L’instruction publique à l’Exposition de 1878/01

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L’instruction publique à l’Exposition de 1878
Revue pédagogique1, premier semestre (p. 434-439).

L’INSTRUCTION PUBLIQUE À L’EXPOSITION DE 1878

Chargé de faire connaître aux lecteurs de la Revue tout ce qui, à l’Exposition universelle, relève de la Pédagogie, nous aurions voulu dès maintenant les introduire dans le palais du Champ-de-Mars : mais l’installation des salles destinées aux diverses classes de l’enseignement est encore trop incomplète pour que cette visite puisse porter fruit et offrir même un intérêt sérieux.

Nous nous bornerons donc aujourd’hui à donner une idée générale de ce que doit être la province de l’enseignement au milieu du royaume de l’industrie. Un coup d’œil rapide sur le plan offert par la Revue, et quelques courtes explications puisées dans nos propres souvenirs, suffiront à en faire bien connaître l’étendue et les limites ; grâce à cette sorte de reconnaissance sur le papier, lorsque, le mois prochain, le lecteur voudra bien commencer le voyage à travers l’Exposition, la route à suivre lui paraîtra déjà familière.

Mais, avant tout, pour bien comprendre dans quelle condition se présente à nous l’Exposition actuelle, rappelons-nous brièvement quels avaient été, aux Expositions précédentes, la place et le rôle de l’instruction publique.

C’est en 1862, à l’Exposition universelle de Londres, que, pour la première fois, sur l’initiative de la Commission royale, une classe spéciale fut ouverte pour recevoir tout ce ’qui pouvait intéresser l’instruction populaire. Quoique tardif, l’appel fut entendu, 619 exposants de tous pays y répondirent ; mais enfin ce n’était qu’un début : une classe unique et un seul local purent tout contenir.

L’exemple était trop bon pour n’être pas suivi : en 1867, à l’Exposition universelle de Paris, lorsque la Commission impériale créa le groupe X pour recevoir « les objets spécialement exposés, en vue d’améliorer la condition physique et morale de la population », deux classes furent instituées en tête de ce groupe (Cl. 89 et 90) et spécialement affectées aux matières de l’éducation et de la pédagogie. Près de 4, 100 exposants, c’est-à-dire presque deux fois plus qu’à Londres en 1869, se groupèrent dans ces deux classes. Le progrès était considérable et le succès ne le fut pas moins, grâce au concours et à l’émulation de presque tous les pays étrangers, grâce surtout au zèle et au dévouement des commissaires français, qui nous ont laissé, dans de volumineux et intéressants rapports, la trace des efforts déployés et des résultats acquis. Cependant, cette fois encore, c’était par surcroît et à titre indirect, pour ainsi dire, que l’instruction publique avait été admise à l’Exposition universelle : on lui avait fait place, non pas pour elle-même, mais parce qu’à un point de vue plus général, elle faisait partie des « moyens propres à améliorer la condition physique et morale de la population ».

Aujourd’hui, la satisfaction est complète. L’instruction publique est accueillie à l’Exposition véritablement pour. elle-même ; elle y prend sa place au même titre que toutes les industries, que toutes les sciences, que tous les arts.

Ce n’est plus une classe ou deux, c’est un groupe tout entier qui se pare de son nom. Le groupe II, qui en 4867 s’appelait seulement le groupe du « matériel et des applications des arts libéraux », porte aujourd’hui en première ligne ce titre : Éducation et Enseignement. Et dans ce groupe, outre la classe de l’Imprimerie et Librairie, et celle de la Géographie et Cosmographie, dont les rapports avec la pédagogie sont aussi évidents qu’intimes, nous trouvons trois grandes classes, qui répondent aux grandes divisions naturelles de l’enseignement.

La classe 6 contient tout ce qui a trait à l’Éducation de l’enfant, à l’Enseignement primaire, à l’Enseignement des adultes, c’est-à-dire les plans et modèles de crèches, d’orphelinats, de salles d’asile, d’établissements scolaires pour la ville et pour la campagne, d’établissements scolaires destinés aux cours d’adultes et à l’enseignement professionnel (des filles), les livres, cartes, appareils, bibliothèques et publications, le matériel de l’enseignement élémentaire de la musique, du chant, du dessin, de l’horticulture et de l’agriculture pratiques, le matériel propre à l’enseignement des aveugles et des sourds-muets.

La classe 7 comprend l’Organisation et le matériel de l’enseignement secondaire, c’est-à-dire les plans et modèles des lycées, collèges, gymnases, écoles industrielles et commerciales, — les collections, livres classiques, cartes et globes, — le matériel de l’enseignement technologique et scientifique.

La classe 8 est consacrée à l’Organisation, aux méthodes et au matériel de l’enseignement supérieur, c’est-à-dire aux plans et modèles d’académies, universités, écoles de médecine et écoles pratiques, écoles d’agriculture, observatoires, musées scientifiques, amphithéâtres, laboratoires, aux expositions particulières des sociétés savantes, et aux missions scientifiques.

On le voit, le programme est vaste et semble cette fois non moins net que complet. Sans chercher à rien préjuger des résultats qui permettront de constater son application matérielle, un seul fait peut dès aujourd’hui nous montrer dans quelles vastes proportions il se trouve réalisé. En 1867, la section française de l’instruction publique (sans tenir compte, il est vrai, de l’exposition spéciale des travaux d’élèves que le manque de place au Champ-de-Mars avait reléguée dans les salles du ministère), occupait à peine, dans le palais de l’Exposition, un espace de 300 mètres carrés. Elle en occupe aujourd’hui, à elle seule, près de 2,000[1], et encore ne comprenons-nous dans ce chiffre ni l’exposition spéciale de la Ville de Paris, évidemment considérable, ni l’annexe construite par M. Ferrand non loin de l’École militaire et où la classe 6 doit loger une partie du mobilier scolaire et des travaux d’élèves. Joignez à cette étendue celle qu’occupera l’enseignement chez les nations étrangères, dont l’exposition pédagogique ne se détache point encore nettement à nos regards, mais qui, s’il faut en croire ce qu’on annonce pour plusieurs d’entre elles, se préparent à soutenir brillamment la lutte, — et jugez de ce que tiendra de place matérielle, jugez de ce qu’aura d’importance morale, à l’Exposition de 1878, l’instruction publique !

C’est ce vaste domaine que dans un mois nos lecteurs commenceront à explorer avec nous. Nous le parcourrons d’abord dans son ensemble, pour nous bien rendre compte de son aspect général et de sa configuration intérieure.

Nous entrerons donc dans le palais par la porte Rapp. Nous suivrons la large voie qui s’ouvre devant nous, à travers la section française et perpendiculairement au grand axe du palais : parvenus à la quatrième rue, à celle que borde le couloir central, nous tournerons à droite. Là, traversant d’abord l’exposition de l’imprimerie et de la librairie, nous parcourrons les trois salles de la classe 6, puis les trois salles, notablement plus spacieuses, de la classe 7 : nous passerons par la salle de la classe 8, et enfin nous entrerons dans le vaste local où le ministère de l’instruction publique a réuni, en une sorte d’immense synthèse, tout ce qui, dans l’une ou l’autre des trois classes, relève directement de son autorité.

Après quoi, gagnant par la galerie d’Iéna l’aile consacrée aux Nations étrangères, nous reviendrons sur nos pas par la galerie qui correspond exactement à celle que, de l’autre côté du palais, nous venons de suivre.

Là, sans doute, nous ne trouverons plus partout, pour l’enseignement, des salles distinctes. Mais nos hôtes se sont assurément conformés au programme qui les invitait à grouper autant que possible tous leurs produits scolaires dans cette même galerie, la plus rapprochée du centre du palais. Nous n’aurons donc guère à nous détourner de notre route pour inspecter, en passant, les expositions pédagogiques des différentes nations. C’est ainsi qu’à travers l’Angleterre, les États-Unis, la Suède et la Norvège, l’Italie, l’Autriche-Hongrie, la Suisse (pour ne nommer que les pays dont on doit attendre, au point de vue scolaire, la plus importante participation), nous parviendrons à l’extrémité du palais qui confine à l’École militaire.

Arrivés là, sauf une petite pointe vers la classe de géographie, la première partie de notre voyage sera terminée, Nous n’aurons plus qu’à revenir à notre point de départ pour commencer des études plus approfondies. La promenade pittoresque sera finie : ce sera le tour de l’excursion scientifique et de l’exploration détaillée.


  1. La classe 6 occupe six travées ; la classe 7, dix travées ; la classe 8, quatre travées ; le ministère de l’instruction publique, treize travées. Les travées ont 5 mètres de long et 12 mètres de large,