Aller au contenu

L’isotopie et les éléments isotopes/12

La bibliothèque libre.
Société « Journal de Physique » (9p. --151).


TROISIÈME PARTIE

STRUCTURE DES ATOMES


CHAPITRE XII

ATOME RUTHERFORD-BOHR


33. Le noyau. Les lois de Moseley. — Jusque vers 1911, les conceptions de la structure des atomes reposaient principalement sur l’image d’une sphère avec distribution uniforme en volume de charge positive, et avec des électrons contenus à l’intérieur (J.-J. Thomson). À cette époque Rutherford a été conduit par les expériences de dispersion de rayons , à formuler une théorie entièrement différente.

Le passage des rayons des corps radioactifs au travers de la matière a lieu, en général, sans changement de direction notable. Cependant certains de ces rayons sont rejetés dans des directions qui s’écartent beaucoup de leur trajectoire primitive. Ces déviations de grands angles ont été expliquées par Rutherford [79] en admettant que chaque atome est composé d’un noyau central de très petites dimensions, portant une charge positive, et d’un cortège d’électrons distribués autour de ce noyau à des distances grandes par rapport à ses dimensions, et portant au total une charge égale à la charge nucléaire.

Quand une particule passe très près d’un noyau atomique, celui-ci la repousse à la manière d’une charge ponctuelle agissant suivant la loi de Coulomb (forces en raison inverse du carré des distances), tandis que l’effet des électrons du même atome pourra être négligé en raison de leur éloignement. Dans cette hypothèse on établit les formules suivantes pour une de ces déviations exceptionnelles


où m1 et M2 sont les masses respectives de l’atome et de la particule , un angle auxiliaire utile pour le calcul, N le nombre atomique (N e la charge du noyau, 2 e celle de la particule ), v la vitesse de la particule et b la distance de la direction de sa vitesse initiale au noyau.

Quand un faisceau étroit de rayons traverse une lame très mince d’épaisseur l contenant n atomes par unité de volume, le nombre probable p de particules qui éprouveront une déviation supérieure à , exprimé en fraction de leur nombre total, est donné par la formule

Ces formules permettent de calculer N si p a été déterminé par l’expérience. Quand la masse m2, de la particule est petite par rapport à celle de l’atome rencontré, on trouve plus simplement :

.

La numération des déviations exceptionnelles au moyen des scintillations produites par les rayons dispersés, sur un écran phosphorescent au sulfure de zinc, a permis d’obtenir des vérifications numériques favorables à la théorie et de démontrer que N est peu éloigné de la moitié du poids atomique. Des expériences de numération précises (Chadwick), ont permis ultérieurement de déterminer quelques valeurs de N (Cu, Ag, Pt) et de confirmer la suggestion de Van den Brock corroborée par les travaux de Moseley, d’après laquelle le nombre d’unités de charge nucléaire représente le rang de l’élément dans la classification périodique [79].

Les expériences de Barkla [79] avaient prouvé dès 1907 que les rayons secondaires produits par les rayons X à leur traversée de la matière sont en partie composés par des groupes caractéristiques dont le pouvoir pénétrant augmente régulièrement avec le poids atomique du radiateur (matière qui reçoit les rayons primaires). Ces groupes se rangent eux-mêmes en séries dont Barkla a défini deux principales : la série K et la série L.

Reprenant l’étude de ces séries à l’aide de la mesure précise des longueurs d’onde par la diffraction sur les cristaux, Moseley [79] a trouvé des lois importantes. Dans chaque série, la racine carrée de la fréquence varie d’un terme au suivant par accroissement égaux, suivant les formules

Série Kxxxx  
Série L xxxxoù N est un nombre entier).

Puisque le poids atomique varie, en moyenne de deux unités entre deux éléments successifs et que la charge nucléaire avait été reconnue comme ayant un nombre d’unités voisin de la moitié du poids atomique, Moseley conclut que la grandeur fondamentale qui, d’un atome à l’autre, varie avec une régularité absolue, n’est autre chose que la charge nucléaire et que, de plus, les propriétés de l’atome se trouvent caractérisées par cette charge d’une manière plus parfaite que par le poids atomique. Ainsi le rang N d’un élément dans la classification devenait en même temps la mesure de la charge nucléaire N e.

L’étude méthodique des séries K et L, ainsi que celle d’autres séries trouvées ensuite, permit de contrôler la classification périodique. Les interversions iode-tellure et argon-potassium se sont trouvées justifiées par l’ordre des valeurs trouvées pour N. Les éléments des groupes de la 8e colonne Fe, Co, Ni, — Ru, Rh, Pd, — Os, Ir, Pt et les éléments du groupe de terres rares ont tous été reconnus comme types chimiques distincts, avec des valeurs de N augmentant régulièrement dans chaque groupe. Les places libres de la classification ont été confirmées, au nombre de 6, dont 2 conviendraient à des homologues supérieurs du manganèse, 2 à des éléments du groupe des terres rares et 2 à des radioéléments dont l’un serait un homologue supérieur de l’iode, tandis que l’autre serait un métal alcalin. L’un des éléments manquants, (N = 72), vient d’être reconnu par la détermination du spectre de rayons X [80][1].

Nous avons vu plus haut que les lois de déplacement de valence pour les transformations radioactives apparaissent comme une conséquence directe de la généralisation de Moseley, bien que leur découverte ait été indépendante.

La théorie de Bohr relative aux spectres d’émission a très heureusement élargi la conception de l’atome de Rutherford en attribuant aux électrons des trajectoires stationnaires correspondant à des niveaux d’énergie déterminés, soit énergie W nécessaire au minimum pour extraire l’électron de la trajectoire et l’éloigner de l’atome. La fréquence correspondante ou fréquence d’absorption est au moins . On peut déterminer avec précision sur les spectres photographiés, la limite inférieure de cette fréquence ou limite d’absorption. Les niveaux d’énergie sont désignés par les lettres K, L, M, N, O, P, par ordre d’énergie décroissante et de distance moyenne croissante de l’électron au noyau. L’absorption d’un rayonnement de fréquence égale ou supérieure à la fréquence limite d’absorption , par exemple, peut déterminer l’expulsion d’un électron du niveau K. La réintégration d’un électron à ce niveau donne lieu à une émission de rayonnement qui peut avoir la fréquence ou bien une fréquence inférieure selon que l’électron de remplacement provient de l’infini (niveau d’énergie nulle) ou bien d’un niveau d’énergie inférieur. Par une étude attentive des spectres de rayons X, on peut classer les raies d’émission comme celles des spectres lumineux, et déduire de là le nombre et la nature des niveaux d’énergie. Quand le nombre atomique augmente d’une unité, un électron vient s’adjoindre à l’atome, le nombre total d’électrons extérieurs au noyau variant depuis 1 pour l’hydrogène à 92 pour l’uranium.

La couche superficielle d’électrons est celle qui assure, pour chaque atome, les propriétés chimiques et électrochimiques ainsi que la valence. Les éléments d’une même colonne du tableau de classification périodique possèdent le même nombre d’électrons dans leur couche périphérique, et ce nombre est supposé égal au numéro de la colonne. De temps en temps, s’achève une couche périphérique d’une formation si symétrique que les électrons qui la composent, n’ont aucune facilité pour participer aux réactions chimiques. C’est le cas des atomes de gaz rares ; hélium, néon, argon, krypton, xénon, radon. On admet que les couches superficielles qui correspondent à ces gaz ont respectivement 2, 8, 18, 32, 18, 8 électrons.

Aux spectres de rayons X se rattachent étroitement les spectres corpusculaires d’électrons [81]. Une fréquence déterminée , absorbée par l’atome peut en extraire un électron. Si celui-ci provient d’un niveau d’énergie caractérisé par la fréquence nécessairement inférieure à , il s’échappera avec une énergie cinétique égale à . Les électrons ainsi émis comme rayons secondaires de la radiation , peuvent être soumis à une déviation dans un champ magnétique, et l’on obtient ainsi un spectre de lignes que l’on fait correspondre à des niveaux d’énergie déterminés[2].

Il y a là un moyen d’étude important en ce qui concerne les radioéléments. Ceux-ci émettent spontanément des rayons et des rayons qui ont entre eux les mêmes relations que celles qui existent entre les rayons corpusculaires et les rayons X qui leur donnent naissance. Ces relations ont été discutées dans les travaux récents de de Broglie, de Ellis et de Lise Meitner [81]. Les auteurs sont d’accord sur le fait que les rayons qui donnent un spectre magnétique de lignes, sont extraits des niveaux K, L, M, par les rayons émis par les mêmes atomes. Mais tandis que L. Meitner réserve le groupe de rayons de vitesse maximum comme groupe primaire venant du noyau et pouvant être intégralement converti en dedans de celui-ci en rayons de même quantum ( des rayons = énergie cinétique des rayons ), Ellis considère l’émission de rayons comme le phénomène primaire et l’émission de rayons du noyau comme un effet consécutif. Ellis a été amené à distinguer dans le noyau des niveaux d’énergie comparables à ceux qui existent en dehors du noyau.

Pour fournir une image de la structure moléculaire certains savants (Lewis et Langmuir) ont introduit un modèle d’atome à propriétés purement géométriques, sans aucune intervention des conceptions de la mécanique ou de l’énergétique. Dans cette manière de voir, les électrons d’un atome tendent à se constituer en un ou plusieurs octets, édifices cubiques avec des électrons aux sommets des cubes, pouvant avoir des paires d’électrons en commun. L’assemblage de ces groupements permet de représenter d’une manière très frappante les propriétés chimiques des éléments et de leurs composés.

34. Théorie de l’unité de la matière. — Les travaux d’Aston ont montré que les poids atomiques de tous les éléments qu’on obtient à l’état de constituants simples, sont avec une grande approximation des nombres entiers, en prenant comme base O = 16. C’est là une forte présomption en faveur de l’ancienne théorie de Prout d’après laquelle les poids atomiques de tous les éléments sont des multiples du plus petit d’entre eux. Il reste à expliquer pourquoi l’atome d’hydrogène a un poids atomique assez notablement supérieur à la seizième partie de celui de l’oxygène. On pense en avoir trouvé l’explication dans la perte d’énergie qui a dû accompagner la condensation des atomes d’hydrogène en atomes plus massifs et qui doit correspondre à une perte de masse (Einstein, Langevin) suivant la formule


c est la vitesse de la lumière.

L’atome d’hydrogène se compose d’un noyau nommé proton, de charge nucléaire égale à celle de l’électron unique qui l’accompagne. En négligeant la masse des électrons, on obtient, pour un atome quelconque, une masse égale à celle des protons qu’il renferme. Puisque le poids atomique P atteint 238 et le nombre atomique N seulement 92 (uranium), il est clair que le noyau doit contenir un nombre d’électrons égal à la différence P — N, P étant le poids atomique d’un élément simple et non celui d’un mélange d’isotopes dont les termes peuvent différer de plusieurs unités.

La présence d’électrons dans le noyau est tout à fait en accord avec ce que nous savons sur l’émission des rayons par les corps radioactifs (voir p. 18). Nous avons vu, d’autre part, comment l’émission de noyaux d’hélium (rayons ) par les radioéléments fait naître la conviction que ces noyaux constituent un élément important de la structure des atomes et y existent avec une certaine indépendance (voir p. 17). Cela n’est pas prouvé, car ainsi que le fait remarquer Aston dans son livre sur les isotopes la fumée ne préexiste pas dans le pistolet qui la produit lors du tir. Toutefois, cela semble extrêmement probable, et l’on renoncerait difficilement à développer cette idée au point de vue de la radioactivité. La séparation de noyaux d’hélium est le seul type connu de transformation radioactive accompagnée d’un changement de masse, et un fait aussi frappant doit avoir une signification concrète et profonde, qui ne peut être plus simple que celle qui vient d’être exposée.

Les expériences récentes de Rutherford et de ses collaborateurs sur la désintégration des atomes légers soumis au choc de rayons sont en faveur de l’hypothèse précédente. En effet, ces savants ont réussi à détacher des noyaux d’hydrogène de certains atomes tels que l’azote, le bore, le phosphore, l’aluminium, mais ils n’ont pu obtenir cet effet sur des atomes d’oxygène et de carbone dont le poids atomique est un multiple de 4. de sorte qu’on peut les considérer comme formés de noyaux d’hélium uniquement. Il semble bien, d’après cela, que les noyaux d’atomes sont composés de noyaux d’hélium, de protons et d’électrons, et que la liaison des protons est assez faible dans certains cas pour permettre leur expulsion de quelques atomes légers [82].

La condensation de quatre atomes d’hydrogène en un atome d’hélium correspond à une perte de masse 0,032 qui mesure l’énergie de cohésion de l’assemblage (« packing effect », dans les publications anglaises), soit 4,45 10-5 ergs par atome d’hélium formé.

Les masses des éléments simples étant mesurées par des nombres entiers on est conduit à penser que ces éléments peuvent être des groupements de noyaux d’hélium et d’électrons avec peu de protons supplémentaires, et que la perte d’énergie par condensation est relativement peu importante. L’excès de masse 0,008 du proton sur l’unité, se conserve dans la structure de certains noyaux où le proton interviendrait sans « effet de tassement », ainsi que le suggère Rutherford dans le cas de l’azote. On conçoit que pour plusieurs protons, cette supposition conduit à un écart appréciable. Des échanges d’énergie peuvent avoir lieu pour la formation de tous ces assemblages, mais tout ce que nous savons à ce sujet, c’est que, d’après le dégagement de chaleur par les radioéléments, les variations de masse correspondantes portent probablement sur la deuxième décimale des poids atomiques.

La perte de masse qui correspond à la transformation du radium, de l’uranium et du thorium en plomb peut être calculée par la perte d’énergie sous forme d’énergie cinétique des rayons émis, principalement celle des rayons . Celle-ci est, elle-même, approximativement équivalente à la chaleur dégagée lors de la transformation totale. Pour la transformation radium-plomb, cette donnée est connue ; la quantité de chaleur dégagée par le radium (135 cal. par gr. et heure), augmentée de celle prévue pour les corps D, E, F, en équilibre avec le radium (environ 27 calories) et multipliée par la vie moyenne du radium, donne un total de 3,3 1019 ergs par atome gramme détruit ; la perte de masse correspondante est environ 0,04 gr. et la perte de poids atomique s’exprime par le même nombre. Les variations relatives aux transformations uranium-plomb et thorium-plomb sont d’après cela, de l’ordre de 0,06.

Les poids atomiques admis pour le radium (225,95) et pour plomb d’urane (206,05) s’expriment par des nombres voisins d’entiers. Les poids atomiques de l’uranium et du thorium (238,18 et 232,12) ont été rapprochés de nombres entiers par les déterminations les plus récentes ; l’écart reste, néanmoins, notable, de sorte que la différence U — Ra est 32,2 et non 32,0 (expulsion de 8 particules ). La présence d’un isotope UIII, tête de la famille de l’actinium, ne paraît pas exclue, mais il n’existe pas de prévision semblable pour le thorium. Des déterminations de poids atomiques de plus en plus sûres permettront de décider, dans quelle mesure les écarts relatifs à U et à Th doivent être considérés comme définitifs, et s’il convient de chercher leur explication dans la présence d’un certain nombre de protons à faible liaison.

35. Éléments de structure. — D’après ce qui précède les noyaux d’atomes sont composés de protons, d’électrons et de noyaux d’hélium, tandis que la partie extérieure de l’atome contient uniquement des électrons. Pour distinguer entre les électrons nucléaires et les électrons extérieurs je désignerai les premiers par le nom de nucléons. Le noyau d’hélium sera nommé hélion.

Les charges du proton et de l’électron sont égales à la charge élémentaire ES, et les masses sont connues par les mesures du rapport . Les dimensions de l’électron sont calculées d’après la formule qui donne sa masse électromagnétique limite, m0 à l’état de repos. En attribuant à l’électron la forme d’une sphère à charge superficielle uniforme on peut calculer le rayon a de la sphère par la relation :

( perméabilité du milieu).
posantxxxxx E. M.xxxxxon trouve
cm.

Le proton doit, semble-t-il, être assimilé à l’électron positif ; son rayon, calculé d’après la même formule serait environ 1833 fois plus petit que celui de l’électron. Le volume du proton serait donc, en général, négligeable dans l’édifice nucléaire.

masse xxxx charge xxxx rayon
proton 
1,6 10-24 gr. + 4,77 10-10  E. S. 1,03 10-16 cm.
électron 
9,0 10-28 gr. -  4,77 10-10  E. S. 1,90 10-13 cm.

L’existence de l’électron et du proton exige, au point de vue de la mécanique, des forces de cohésion, s’exerçant à de très petites distances suivant une loi autre que l’inverse du carré des distances, de manière à faire équilibre à la pression électrostatique.

La masse totale des électrons contenus dans un atome peut atteindre 0,1 unités de masse atomique (uranium, 238 électrons) si elle est évaluée à l’état de repos ; si les électrons ont des vitesses considérables leur masse pourrait être plus grande (voir page 74).

L’élément fondamental qu’il faut envisager ensuite est le noyau d’hélium ou hélion, composé de 4 protons et de 2 nucléons. Même pour ce cas relativement simple il n’existe pas de modèle de structure que l’on puisse accepter avec sécurité. La première tentative dans ce sens a été faite par Lentz [83] qui a envisagé 4 protons répartis uniformément sur une orbite circulaire et décrivant celle-ci autour de l’axe de rotation perpendiculaire à l’orbite en son centre ; sur cet axe sont placés les deux nucléons équidistants du centre, de part et d’autre de l’orbite. En écrivant les conditions d’équilibre pour les forces électrostatiques et la force centrifuge, et en appliquant la loi des quanta à la quantité de mouvement de chaque proton sur son orbite, on trouve pour le rayon r de celle-ci 4,9 10-12 cm., pour la distance 2 b des électrons, 4,2 10-12 cm., pour l’énergie du système, 5,5 10-8 ergs. D’après les évaluations de Rutherford et de ses collaborateurs, les dimensions du noyau d’hélium (particule ) sont de l’ordre de 3 10-13 cm., en se basant sur les expériences de chocs entre les rayons et les atomes d’hydrogène [83]. Le rayon du cercle trouvé ci-dessus paraît donc trop élevé. D’autre part, l’énergie de cohésion prévue par la perte de masse lors de la condensation de 4 atomes d’hydrogène en un atome d’hélium (4,45 10-5 ergs) est très supérieure à celle du modèle, laquelle apparaît incompatible avec la grande stabilité du noyau d’hélium.

Pour remédier à cette contradiction, Smekal a proposé de prendre comme point de départ la valeur de l’énergie de cohésion déduite de la condensation, et d’établir l’équilibre des forces électriques à l’aide d’une loi d’action présentant, à partir de la loi de Coulomb, un écart motivé par la proximité des charges agissantes [83]. Si cette loi est en raison inverse de la puissance n de la distance, on trouve, par application de la loi des quanta

n = 2,116xxxxx r = 1.5 10-13 cm.xxxxx 2 b = 1,3 × 10-13 cm.

En admettant cet écart, relativement peu important, de la loi de Coulomb, les dimensions du noyau reçoivent un ordre de grandeur convenable ; par contre, la distance des centres des électrons se trouve être inférieure à la somme des rayons ce qui suggère la nécessité d’une déformation. Le noyau apparaîtrait comme la superposition de deux électrons aplatis, entre lesquels seraient logés les protons de dimensions négligeables, évoluant sur une orbite circulaire[3]. Signalons que les expériences de Rutherford et de ses collaborateurs conduisent à attribuer à l’hélion (particule ) la forme d’un disque ou sphéroïde aplati [83].

Quel que soit l’avenir de ces spéculations, il apparaît clair que de grosses difficultés restent à surmonter pour comprendre la structure des noyaux. En plus de protons, de nucléons et d’hélions, on peut faire intervenir comme éléments de structure les ions et les atomes formés avec les noyaux H et He. Au point de vue de la notation, l’emploi de symboles devient nécessaire. On désigne couramment l’hélion et le nucléon par les lettres et , l’électron extérieur au noyau par e. On pourrait désigner par le proton. Certains auteurs envisagent l’existence d’un noyau de masse 3 et de charge nucléaire 2, isotope de l’hélion, ou isohélion , ; cette considération primitivement basée sur certaines expériences de Rutherford, paraît superflue depuis que les résultats expérimentaux qui l’avaient motivée ont été mis en doute par leur auteur, elle a cependant été maintenue dans quelques schémas de structure. On rencontre donc, au total, comme éléments de structure, les éléments, individuels , , , , et leurs combinaisons les plus plausibles

.

Pour tous les noyaux formés avec des hélions, des protons et des nucléons, la masse est sensiblement la somme des masses des éléments de structure, l’effet de tassement étant peu important. Le volume doit donc résulter de la juxtaposition de ces éléments et ne peut être inférieur à la somme des volumes individuels.

36. Schémas de structure. — On voit combien grandes sont les difficultés auxquelles se heurtent actuellement les efforts pour construire des noyaux, puisque même pour le plus simple d’entre eux, l’hélion, le problème ne peut être résolu. Cependant de nombreux savants ont essayé d’établir des schémas qui embrassent toute la classification périodique (Harkins, Neuburger, Van Der Broek, Kohlweiler, etc.) [85]. Ces systèmes ne peuvent être exposés ici en raison du développement des tableaux, des notations et des graphiques. L’idée primitive de considérer les atomes d’hydrogène et d’hélium comme éléments de structure des atomes en général, s’est imposée progressivement dans l’étude de la radioactivité et ne peut être raisonnablement revendiquée par un auteur déterminé[4]. Les systèmes se distinguent par l’arrangement arbitraire des éléments de structure, l’hypothèse la plus simple consistant à employer autant d’hélions que le permet le poids atomique, d’autres hypothèses consistant à adjoindre des isohélions ou à spécifier le groupement des nucléons autour des noyaux composants. Les schémas proposés ne tentent pas de satisfaire à des conditions d’équilibre entre les éléments de structure, mais se proposent surtout de découvrir les lois empiriques qui régissent la distribution des isotopes. La discussion des travaux faits dans cette direction doit être limitée aux idées générales.

Une telle idée consiste, en particulier, à admettre que les séries de transformations radioactives ayant comme tête de série l’uranium et le thorium, se prolongent dans la classification périodique qu’elles pénètrent entièrement. Les éléments inactifs sont, dans cette manière de voir, les descendants des radioéléments, par un processus d’émission de particules ou se faisant actuellement ou bien accompli à une époque antérieure. Cette opinion ne paraît pas compatible avec certains faits expérimentaux. Les étoiles très chaudes et les nébuleuses semblent composées principalement d’hydrogène et d’hélium. Il paraît donc vraisemblable que les atomes lourds se sont formés dans la nature à partir d’atomes légers dans des conditions qui ne sont plus réalisées actuellement à la surface de la terre. Il doit exister pour tous les éléments des conditions de stabilité qui leur permettent de se former et de subsister ou les obligent à disparaître. Rien ne permet d’affirmer que nous assistions, sur la terre, à une époque d’instabilité pour tous les éléments, sauf l’hydrogène, l’électron et l’hélium, ni que les éléments légers présents sur la terre doivent être considérés comme descendant des éléments plus massifs, plutôt que comme de la matière ayant échappé à l’agglomération. Le processus d’agrégation pourrait être semblable dans une certaine mesure à celui de désagrégation, et c’est ce qui expliquerait pourquoi on n’observe aucune solution de continuité dans la classification périodique entre les radioéléments et les éléments stables.

Entre P = 4 (hélium) et P = 40 (calcium), le nombre atomique N est peu différent de ou égal à ce qui suggère une structure par assemblage de noyaux d’hélium, avec addition de très peu de protons et de nucléons supplémentaires. Les expériences de séparation de protons à partir de certains atomes légers, mais non de ceux qu’on peut composer avec des noyaux d’hélium uniquement (carbone, oxygène, etc.), est en faveur d’une telle supposition, les protons additionnels des atomes d’azote, de bore, de phosphore, d’aluminium étant supposés placés à l’extérieur de l’édifice compact formé par les hélions. Le problème de la structure de ces édifices soulève des difficultés. Si l’on admet le noyau d’hélium comme donné, il faut expliquer la possibilité d’assemblages tel que celui de 3 noyaux He dans le carbone ou de 4 noyaux He dans l’oxygène, ces noyaux subissant la répulsion de leurs charges positives totales (N = 2), et pouvant, de plus, être soumis à une force centrifuge due à un état de rotation. Ceci conduit à introduire dans la structure des noyaux la considération de forces autres que les actions électrostatiques qui suivent la loi de Coulomb, et d’envisager aux très faibles distances des forces attractives susceptibles d’assurer un équilibre ; celui-ci étant probablement soumis aussi à la loi des quanta. Quoiqu’il en soit, la difficulté d’assemblage de noyaux d’hélium et aussi de protons croît, sans doute, avec leur nombre, et c’est probablement pour cela qu’avec l’augmentation du nombre atomique, on voit augmenter aussi le nombre d’électrons nucléaires. Le noyau d’uranium, par exemple, doit contenir en tout 146 nucléons. Si ce noyau possédait 59 hélions et 2 protons, le nombre des nucléons engagés dans des hélions serait 118, et il y aurait 28 nucléons destinés à cimenter l’édifice des unités positives, alors qu’il n’y a point de tels électrons dans les noyaux de carbone et d’oxygène.

Les éléments instables (radioéléments) apparaissent dans la classification au nombre atomique 81 (type thallium) et aux nombres atomiques plus élevés. On doit penser que pour N > 92 on obtient des structures de noyaux dont la probabilité est minime ou la stabilité très faible.

37. Considérations sur la structure de radioéléments. — La diversité des périodes des radioéléments isotopes oblige à admettre une grande variété de structure qui n’est rendue par aucun des modèles jusqu’ici proposés. Il n’existe pas de radioéléments de périodes égales, et l’on n’aperçoit aucune relation entre la période et la structure. Seule subsiste l’affirmation générale que l’instabilité résulte, sous des conditions encore inconnues, de l’augmentation du poids atomique.

En formant les noyaux d’uranium et de thorium à partir de noyaux d’hélium, de protons et d’électrons nucléaires, on aperçoit que le noyau de thorium pourrait contenir un nombre entier de noyaux d’hélium ; tandis que le noyau d’uranium contiendrait nécessairement 2 protons supplémentaires. Comme on n’a jamais constaté d’émission d’hydrogène par les radioéléments, bien que cette émission ait déjà été recherchée, les deux protons qu’il faut attribuer, au minimum, au noyau d’uranium, se retrouvent dans le noyau de plomb d’uranium 206. Si ce plomb est stable, son noyau peut exister dans celui d’uranium avec une certaine indépendance, et les éléments supplémentaires (8 hélions et 6 nucléons) formeraient, en ce cas, l’ensemble qui subit la transformation. La structure des plombs instables pourrait de même résulter de l’assemblage du plomb 206 ou du thallium 204 avec des hélions et des nucléons supplémentaires.

On s’est demandé comment il est possible que, dans une transformation par émission de rayons , un nucléon puisse s’échapper du noyau, malgré la charge positive totale de celui-ci. J’ai montré que cette expulsion est possible avec travail fourni, par le seul effet des forces électrostatiques [84]. Imaginons une paire de nucléons placés à très petite distance l’un de l’autre et entourés d’une distribution d’unités positives. L’un des nucléons de cette paire pourra être chassé du noyau par la répulsion de l’autre, malgré l’attraction des unités positives placées à l’extérieur de la paire. Par exemple, en se plaçant dans le cas simple où les nucléons de la paire distants de 2 a se trouveraient au centre d’une couche sphérique de diamètre 2 b constituée par une charge positive Q avec distribution uniforme, on trouve pour le travail fourni . Si la charge totale de ce noyau est N e, on a :

et pour.

Pour les gros atomes ceci exige environ. En prenant cm. (rayon d’un électron), cm. (ordre de grandeur du rayon des gros noyaux évalués par les expériences de dispersion des rayons ), on trouve ce qui correspond à une énergie cinétique qu’on peut communiquer à l’électron au moyen d’une différence de potentiel de volts. On obtient des résultats analogues en remplaçant la couche sphérique uniforme par une distribution symétrique de particules à charges positives, de petites dimensions, à condition d’attribuer à la vitesse initiale prise par l’électron sous l’influence de la répulsion de son voisin une direction convenable, afin qu’il puisse passer dans un intervalle entre les particules positives.

Sans insister sur le côté numérique de cette considération qui ne saurait encore être précisé, il semble que la présence dans le noyau de paires d’électrons offre quelque probabilité. La présence de telles paires a été, d’autre part, envisagée par Harkins pour des raisons de statistique qui montrent que le nombre de nucléons est le plus souvent pair [85].

L. Meitner envisage la formule suivante pour les noyaux de l’uranium et du thorium [86]

.


désigne un hélion, un nucléon, un hélion accompagné de ses deux électrons, un proton. On suppose que l’émission d’un noyau entraîne l’émission consécutive des deux électrons, tandis que l’émission de peut être suivie d’autres émissions semblables. Les transformations radioactives sont ramenées aux 5 types du schéma suivant :

(1)  
(2)
(3)
(4)
(5)

Ces types conviennent à l’ensemble des transformations, sauf une exception dans la famille de l’actinium. Les types (2), (3), (4) et (5) conduisent à un isotope de l’élément primitif. Les formules de tous les radioéléments se déduisent de celles de l’uranium et du thorium.

Deux radioéléments sont isotopes si le second dérive du premier par émission successive, dans un ordre quelconque, de deux nucléons et d’une particule . Le cas de l’ionium et de l’uranium Y est unique (type 4) si l’on considère ces deux corps comme dérivés de UII par émission de rayons . Les deux particules émises jouent un rôle différent, d’après le modèle de structure de L. Meitner. Néanmoins, il n’est pas certain que UY ne puisse provenir d’un isotope indépendant de UI et UII. Le type (5) est représenté par le cas jusqu’ici unique de la transformation de UX1 en UX2 et UZ (Hahn).

Les radioéléments isotopes peuvent présenter entre eux un degré de parenté différent. Ainsi le radium et le mésothorium I ont une analogie moindre que le radium et le thorium X qui jouent le même rôle dans leurs familles respectives, en ce qui concerne la suite de l’évolution. De même, il y a une parenté plus étroite entre les corps B qu’entre l’un d’eux et le radium D. Pourtant cette parenté qui détermine le même mode d’évolution ne se manifeste point dans la stabilité relative, les termes correspondants des familles ayant des périodes très différentes. Les écarts de masse atteignent 8 unités (Po et RaA, RaB et ).

Il existe aussi des isotopes qui ont le même poids atomique, mais dont la structure ne peut être la même, malgré les égalités de P et de N, puisque leur vie moyenne est différente, ainsi que leur rôle dans les familles de radioéléments (RaD et AcB).

On peut envisager des isotopes qui, avec une origine différente, auraient même masse, même nombre atomique et même stabilité. De tels éléments ne pourraient être distingués par nos moyens. Il est possible que ce cas soit réalisé pour certains isotopes du type plomb, mais nos notions actuelles sur leur stabilité sont insuffisantes pour l’affirmer.

Une émission de rayons donne lieu à la formation d’un élément isobare de celui qui lui a donné naissance. Ainsi l’uranium II, l’uranium X1 et l’uranium X2 sont des isobares.

Il est utile de rappeler ici que malgré l’instabilité de structure qui provoque la transformation, les radioéléments ne sont sensibles à aucune action extérieure en ce qui concerne la vitesse de cette transformation. Celle-ci est caractérisée par les constantes radioactives (voir p. 14) qui se sont montrées indépendantes des conditions de l’expérience, quelle que soit la température, la pression, l’éclairement, l’intensité de champ magnétique, etc. Le bombardement des radioéléments par leurs rayons a été également essayé jusqu’ici sans résultats certains.

Nous avons vu cependant que le bombardement par les rayons a permis d’obtenir la destruction d’atomes légers. Ce résultat s’explique par le fait que le champ de force autour du noyau est, en ce cas, relativement peu intense, et que la particule peut approcher du noyau à une distance suffisante pour influencer sa structure. Conformément à cette vue, ce sont les rayons les plus rapides du RaC’ ou du ThC’ qui seuls sont capables de produire la rupture des atomes légers, tandis que les rayons du polonium, par exemple, n’ont pas une énergie suffisante pour donner lieu à ce phénomène.

On pourrait s’attendre à ce que des rayons puissent plus facilement pénétrer dans un gros noyau, en raison de l’attraction qui s’exerce sur eux. Toutefois, de ce côté on ne connaît pas encore de faits expérimentaux définis.




  1. L’élément 72 est ou bien le dernier terme du groupe des terres rares ou bien un homologue du zirconium. Urbain et Dauvillier l’ont identifié avec le celtium. Sa présence a été signalée dans un minerai de zirconium de Norvège par Coster et Hevesy qui lui ont donné le nom d’hafnium.
  2. On trouvera un exposé détaillé sur les spectres des rayons X et des rayons corpus­culaires dans le premier volume de cette collection Les rayons X de M. De Broglie.
  3. Smekal a appliqué la même méthode à l’étude des conditions de stabilité des noyaux (isohélion) et H2 (isotope d’hydrogène, composé de 2 protons et d’un électron).
  4. J’ai exprimé moi-même cette opinion précise dans une conférence faite en janvier 1914.[84].