Brama ; Brama créa les ondes,
« Et c’est du sein des eaux que sont nés tous les mondes.
« À leur centre commun notre globe arrêté
« Est par quatre éléphants dans le vide porté.
« Le soleil loin de nous roule sous les étoiles
« Qui de la nuit profonde embellissent les voiles ;
« Et, d’une ombre soudaine enveloppant les cieux,
« Un dragon quelquefois le dévore à nos yeux.
« Sa sœur, encor plus loin, poursuivant sa carrière,
« Arrondit par degrés et cache sa lumière.
« Que de fois, dans le cours des siècles écoulés,
« Les sages de Brama, sur nos tours assemblés,
« L’œil toujours attaché sur la céleste voûte,
« Ont vu l’astre du jour s’éteindre dans sa route !
« Leur prophétique voix peut aux âges lointains
« Prédire de ces corps les mouvements certains.
« C’est peu, dans ce grand livre, où la flamme étincelle,
« Ils lisent l’avenir à leurs ordres fidèle :
« Brama leur révéla tous les secrets du sort ;
« Ils commandent aux rois, à la terre, à la mort :
« Le ciel leur est soumis ; et ces astres paisibles,
« Des sévères destins confidents inflexibles (10),
« Pour eux, de la nature interrompant les lois,
« De l’Olympe obscurci descendent à leur voix.
« Viens-tu de la science apprendre le mystère ?
« Le prêtre saint en est le seul dépositaire :
« Obtiens que son esprit descende jusqu’à toi ;
« Crois sans examiner : la science est la foi.
« Sois soumis, il suffit : le front dans la poussière,
« Que ta raison superbe attende la lumière,
« Et que sur toi Brama la répande à grands flots. »
Pontife, répondit le sage de Samos,
Tu veux me commander, et ne veux pas m’instruire.
Sans doute que du ciel la vérité doit luire ;
Mais, si tu la comprends, de quel droit prétends-tu
Subjuguer mon esprit sans l’avoir convaincu ?
Le droit d’interroger les temps et la nature
Est le plus beau présent fait à la créature ;
L’honneur d’avoir ravi le céleste flambeau
Est du génie humain le titre le plus beau.
Non, le ciel, pour venger sa lumière empruntée,
N’a jamais au Caucase enchaîné Prométhée(11) :
Le ciel n’est point jaloux de ces nobles succès
Qui nous le font bénir, et qui sont ses bienfaits.
Le crime est dans l’orgueil du prêtre qui l’outrage,
Qui veut de ma raison m’interdire l’usage,
Consacrer l’imposture, et, la foudre à la main,
Le bandeau sur les yeux, guider le genre humain.
Celui qui m’a créé pouvait aussi sans doute
M’interdire ce bien qu’on veut que je redoute.
Si ma faible raison n’est qu’un guide trompeur,
Qui m’égare, a-t-il droit de punir mon erreur ?
Il m’a dit : Sois doué d’une céleste flamme,
Élève jusqu’à moi ta pensée et ton âme ;
Sois libre pour choisir, et, dans ta liberté,
Marche vers la justice et vers la vérité.
J’obéis, et d’un cœur respectueux, sincère,
Je cherche à le connaître, et j’aspire à lui plaire.
Je viens des murs d’Athène aux rives de l’Indus
Consulter la science, admirer les vertus,
À la voix qui m’éclaire ouvrir un cœur facile.
Vous qui faites trembler un vulgaire imbécile,
Si vous voulez ma foi, dessiliez-moi les yeux :
Je ne les ferme point à la clarté des cieux ;
Mais le doute à l’erreur est encor préférable ;
Laissez-moi ma raison, mon guide véritable :
Ma foi n’est qu’à ce prix, et sur de tels sujets
Le sage ne commande et n’obéit jamais.
S’éloignant à ces mots du prêtre dont l’audace
Fait descendre du ciel l’erreur et la menace,
Il dirige ses pas vers les fertiles bords (12)
Où le Nil tous les ans épanche ses trésors.
Là, par mille travaux, monuments du vieil âge,
La savante Uranie a marqué son passage.
L’ombre de l’obélisque élancé dans les cieux
Décroît, tourne, s’allonge, et montre l’heure aux yeux ;
Le Bootès blanchit de ses clartés timides
Le front qu’à ses regards offrent les Pyramides ;
Et, lorsque vers le nord le soleil ramené
Vient toucher le tropique à son char incliné,
Au pied même des tours qu’un ciel ardent éclaire,
Le pâtre cherche en vain une ombre tutélaire :
La flamme est sur sa tête, et dans ses cavités
Syène voit du jour descendre les clartés(13).
Le sage a parcouru cette Égypte féconde
Que divisent les eaux du fleuve qui l’inonde ;
Il arrête ses pas au temple de Memphis,
Et sa voix de l’Aurore interroge le fils :
« Ô Memnon, par ce jour que ramène ta mère,
Aux vœux d’un étranger ouvre ton sanctuaire. »
Il dit : la porte d’or a roulé sur ses gonds,
La réponse du dieu sort des antres profonds :
« La vérité réside en ce temple paisible,
Elle est mystérieuse et non inaccessible ;
Mais aux yeux des mortels son voile n’est levé
Que pour une âme pure, un courage éprouvé ;
Trop souvent elle a lui pour un cœur infidèle :
Toi qui l’oses chercher, montre-toi digne d’elle ;
Descends sous cette voûte, et viens, qui que tu sois,
Recevoir la lumière une seconde fois. »
La voix cesse, et déjà dans l’enceinte sacrée
L’étranger sans pâlir s’avance. Dès l’entrée,
S’opposent à ses pas des obstacles soudains :
Un fleuve, il est franchi ; des feux, ils sont éteints ;
La faim, la sombre nuit, l’effroi d’un long silence,
Et le fer, tour-à-tour éprouvent sa constance.
Des rites d’Orient imitateur pieux,
D’une part de lui-même il fait hommage aux dieux ;
Et lorsque de la nuit la reine redoutée
Sept fois a ramené sa lumière empruntée,
Aux mystères du ciel le néophyte admis,
De ses mâles travaux reçoit enfin le prix.
La science d’Hermès à ses yeux dévoilée,
Les sept astres errants sous la voûte étoilée,
La terre suspendue, et son globe lancé
Dans l’espace des cieux sur son pôle abaissé,
Les mondes habités par des intelligences,
Le soleil présidant à ces orbes immenses,
La lune que sans lui ne verraient pas nos yeux,
Le voilant quelquefois dans son cours glorieux,
L’Égypte se levant sur ses humides plages
Comme un vivant témoin du savoir des vieux âges,
Et les siècles lointains guidés par ces flambeaux
Entretenus par elle au milieu des tombeaux ;
Voilà de quels objets la lumière inconnue
Du sage initié vient étonner la vue ;
Et des monstres hideux sur la pierre sculptés
Déjà le sens pour lui n’a plus d’obscurités.
La ville du soleil t’appelle en son enceinte,
Pythagore ; introduit dans la demeure sainte,
Regarde sur l’autel l’oiseau mystérieux,
L’oiseau dont les couleurs resplendissent aux cieux,
Présent qu’a fait au Nil l’odorante Arabie.
Né sans père, il vit seul ; la mort lui rend la vie.
Être pur et léger, c’est en vain qu’à ses yeux
La terre vient offrir ses fruits délicieux ;
Dédaignant des mortels la pâture grossière,
Il s’abreuve aux rayons, source de la lumière (14) :
L’Olympe est son palais, l’éther son aliment ;
Sur ses ailes de pourpre il plane incessamment,
Part, s’éloigne, revient et règne dans l’espace.
Quand l’hiver trois cents fois au printemps a fait place,
L’oiseau, qui de ses jours sent le terme approcher,
Vient à l’autel sacré confier son bûcher ;
De myrrhe et d’aloès lui-même le compose :
Sur ce lit de parfums enfin il se repose,
Cherche d’un œil éteint la lumière du jour,
Et son dernier adieu monte au divin séjour.
C’en est fait ; mais du ciel un trait part, l’encens fume ;
Dégagé tout-à-coup du feu qui le consume,
Le phénix rajeuni, plus brillant et plus beau,
S’élance du brasier qui devient son berceau,
Et toute la nature, en le voyant paraître,
Retrouve en lui le dieu qui s’éteint pour renaître.
La ville d’Hélion sur son fertile bord
Des cendres du bûcher recueille le trésor,
Et l’Égypte salue avec des cris de joie
L’astre resplendissant que le ciel lui renvoie.
Pars, Pythagore, et va du phénix ranimé
Raconter la merveille au Céphise charmé(15).
Bientôt, impatient d’illustrer sa patrie,
Il portait la lumière à son île chérie ;
Mais, ô de la sagesse inévitable sort !
La persécution l’attendait sur ce bord.
Proscrite dans Samos, méconnue, exilée,
la science à Crotone est enfin consolée.
Il y trouve un asile, et souvent dans ces lieux
Numa vient avec lui s’entretenir des cieux(16).
Ces murs avec orgueil possèdent Pythagore ;
Du titre du plus sage un oracle l’honore :
Métaponte à genoux lui dresse des autels.
Inconstante faveur des aveugles mortels !
Un disciple a bravé le vulgaire stupide(17),
Son imprudente voix dit que d’un cours rapide
Notre terre se meut, et de l’astre du jour,
Roulant sur elle-même, en un an fait le tour.
C’en est assez : soudain le préjugé s’irrite,
Les sens ont démenti la vérité proscrite :
La secte est en horreur ; cherchant des bords lointains,
Les sages ont aux flots confié leurs destins,
Et du maître au tombeau la cendre profanée
Chez ces peuples ingrats demeure abandonnée.
Après les noirs frimas le printemps de retour
Sur l’Olympe embaumé fait lever ce beau jour
Où les talents rivaux dans le cirque d’Élée
Demandaient des lauriers à la Grèce assemblée.
C’était là qu’Hésiode et le chantre d’Hector
Avaient dit ces beaux vers qui nous charment encor,
Qu’Œdipe de Sophocle éternisait la gloire.
C’était là qu’aux récits du père de l’histoire,
Les acclamations d’un peuple transporté
Avaient prédit l’arrêt de la postérité,
Et que, né pour atteindre à ces palmes heureuses,
Thucydide versait des larmes généreuses.
Muses, redites-moi quels sublimes accents
Des enfants de la Grèce enivrèrent les sens !
La ville de Cadmus, de Pindare si fière,
Opposait ce grand nom à l’Hellénie entière ;
Pour la cinquième fois du laurier glorieux
La couronne attendait son front victorieux :
Une femme paraît, qu’Apollon même inspire ;
Ses doigts harmonieux s’égarent sur sa lyre ;
Et le chantre thébain, muet d’étonnement,
Laisse tomber la sienne en son ravissement.
Cette femme chantait les sphères immortelles,
Les travaux de Titan et ses retours fidèles,
La lumière et le feu sur les corps répandus,
Tous les bienfaits du ciel jusqu’à nous descendus,
Et cette âme incréée, invisible et féconde,
Qui meut, soutient, anime et répare le monde.
Transportés aux beaux jours du naissant univers,
Admis dans l’Empyrée aux célestes concerts,
Tous les Grecs, se levant à cette voix divine,
Proclament le triomphe et le nom de Corine :
Mais elle : « Retenez des transports trop flatteurs,
« Hellènes ; si ma voix a su toucher vos cœurs,
« Ce n’est point que Pindare ait en moi sa rivale :
« Il chantait d’un mortel la palme triomphale ;
« Je célébrais l’Olympe et ses rapides feux :
« Son talent fut plus beau, mon sujet plus heureux :
« Je rends ce noble prix au ciel qui me le donne. »
Elle dit, et les Grecs consacrent sa couronne
Au pied de cet autel qui brille au firmament (18),
Et qui des dieux jadis a reçu le serment.
La gloire de Corine au ciel est confiée.
Bientôt à d’autres jeux l’Élide est conviée :
Près de l’Alphée assis, les peuples cette fois
D’un sage aimé des dieux vont entendre la voix.
Méton se lève et dit : « Élite de la Grèce,
Ma main n’anime point la lyre enchanteresse ;
Mais l’art ingénieux qui mesure le temps
Peut-être est digne aussi d’occuper vos instants.
Des révolutions de la sphère éthérée
L’homme dut observer l’immuable durée ;
Apollon et sa sœur, au même point des cieux,
Ne viennent point finir leur cercle radieux.
Diane moins constante, et pourtant régulière,
Signalait chaque pas de sa vaste carrière ;
En quatre fois sept jours, sa forme quatre fois
Changeait, et dut régler la semaine et le mois (19),
Tandis que le soleil dispensait les années
Et les saisons par lui tour-à-tour ramenées.
Pour diviser le temps en espaces égaux
Combien l’esprit de l’homme essaya de travaux !
L’ombre silencieuse et l’onde fugitive
Prêtèrent leur secours à la vue attentive.
Entre leurs mouvements et les célestes corps
Un art industrieux sut trouver des rapports ;
Grâce au cône léger qui laisse fuir le sable,
Le temps devint visible et sa trace palpable,
Et le rapide instant qui s’enfuit pour jamais
Put être apprécié par nos sens imparfaits. »
« De l’orbe que Phébus parcourt à notre vue,
Trois fois cent vingt degrés divisent l’étendue ;
Mais sans cesse roulant sur son axe incliné
Dans le cercle de feu qui lui fut ordonné,
Il consume à franchir ses brillantes demeures
Douze mois et cinq jours prolongés de six heures (20).
La déesse des nuits et le père des jours,
Dans des cercles divers accomplissant leur cours.
Nous dispensent des ans de longueur inégale :
Mais, lorsque terminant sa marche triomphale,
Phébus a dix-neuf fois de son char embrasé
Effleuré le Tropique à l’Auster opposé,
Au même point du ciel, et la sœur et le frère,
De leurs feux réunis remplissent l’hémisphère,
Et réconciliés, mais pour quelques instants,
Recommencent leur cours par un nouveau printemps.
De cette période adoptez la durée ;
Il est digne de vous, de la Grèce éclairée,
En fixant pour jamais vos fêtes, vos travaux,
De mettre enfin d’accord les deux astres rivaux. »
Il a dit : tous les Grecs, d’un concert unanime,
Applaudissent au vœu que sa voix leur exprime ;
La science triomphe, et ce jour a porté
Le cycle de Méton à la postérité(21).
Eudoxe, ambitieux d’une pareille gloire,
Du ciel, sans l’observer, osa tracer l’histoire ;
Mais il sut recueillir chez des peuples lointains
Sur les astres errants des calculs plus certains ;
Il dessina la sphère, aida l’agriculture,
Et de l’art des devins méprisa l’imposture.
Voyageur courageux, cherchant un ciel nouveau,
Pythéas vers le nord dirigea son vaisseau.
Là du sommet glacé d’un mont Hyperborée
Il observa des nuits l’importune durée,
Et ces temps où Phébus, toujours à l’horizon,
Ne fait qu’un jour sans nuit de toute une saison(22).
De la docte Uranie expliquant les mystères,
Ces sages la montraient sous ses formes austères.
Elle illustra leurs noms, mais, par un nouveau choix,
Du plus brillant génie elle emprunta la voix.
Sur un mont escarpé dont le faîte domine
Les vagues que Céos renvoie à Salamine,
S’élève un temple antique à Pallas consacré.
Là, le divin Platon, de sages entouré(23),
Aux vents tumultueux, à la voix des abîmes,
Mêlait la gravité de ses accents sublimes ;
Il disait la sagesse enfantant l’univers,
Et des mondes flottants les célestes concerts :
Ces mondes animés par l’immortelle essence,
Noble émanation de la toute-puissance.
« La flamme, ajoutait-il, emporte dans les cieux,
De l’aurore au couchant, les disques radieux,
Tandis qu’appesantis par leur masse grossière,
Roulent vers l’orient nos globes de poussière.
Moi-même, par l’orgueil trop long-temps abusé,
J’ai cru que notre terre, astre favorisé,
Aux yeux de son auteur et plus noble et plus chère,
Demeurait immobile au centre de la sphère.
Mais de la vérité les oracles certains
Ont sous la loi commune abaissé nos destins.
Un sage l’apporta d’Égypte en Italie,
Et par un autre sage elle y fut accueillie.
Premier législateur d’un peuple encor grossier
Qui fonde sur le Tibre un empire guerrier,
Le disciple et l’ami de notre Pythagore
En reçut les secrets dont l’Égypte s’honore.
Un temple par ses mains élevé dans ces lieux,
À l’œil qui sait y lire offre l’ordre des cieux.
Sa forme circulaire est l’emblème du monde ;
Il s’ouvre à l’orient. Sous la voûte profonde,
On voit Phébé, Cybèle, et Mercure, et Vénus,
Mars sanglant, Jupiter et le fils d’Uranus ;
Un autel est au centre, où, par un soin fidèle,
Vesta nourrit sans cesse une flamme immortelle. »
Il disait ; et les Grecs, dans ses discours vantés,
Admiraient le talent plus que les vérités :
L’éloquence brillait, mais la patrie ingrate
Applaudissait Platon et condamnait Socrate :
Peuple léger ! les arts conquis par tant d’efforts
Avec la liberté s’exilent de tes bords.
Tandis qu’au bruit lointain des vagues courroucées
Platon donne l’essor à ses hautes pensées,
Un prince, non content du trône paternel,
Veut être conquérant, fondateur, immortel,
Dieu : le voilà qui court asservir les rivages
Où dormait le trésor du savoir des vieux âges.
Digne d’un tel dépôt, sur les peuples vaincus
Aristote a levé ses glorieux tributs(24) ;
De son rapide élève il absout la victoire ;
Et l’Euphrate du ciel lui raconte l’histoire.
Du Gange aux murs de Tyr le jeune conquérant
A détruit, et fondé les villes en courant.
Sur les sables du Nil s’élève Alexandrie :
Les arts ont reconnu leur première patrie.
C’est là qu’on voit bientôt les sages accourir,
A l’ombre de la paix les sciences fleurir.
Et naître sous les lois de l’heureux Ptolémée
Une école nouvelle à l’étude animée.
Un phare audacieux s’élance dans les airs ;
De la chute du Nil au bord des flots amers
L’Égypte est mesurée, et Syène l’antique
S’étonne d’avoir vu reculer son tropique(25).
Oh ! que d’illustres noms, que de nobles travaux
Transmettra cette école à des siècles nouveaux !
Euclide, Manéthon, le sage Ératosthène,
Explorateur du Nil à sa source lointaine ;
Conon, qui dans le ciel plaça ces beaux cheveux
Offerts par une reine à la mère des Jeux(26) ;
Et ce grand citoyen dont l’heureuse industrie
Fit servir la science à venger sa patrie,
Archimède ! Au foyer d’un ardent appareil,
Concentrés par son art, les rayons du soleil
Défendaient Syracuse, et dans la mer fumante
Embrasaient des Romains la flotte menaçante.
Sa main sous le cristal d’un globe ingénieux
A suspendu la terre et les astres des cieux ;
Des ressorts animés l’invisible puissance
Dans de justes rapports de temps et de distance,
Autour de leur soleil, sur des orbes divers
Fait circuler les corps du petit univers ;
Et sur l’ordre du ciel leur marche calculée
A révélé les lois de la sphère étoilée(27).
Hipparque infatigable, et génie inventeur,
Incline l’écliptique au plan de l’équateur ;
Les triangles, par lui soumis à la mesure,
De la sphère aplanie expriment la figure,
Et tout le ciel lui dit, long-temps interrogé,
« L’équinoxe s’avance et le pôle a changé. »
Il entreprend (les dieux l’encourageaient sans doute)
De dénombrer les feux de la céleste voûte ;
Et mille astres par lui légués à l’avenir(28)
Des cieux alors connus fixent le souvenir.
Du haut de cette tour où veille la science
Il soumet au calcul la lente expérience ;
Il demande au soleil quel espace effrayant
Sépare de nos yeux son disque flamboyant.
Des astres inconstants il trace les orbites,
Et du monde agrandi recule les limites.
Du rivage africain chez le peuple de Mars,
Sosigène, à la voix du premier des Césars,
Sur un ordre meilleur vient réformer l’année,
Dont Janus ouvrira la première journée(29).
Combien d’heureux essais, de nouveaux instruments,
Du génie inventif utiles monuments,
Vont, de l’observateur aidant les doctes veilles,
Révéler à ses yeux de brillantes merveilles !
Les triangles qu’au ciel a tracés le compas,
Reproduits sur la terre y mesurent nos pas :
Sur les mers au pilote ils serviront de guide.
Voyez-vous de Memphis l’altière pyramide ?
Son immense contour, cent vingt fois mesuré,
Du globe où nous marchons exprime le degré (30).
Les révolutions de la sphère éclatante,
Et tout ce qu’entrevit l’antiquité savante,
Et les astres comptés, qu’à la voûte d’azur
L’œil put voir rayonner sous le ciel le plus pur,
Et tant d’heureux travaux si dignes de mémoire,
D’un autre Ptolémée éternisent la gloire.
« Quel pouvoir a, dit-il, suspendu dans les cieux
Ces astres qui sans cesse y marchent à nos yeux ?
Dans un ordre immuable ils poursuivent leur route,
Au ciel qui les entraîne ils sont fixés sans doute ;
Mais, sans voiler ces feux, quelques globes errants
Tracent plus près de nous des orbes transparents,
Et des cieux de cristal, que perce la lumière,
Se recourbent sept fois sur la nature entière. »
Tel fut dans l’Orient ce système inventé,
Mélange de l’erreur et de la vérité.
La main de son auteur le grava sur la pierre
Du temple que Canope ouvrait à la prière(31) ;
Et long-temps l’étranger qui visitait ces lieux
Sur ces murs éloquents lut l’histoire des cieux.
Les siècles vont passer sur ces doctes ruines,
Mais Rome jusqu’au Nil étendra ses rapines,
Rome, toujours livrée aux durs travaux de Mars,
Apporte l’esclavage et disperse les arts.
La ville d’Alexandre a vu sa gloire éteinte,
Les sages dès long-temps ont fui de son enceinte,
Et des travaux par eux légués à l’avenir
Elle conserve à peine un vague souvenir.
Il fut un monument, palais de la science,
Qui des fils de Lagus dit la munificence.
C’est là qu’incessamment se déroulaient aux yeux
Les écrits rassemblés par un zèle pieux ;
Là du monde savant l’illustre colonie,
Au papier confiait les trésors du génie.
L’ambitieux César descendu sur ce bord,
Embrase ses vaisseaux, assiégés dans le port,
Et le feu dévorant sa flotte criminelle
Atteint de ce palais la moitié la plus belle.
Sept siècles écoulés, un Arabe, un Omar,
Barbare imitateur de l’illustre César,
Fanatique orgueilleux, insulte et met en cendre
Le dépôt du savoir et les murs d’Alexandre.
Un livre, un livre seul échappe à tous ces feux.
Ô destin ! d’un Arabe il attire les yeux ;
L’Almageste l’étonne, et son âme charmée
Saisit, dévore, admire, explique Ptolémée.
C’en est fait, son esprit n’aura plus de repos :
Du maître après mille ans reprenant les travaux,
La science lui doit une nouvelle vie.
Ptolémée au tombeau sert encore Uranie,
Comme si son destin était de ranimer
Le flambeau qu’autrefois sa main sut allumer.
NOTES
DU TROISIÈME CHANT.
..... Un fragment lance des célestes lambris.
peu volumineuse. On prétend que le même Anaxagore avait prédit qu’elle tomberait au point central de la terre. Une autre est révérée à Cassandrie, nommée aussi Potidée. Une colonie y a été conduite à cette occasion. J’ai vu moi-même une pierre pareille dans la campagne des Vocontiens, où elle était tombée peu de temps auparavant. »
- (Pline, Hist. nat. , I. ii , § 59.)
L’un me dit une pierre,
Un immense rubis brillant sur nos climats,
Pour d’autres le soleil n’existe même pas.
Platon, Apol. ; Plutarque, de Superstitione ; Diogène Laerce, I. ii, § 8.
Platon, de Rep., I. vi.
Plutarque, de Plac. philos., I. ii, ch. 24.
Aristote, Météor, I. ii, ch. 2.
Et règlent sur ses tons leur marche et leur distance.
- « Les planètes, en y comprenant le soleil et la lune, sont au nombre de sept. L’heptacorde, ou la lyre à sept cordes, renferme deux tétracordes unis par un son commun, et qui, dans le genre diatonique, donnent cette suite de sons, si, ut, ré, mi, fa, sol, la. Supposez que la lune soit représentée par si, Mercure le sera par ut, Vénus par ré, le soleil par mi, Mars par fa, Jupiter par sol, Saturne par la. Ainsi la distance de la lune si à Mercure ut sera d’un demi-ton, c’est-à-dire que la distance de Vénus à Mercure sera le double de celle de Mercure à la lune. Telle fut la première lyre céleste, etc. »
- (Voyage d’Anacharsis, chap. 31.)
- Voyez dans Pline (Hist. nat., I. ii, § 20) une exposition de ce même système, c’est-à-dire des rapports entre les distances des planètes et celles des tons de la musique, « toutes subtilités, ajoute-t-il, plus agréables que nécessaires. »
(Noel, Dict. de la table, mot Hespérides.)
Le cercle étroit des jours qui forment la semaine.
La même allégorie se retrouve dans les amours de Diane et d’Endymion, qui eurent cinquante enfants.
…L’astre pâlit, et son disque s’efface.
« Divers astronomes ont essayé dans ces derniers temps de calculer cette éclipse et d’en trouver le jour. Ils s’accordent pour le 17 mai de l’année 6o3 avant Jésus-Christ, et ils trouvent que l’éclipse dut être totale pendant 4 minutes 1/2, pour le lieu de la bataille entre les rivières d’Halys et du Mélas. »
(Court de Gebelin, Hist. civile du calendrier.)
Un cône ténébreux, attaché sur sa trace.
Corpore quem spisso tellus in lumine solis
Defensat, cœlique trahit per aperta sequacem.
Empédocle en des vers par le temps respectés, etc…
Il y a un ancien poème grec qui est attribué au philosophe pythagoricien Empédocle, quoique plusieurs critiques ne soient pas de cette opinion. Ce poème, intitulé la Sphère, consiste en une énumération des constellations et des signes du zodiaque avec des étymologies souvent forcées des noms de ceux-ci. C’est au sujet de ce poème qu’a été dit un mot qui a fait une grande fortune :
Deum empedocleum esse sphœram intelligibilem cujus centrum ubique circumferentia nusquam sit. Et ce mot remonte à une bien plus haute antiquité ; car on attribue cette définition de l’intelligence universelle à Hermès Trismégiste.
Witsnou, dit le Brachman, est l’être universel, etc.
On peut consulter sur la cosmographie des Indiens l’ÉzourVédam (Éclaircissements, t. ii, p. 209), Bailly (Hist. de l’astron. anc, l. iv, § 18), et M. Delambre, lequel conclut d’un passage de M. Davis, « que les Hindous commencent à douter de leur dragon, qui occasionnait les éclipses en dévorant le soleil. »
Des sévères destins confidents inflexibles, etc.
« Carminé, divinas artes, et conscia fati
Sidera, diversos hominum varianlia rasus ;
Cœlestis rationis opus, dedurere mundo
Aggredior, primusque novis Helicona movere
Cantibus, et viridi nutantes vertice sylvas,
Hospita sacra ferens, nulli memorata priorum. »
N’a jamais au Caucase enchaîné Prométhée.
Riccioli trouve dans Servius que Prométhée demeurant sur le Caucase, où il était tourmenté par le besoin de deviner les lois du mouvement des astres, avait ainsi donné lieu à la fable du vautour qui lui ronge les entrailles.
Il dirige ses pas vers les fertiles bords
Où le Nil……
Pythagore voyagea dans les Indes et en Égypte : toutes les traditions s’accordent sur cela. Dans laquelle de ces contrées puisa-t-il les connaissances astronomiques qu’on lui attribue généralement ? C’est ce qu’on ne dit pas. Quel est le peuple qui a précédé les autres dans les découvertes de cette science ? Nous ne le savons point. Je ne me charge point de prouver que cette gloire appartenait aux Égyptiens, mais j’ai cru pouvoir la refuser aux Indiens, et voici sur quels fondements. « Un peuple qui fait la terre plate, qui imagine une montagne au milieu, pour cacher le soleil pendant la nuit, qui crée exprès deux dragons, l’un rouge et l’autre noir, pour éclipser le soleil et la lune : un peuple qui place la lune plus loin que le soleil, et pose la terre sur une montagne d’or, inventeur de ces absurdités, n’est point l’auteur des méthodes savantes que nous admirons. »
Il est vrai que cet auteur suppose que chez ces peuples, dont les connaissances astronomiques étaient si grossières, les prêtres avaient conservé des traditions plus exactes qui venaient d’un peuple plus ancien.
. . . . . . . . . .Et dans ses cavités
Syène voit du jour descendre les clartés.
« On lui montra aussi les gnomons horaires, qui à midi ne fournissent point d’ombre, parce que le rayon solaire étant vertical à Syène le jour du solstice d’été, la lumière est également répandue de toute part, et ne donne lieu à aucune ombre, tellement qu’au fond même du puits, la surface de l’eau est éclairée en entier. »
- (Éthiopiques d’Héliodore, liv. 9.)
- (Lucain, I. 2.)
Il (le phénix) s’abreuve aux rayons source de la lumière.
Assnetus prohibere sitim, sed purior illum Solis fervor alit, ventosaque pabula libat Tethyos, innocui carpens alimenta vaporis.
(Claudien, le Phénix.)
« La plus remarquable de ces fables est celle du phénix : cet oiseau, suivant les idées égyptiennes, est unique ; son plumage est or cramoisi, il vient du pays des ténèbres pour mourir en Égypte et renaître de ses cendres dans la ville du soleil, sur l’autel de cette divinité. On ne peut douter que ce phénix ne soit l’emblème d’une révolution solaire… »
(Bailly, Lettres sur l’origine des sciences, lett. 8.)|4|0}}
Numa vient avec lui s’entretenir des cieux.
(Ovide, Mét., I. xv, et Fastes, I. iii.)
Un disciple a bravé le vulgaire stupide.
« Pythagore enseigna publiquement que la terre était au centre de l’univers. Il réserva pour ses disciples de choix l’opinion du mouvement de la terre et de l’immobilité du soleil, qui eût choqué le vulgaire. »
(Bailly, Hist.de l’astr., ancienne, I.8, § 3.)
« Philolaus de Crotone, disciple de Pythagore et d’Architas de Tarente, est un des Pythagoriciens les plus célèbres dans l’astronomie, pour avoir établi plus précisément qu’aucun autre Pythagoricien le mouvement de la terre. »
(Astronomie de Lalande, I. 2.)
Au pied de cet autel qui brille au firmament, etc.
Corinne de Tanagre disputa cinq fois avec succès le prix de la poésie à Pindare. La couronne qui lui fut décernée fut consacrée parmi les astres sous le nom de couronne australe. Elle est placée au-dessous de l’autel. Cet autel est celui sur lequel les dieux jurèrent leur ligue contre les Titans.
En quatre fois sept jours, sa forme quatre fois
Changeait, et dut régler la semaine et le mois.
« La semaine depuis la plus haute antiquité, dans laquelle se perd son origine, circule sans interruption à travers les siècles en se mêlant aux calendriers successifs des différents peuples. Il est très-remarquable qu’elle se trouve identiquement la même sur toute la terre, soit relativement à la dénomination de ses jours réglée sur le plus ancien système d’astronomie, soit par rapport à leur correspondance au même instant physique. C’est peut-être le monument le plus ancien et le plus incontestable des connaissances humaines. Il paraît indiquer une source commune d’où elles se sont répandues ; mais le système astronomique qui lui sert de base est une preuve de leur imperfection à cette origine. »
(Exposition du syst. du monde, I. 1, ch. 3.)
Douze mois et cinq jours prolongés de six heures.
Les prêtres de Thèbes passent pour très versés dans l’astronomie et dans la philosophie. C’est d’eux que vient l’usage de régler le temps, non d’après la révolution de la lune, mais d’après celle du soleil. Ils ajoutent aux douze mois de trente jours chacun, cinq jours tous les ans ; et comme il reste encore, pour compléter la durée de l’année, une certaine portion de jours, ils en forment une période composée d’un nombre rond de jours et d’années, suffisant pour que les parties excédantes étant ajoutées, fassent un jour entier. Ils attribuent à Hermès toute leur science en ce genre. »
(Strahon, I. 17.)
On trouve dans Diodore de Sicile, liv. Ier, un passage tout-à-fait semblable à celui de Strabon ; il est même évident que l’un a été calqué sur l’autre ; mais on ignore lequel est l’original : ces deux écrivains étaient contemporains
d’Auguste.
Le cycle de Méton à la postérité.
« Méton proposa son cycle de 19 années solaires, pendant lesquelles s’écoulent 19 années lunaires et sept mois intercalaires. Par ce moyen les mouvements du soleil et de la lune sont très-heureusement conciliés, et les deux astres se retrouvent, à très-peu près, au bout de la période, au même point du ciel Quand son auteur en présenta les tables et une explication dans l’assemblée des Jeux olympiques, quoiqu’il changeât l’ordre public, sa forme fut adoptée sur-le-champ par toutes les villes et colonies grecques, et reçut unanimement le nom de cycle ou nombre d’or pour marquer son excellence, nom qu’elle a conservé jusqu’aujourd’hui chez la plupart des peuples de l’Europe, qui en font encore usage..... Le premier cycle commença l’an 432 avant Jésus-Christ. »
(Bailly, Hist. de l’astr. anc., I. 8, § 12, 13, 14.)
Ne fait qu’un jour sans nuit de toute une saison.
Il n’est guères possible de croire qu’un philosophe qui avait voyagé ait raconté aux habitants de Marseille qu’en s’élevant vers le nord il était parvenu à un point où la voûte du ciel était si basse, qu’un homme ne pouvait s’y tenir debout. On a pourtant prêté cette exagération méridionale à Pythéas.
Là le divin Platon, de sages entouré, etc.
Toute cette doctrine est empruntée des discours que l’abbé Barthélémy fait prononcer à Platon, sur le promontoire de
Sunium.
( Voyage d’Anacharsis, ch. 59.)
« Platon avait d’abord été de l’opinion générale, comme on le voit dans plusieurs endroits de ses ouvrages ; mais plus avancé en âge, on dit qu’il connut mieux la physique de l’univers et qu’il adopta le sentiment des Pythagoriciens sur le mouvement de la terre. C’est le témoignage que lui rendent Cicéron, Acad., quest. 2, 123, et Plutarque dans la vie de Numa. »
(Astronomie de Lalande, I. 2.)
« L’on tient que Numa fit fabriquer le temple rond de la déesse Vesta, auquel est gardé le feu éternel, voulant représenter, non la terre, que l’on dit Vesta, mais la figure du monde universel, au milieu duquel les Pythagoriciens veulent que ce soit le siège et le séjour propre du feu, lequel ils appellent Vesta et disent être l’unité ; car ils ne tiennent pas que la terre soit immobile, ni située au milieu du monde, ni que le ciel tourne à l’environ, mais, au contraire,
disent qu’elle est suspendue à l’entour du feu, comme du centre du monde, et si ne veulent point que ce soit l’une des premières et principales parties de l’univers ; laquelle opinion l’on dit que Platon même tint en sa vieillesse, que la terre était en autre place que celle du milieu. »
(Plutarque, Numa.)
Aristote a levé ces glorieux tributs.....
On raconte que Callisthènes, parent et disciple d’Aristote, ayant eu communication à Babylone, où il avait accompagné Alexandre, d’une suite d’observations astronomiques qui
remontait à 1903, les envoya à ce philosophe, qui en fit usage dans les écrits qu’il publia. Le conquérant en fut jaloux, et il écrivit à son précepteur. « Tu n’as pas bien fait d’avoir publié tes livres des sciences spéculatives, pour autant que nous n’aurons rien au-dessus des autres, si ce que tu as enseigné en secret vient à être publié et communiqué à tous ; et je veux bien que tu saches que j’aimerais mieux surmonter les autres en intelligence des choses hautes et très-bonnes que non pas en puissance. »
(Plutarque, vie d’Alexandre. Voyez aussi les Nuits Attiques d’AuluGelle, I. 21, ch. 5.)
L’Égypte est mesurée, et Syène l’antique
S’étonne d’avoir vu reculer son tropique.
On va même jusqu’à accorder aux astronomes de l’école d’Alexandrie l’honneur d’avoir mesuré la circonférence de la terre : les moyens qu’on croit qu’ils employèrent pour y parvenir sont expliqués par M. de Lalande.
(Astronomie, I. ier.)
« Ce lieu si âpre (Syène) était pour les géographes un des points les plus importants du globe. Il a servi à Ératosthène, à Hipparque, à Strabon et à Ptolémée, de point de départ pour déterminer la position des lieux de la terre. C’était la seule ville placée sous cette ligne qui sépare la zone torride de celle que nous habitons. L’opinion que Syène était sous le tropique fut maintenue plus de 3 000 ans après que cette ville avait cessé d’y répondre, et même de nos jours. Au 2e siècle de l’ère vulgaire, le bord septentrional du soleil atteignait encore au zénith de Syène, séjour du solstice d’été… Aujourd’hui le tropique est bien plus rapproché de l’équateur, et sa distance à Syène est de 37’23 au sud, ou de plus de 15 lieues et demie. »
(Description de Syène et des Cataractes, par M. Jomard.) V. la note 12.
. . . . . . . . . . . . . . .Ces beaux cheveux
Offerts par une reine à la mère des Jeux.
Bérénice Evergète, femme de Ptolémée Soter, roi d’Égypte, fit vœu de consacrer sa chevelure à Vénus, si son mari revenait triomphant d’une guerre qu’il faisait en Asie. Sa prière ayant été exaucée, elle se coupa les cheveux et les déposa dans le temple de la déesse. Mais ils disparurent, et pour expliquer cette disparition, l’astronome Conon montra au roi sept étoiles dans le voisinage de la queue du Lion, qu’il prétendit être la chevelure de la reine transportée dans le ciel.
Qui stellarum ortus comperit atque obitus, Flammeus ut rapidi solis nitor obscuretur, Et cedant certis sidera temporibus, Idem me ille Conon cœlesti lumine vidit E Bereniceo vertice cresaricm Fulgentem clarè, quam multis illa deorum, Lævia protendens brachia, pollicita est, Quâ rex tempestate, novo auctus hymenæo, Vastatum lines iverat assyrios. »
- (Catulle, Épig. 66.)
A révélé les lois de la sphère étoilée.
Archimède avait fait une sphère mécanique.
Stat globus, immensi parva figura poli.
- (Ovide, Fastes, I. 6.)
Ecce Syracusius trauslulit arte senex ; Inclusus variis famulatur spiritus astris, Et vivum certis motibus urget opus. Percurrit proprium mentitus signifer annum, Et simulata novo Cinthia mense redit : Jamque suum volvens audax industria muudum Gaudet, et humaná sidera mente regit. »
- (Claudien, sur la sphère d Archimède.)
Voyez, dans le Traité de la République de Cicéron, liv. 2 § 14, quelques détails sur la sphère que Marcellus rapporta de Syracuse.
Hipparque infatigable…
Et mille astres par lui légués à l’avenir, etc.
- (Pline, I. 2, ch. 26.)
Le catalogue d’Hipparque contenait 1022 étoiles et assignait leur position pour l’année 128 avant Jésus-Christ.
Hipparque fut l’inventeur de la trigonométrie et du planisphère, et découvrit la précession des équinoxes. « Synesius, ancien auteur, qui a écrit sur l’astrolabe, atteste qu’Hipparque avait dit aussi quelque chose sur les planisphères, c’est-à-dire la manière de tracer sur un plan la convexité du ciel, sans changer les proportions des cartes, malgré la différence des surfaces. »
- (Astronomie de Lalande, I. 2.)
Sosigène… vient réformer l’année,
Inque meo primus carmine Janus adest.
Voici l’explication de Dupuis, Orig. des Cultes, tom. i, pag. 85.
« L’année des Romains commença à minuit depuis Nuina, qui en fixa le départ huit jours après le solstice d’hiver. Cet instant où le jour naturel commençant ouvrait en même temps la carrière du soleil et de l’année, qu’il engendre dans sa course à travers les 12 figures, était marqué dans les cieux par le lever des étoiles des pieds de la Vierge. La plus remarquable d’entre elles fut regardée comme le portier de l’Olympe, et en prit le nom de Janitor ou de Janus. Cette étoile devint un génie qui fut placé à la tête du calendrier. »
Du globe où nous marchons exprime le degré.
Le périmètre de la grande pyramide de Memphis avait 30 secondes du degré propre à l’Égypte ; ainsi le côté de la pyramide répété 480 fois, ou le périmètre pris 120 fois, faisait le degré terrestre.
(Mémoire sur le système métrique des anciens Égyptiens par M. Jomard.)
L’Égypte, dit Paucton, dans sa Métrologie, conservait le module authentique des mesures. Les anciens en avaient pris le type dans la mesure de la terre. Le côté de la grande pyramide pris 500 fois est précisément la mesure du degré déterminé par les modernes.
« Les rapports de plusieurs mesures de la plus haute antiquité, soit entre elles, soit avec la longueur de la circonférence terrestre, ont fait conjecturer non-seulement que dans des temps fort éloignés, cette longueur a été exactement connue, mais qu’elle a servi de base à un système complet de mesures, dont on retrouve des vestiges en Égypte et dans l’Asie. »
(Exp. du syst. du monde, I. i, ch. 14.)
On peut voir sur le même sujet un passage du même ouvrage, liv. 5, ch. 2, et l’Astronomie mod. de Bailly, liv. 4.
Du temple que Canope ouvrait à la prière.
« Ptolémée inscrivit dans le temple de Sérapis à Canope les principaux éléments de son système astronomique. Ce système a subsisté pendant 14 siècles. Aujourd’hui qu’il est entièrement détruit, l’Almageste, considéré comme le dépôt des anciennes observations, est un des plus précieux monuments de l’antiquité. »
(Exposition du système du monde, I. 5, ch. 2.